Le 14
septembre, le Sénat français a adopté le projet
de loi interdisant dans tout l’espace public le port du voile
intégral, comme la burqa ou le niqab, qui sont portés
par certaines femmes islamiques. La loi a été adoptée
à une majorité écrasante de 246 contre une.
La décision du
gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy
d’interdire la burqa et qui est soutenue par l’ensemble
de l’establishment politique fait partie d’une
attaque grandissante contre les droits démocratiques et est
une violation du principe de l’Etat de droit.
Le vote du Sénat
d’interdire la burqa a été éclipsé
dans la presse par le conflit qui a surgi la semaine dernière
entre Sarkozy et des responsables de l’Union européenne
au sujet de la déportation ciblée de Roms. La
commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding,
avait critiqué la politique de Sarkozy contre les Roms comme
une « discrimination basée sur l’origine
ethnique ou la race. »
En dressant implicitement
un parallèle avec les déportations de Roms par la
France durant l’occupation nazie, elle a ajouté :
« Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin
de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale. »
Comme il est maintenant
évident, l’interdiction du port de la burqa était
le moyen politique pour opérer un brusque tournant dans la
politique officielle française vers des mesures sécuritaires
fascistes et de nettoyage ethnique.
Selon la loi, les femmes
portant une burqa ou un niqab en France se verront infliger une
amende de 150 euros et seront obligées de suivre des cours de
citoyenneté. Toute personne suspectée de contraindre
une femme à porter le voile intégral sera passible
d’une amende de 30.000 euros et d’un an de prison.
Le seul vote contre
l’interdiction de la burqa a été celui du
sénateur de droite, Louis Giscard d’Estaing. C’est
ce qui souligne la duplicité de la « gauche »
bourgeoise – notamment le Parti socialiste (PS) et le Parti
communiste (PCF) – en ce qui concerne l’interdiction de
la burqa de Sarkozy. Sur les 116 sénateurs PS, 46 ont voté
pour l’interdiction et les autres se sont abstenus. Le parti
avait officiellement applaudi le principe d’une interdiction
totale, mais avait émis certaines réserves quant à
la constitutionnalité de la loi.
Les responsables français
ont cyniquement affirmé que l’interdiction de la burqa
représentait une défense des droits de la femme et de
la laïcité en opposition au fondamentalisme islamique.
En présentant la loi, la ministre française de la
Justice, Michèle Alliot-Marie, a déclaré de
façon grandiloquente, « Vivre la République
à visage découvert, c’est une question de
dignité et d’égalité. C’est une
question de respect de nos principes républicains. »
Elle a ajouté, « Le
voile intégral dissout l’identité d’une
personne dans celle d’une communauté. Il remet en cause
le modèle d’intégration à la française,
fondé sur l’acceptation des valeurs de notre société. »
Les commentaires
d’Alliot-Marie représentent en fait une répudiation
du principe de laïcité. Loin de faire respecter la
neutralité de l’Etat sur les questions religieuses, le
gouvernement Sarkozy oblige les femmes à abandonner leurs
pratiques religieuses en adoptant certaines coutumes sociales pour
avoir le droit de sortir de chez elles. Ce ciblage d’une
infime minorité de femmes portant la burqa, environ 2 000 sur
les millions de femmes musulmanes vivant en France, est un effort
conscient pour attiser un sentiment raciste anti-musulman dans le
but de détourner l’attention du mécontentement
grandissant au sein de la classe ouvrière.
Le Conseil de l’Europe
et Amnesty International ont critiqué le projet de loi en
disant que l’interdiction « viole les droits à
la liberté d’expression et de religion des femmes. »
Dans une reconnaissance
implicite du caractère extra-légal de l’interdiction,
les présidents du Sénat et de l’Assemblée
nationale (la chambre basse) ont soumis la loi au Conseil
constitutionnel après le vote au Sénat. Ils ont
expliqué que la raison en étant « que sa
conformité à la Constitution ne puisse être
affectée d’aucune incertitude. »
Il est bien connu que
l’interdiction de la burqa est inconstitutionnelle. En mars,
le Conseil d’Etat avait émis un avis en reconnaissant
que l’interdiction du voile intégral « ne
pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable ».
Avec l’approbation
de la loi par le Sénat, la France devient l’un des
premiers pays en Europe à adopter une interdiction de la
burqa. Elle avait été adoptée à une
écrasante majorité à l’Assemblée
nationale en juillet et entrera en vigueur au printemps prochain.
