Cette semaine le premier ministre PSOE (Parti socialiste
ouvrier espagnol), José Luis Zapatero, s’est rendu en Extrême
Orient pour demander des fonds. Sa visite fait suite à une tournée identique au
Moyen- Orient en mars.
Suite à des réunions avec le premier ministre chinois Wen Jiabao, Zapatero a
rejeté la possibilité que le gouvernement espagnol serait dans
l’incapacité d’honorer sa dette et requérait un renflouement.
« C’est le consensus des analystes qu’au moment où le Portugal
requiert un sauvetage financier, le risque associé à la crise de la dette
souveraine dans la zone euro était pratiquement terminé, » a-t-il affirmé.
« Ce que nous avons dit aux dirigeants et aux investisseurs chinois
c’est qu’ils devaient faire confiance à l’Espagne. »
« L’assistance de la Chine a été cruciale dans les moments de
grande difficulté pour rétablir la confiance dans l’économie de
l’Espagne, » a dit Zapatero.
La Chine est déjà intervenue deux fois au cours de ces 12 derniers mois pour
racheter des obligations du gouvernement espagnol et a promis de le refaire.
Elle détient actuellement plus de 12 pour cent des obligations du gouvernement
espagnol (environ 25 milliards d’euros), en forte augmentation par
rapport aux 4 pour cent d’il y a un an. La Chine a aussi dit vouloir
participer à un fonds pour la restructuration des caisses d’épargne
locales espagnole (cajas) qui ont été au cœur de la crise
financière.
La ministre espagnole des Finances, Elena Salgado également a tenté de
rassurer les marchés financiers. Après la demande de renflouement, Salgago a
passé la semaine dernière la plus grande partie de son temps à un sommet de
deux jours des ministres des Finances de l’Union européenne (UE) pour
insister que la « contagion » affectant la Grèce, l’Irlande et
le Portugal ne se propagerait pas à l’Espagne. Salgado a dit que son pays
« ne suivra pas cette voie du fait que… notre économie est beaucoup
plus grande, beaucoup plus diversifiée. Nous disposons
d’un très bon bilan. »
C’était ce que l’UE voulait entendre. La plus grande partie de
la politique d’austérité que l’Espagne a appliquée a été élaborée
en étroite coopération avec l’UE et le Fonds monétaire international
(IMF). A la fin du sommet, les ministres de l’UE sont passés les uns
après les autres devant la presse mondiale pour souligner que l’Espagne
n’aurait pas besoin de plan de sauvetage – toutefois la valeurs de
leurs assurances est limitée vu qu’ils avaient fait l’année
dernière des commentaires identiques concernant le Portugal, avant qu’il
ne demande un renflouement cette année.
« L’Espagne ne pose pas problème, » a déclaré la ministre
française des Finances, Christine Lagarde qui ajouta qu’elle ne croyait
crois pas à un risque de contagion et pensait qu’on était entièrement
sorti de cette situation.
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a réitéré, « Le
risque de contagion a diminué… Non pas que nos craintes soient passées,
mais nous sommes sur la bonne voie. »
« L’Espagne fait des efforts énormes pour consolider son budget, »
a dit le directeur général du Fonds européens de stabilité financière (EFSF),
Klaus Regling, en ajoutant, « Le pays est aujourd’hui dans de
meilleures conditions et, dans l’opinion des marchés, il s’est
nettement différencié des trois petits pays. »
Pas tous les analystes de marché sont d’accord avec cette évaluation
en rose, d’autant qu’il y a la crainte que de grandes banques
n’aient des pertes liées à l’éclatement de la bulle immobilière
espagnole. Les prêts accordés au secteur du bâtiment et à l’immobilier
s’élevaient à 400 milliards d’euros à la fin de 2010.