Des lois similaires
interdisant la burqa sont en préparation partout en Europe.
En Italie, la Ligue du Nord — partenaire de coalition du
gouvernement Berlusconi — a annoncé le 17 septembre
qu’elle présenterait une copie de l’interdiction
française au parlement italien. Marco Reguzzoni, dirigeant du
groupe parlementaire de la Ligue du Nord a déclaré,
« Nous voulons renforcer l’initiative française. »
En avril, la chambre basse
du parlement belge a approuvé une interdiction totale du port
de la burqa sous peine d’une amende de 25 euros et de sept
jours d’emprisonnement. Toutefois, en raison de la dissolution
du parlement peu de temps après le vote et du fait qu’aucun
gouvernement n’a été formé depuis, la loi
n’est pas entrée en vigueur.
Le PS, le PCF et les
partisans du PS issus de la classe moyenne, tel le Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA) soi-disant de gauche, ont joué un rôle
crucial dans la promotion de la campagne antidémocratique de
Sarkozy.
A l’origine, la
proposition d’interdire la burqa était venue d’André
Gerin, député PCF. Après que Sarkozy avait
déclaré le même mois lors d’une réunion
parlementaire que la burqa n’était « pas la
bienvenue sur le territoire de la République », il
avait créé une commission d’enquête
parlementaire pour réfléchir à la question
d’imposer une interdiction. Gerin a dirigé la
commission et le PS y a participé.
La campagne anti-burqa a
créé un précédent pour Sarkozy en lui
permettant d’appliquer d’autres attaques réactionnaires
d’abord contre les immigrés et finalement contre
l’ensemble de la classe ouvrière. Peu de temps après
avoir lancé la chasse à la burqa, Sarkozy a entamé
une campagne sur « identité nationale »
afin de faire appel au sentiment néofasciste et nationaliste.
Lorsqu’une jeune
femme française a protesté pour avoir été
arrêtée au printemps dernier alors qu’elle
circulait au volant de sa voiture en portant un niqab, le
gouvernement Sarkozy a rétorqué en menaçant de
priver son mari de sa nationalité française et en
l’accusant de polygamie et de fraude aux aides sociales.
(Voir : France:
Le gouvernement s'acharne sur le compagnon d'une femme portant le
niqab)
C’est ce qui a
marqué le prélude à un assaut plus général
contre les droits démocratiques y compris la menace de
déchoir de la nationalité française les
citoyens naturalisés ayant été coupables de
violences contre des forces de l’ordre ou des fonctionnaires.
Cette politique visait à réprimer la résistance
populaire contre les violences policières dans les banlieues
défavorisées en France et où vivent les
immigrés.
D’autres attaques du
gouvernement à l’encontre de la population laborieuse
comprennent la suppression des allocations familiales pour les
familles dont les enfants font l'école buissonnière et
le fait de rendre pénalement responsables les parents de
mineurs présumés délinquants.
En dehors du Comité
international de la Quatrième Internationale et le World
Socialist Web Site aucun parti ou publication ne
met en garde les travailleurs contre les dangers que pose la
campagne anti-burqa.
Le PS et le PCF en sont
activement complices. Le NPA tout en émettant des critiques
ambiguës à l’égard de la mesure, a soutenu
le principe de l’interdiction sur la base de la défense
des droits de la femme tout en occultant le contenu antidémocratique
de la mesure.
Au printemps dernier, Le
Parisien a demandé au porte-parole du NPA, Olivier
Besancenot si « une amende de 150 euros pour punir le
port du voile dans l’espace public » était
« juste ». Besancenot a répondu :
« le problème n’est pas l’amende, mais
l’utilisation politicienne qui en est faite. La burqa opprime
les femmes, mais toute loi serait inefficace et injuste. Qui
seraient les grands gagnants ? Les plus extrémistes à
droite et les intégristes religieux. Les perdants, ce sont
les 4 millions de musulmans qui vivent en France et qui se sentent
stigmatisés. »
Besancenot a indiqué
qu’il n’avait aucune objection de principe contre
l’interdiction, mais seulement une objection tactique.
En janvier, le WSWS
écrivait: « Présentés au mépris
de l’opinion publique et de la constitution, les préparatifs
à l’institutionnalisation d’une discrimination
d’Etat contre certaines formes d’expression religieuse
musulmane marquent une orientation vers des formes de gouvernement
ouvertement antidémocratiques. »
Cette analyse a été
totalement confirmée par les événements qui
s’en sont suivis, et particulièrement la chasse aux
sorcières raciste contre la population rom en France.