Wolfgang Münchau, écrivant dans le Financial Times du 10 avril, le lendemain
de la clôture du sommet, a déclaré, « L’Europe contente de soi doit
réaliser que l’Espagne sera la prochaine. » Il a écrit, « Le
mélange d’un endettement extérieur élevé, de la fragilité du secteur
financier et de la probabilité de nouvelles baisses des valeurs financières
augmentent à un moment donné la probabilité de restrictions sur le financement
… Et ceci signifie que l’Espagne sera le prochain pays en quête
d’une assistance financière de l’UE et du FMI. »
Les analystes financiers ont fourni des évaluations selon lesquelles
l’Espagne pourrait échapper à un sauvetage si ses pertes bancaires
étaient inférieures à 75 milliards d’euros. Le gouvernement espagnol
affirme que les pertes se situent en dessous de 20 milliards d’euros mais,
nombreux sont ceux, qui insistent pour dire que le gouvernement sous-estime et
même dissimule sérieusement l’ampleur de la crise. Certaines
évaluations chiffrent même les pertes à 120 milliards d’euros.
L’endettement du gouvernement espagnol s’élève à 750 milliards
d’euros ou 62 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et est donc
relativement petit par rapport à la taille de son économie, au regard des
normes communautaires. Toutefois, sa dette privée – contractée par des
emprunteurs privés, des entreprises et des banques – s’élève à non
moins de 170 pour cent du PIB et est considérée comme étant insoutenable.
Le gros de la dette du Portugal et de l’Irlande, qui tous deux ont
demandé des renflouements, était aussi détenu par des particuliers. Les
gouvernements portugais et irlandais ont renfloué le secteur privé en
s’appropriant une grande partie de sa dette puis furent obligés
d’emprunter à des taux exorbitants pour compenser le manque à gagner.
Lorsque ceci a échoué, ils allèrent quémander des renflouements à hauteur de
plusieurs milliards d’euros auprès de l’UE et du FMI.
Selon le directeur du fonds Jupiter Strategic Bond, Ariel Bezabel, « Le
secteur privé de l’Espagne détient aussi la part du lion de
l’endettement du pays et nous trouvons cela particulièrement
préoccupant… [Si] la situation devait se détériorer en Espagne, ceci
représenterait à notre avis un point de non retour. Le marché
est certainement du même avis. »
Un sauvetage de l’Espagne – évalué à plus de 400 milliards
d’euros – éclipserait ceux qui sont survenus jusqu’ici et
viderait littéralement le Fonds européen de stabilité financière (EFSF).
Les cajas ont dû reprendre des maisons invendues ou saisies en
espérant être en mesure de les vendre lorsque la reprise du marché immobilier aurait
commencé. Non seulement ceci ne s’est pas réalisé mais la situation
s’est aggravée avec la chute des valeurs immobilières. Entre 2001 et
2007, les prix des maisons se sont envolés de 150 pour cent. Mais, tandis que
les prix ont baissé entre 50 et 100 pour cent ailleurs, en Espagne, ils ont
pour le moment, baissé de moins de 20 pour cent. Une quantité énorme de maisons
– un million, trois fois plus qu’aux Etats-Unis – sont
disponibles, signalant qu’il y aura une « offre excédentaire »
pendant des années.
Les cajas sont restées derrière, ayant à leur charge
des dizaines de milliards d’actifs. Elles sont également considérées
comme figurant parmi les plus vulnérables en Europe face aux augmentations du
taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE). Non seulement
leurs profits seront restreints, mais un nombre grandissant d’Espagnols
n’arriveront plus à rembourser leurs emprunts contractés pour des
logements qui ne valent plus qu’une fraction de ce qu’ils les ont
payés.
La crise des cajas avait atteint un point culminant l’année
passée lorsque le gouvernement avait dû intervenir avec un renflouement de 9
milliards d’euros pour la Caja Castilla La Mancha et en organisant
ensuite le sauvetage de la Cajasur qui est contrôlée par l’église catholique.
La Banque d’Espagne a commencé par fusionner la plupart des 45 cajas
du pays en une poignée de nouvelles institutions en leur ordonnant
d’obtenir davantage de capital du secteur privé. Depuis lors, le
personnel a été réduit de plus 15 pour cent et un quart de l’ensemble des
agences locales a été fermé.
En mars, la Banque d’Espagne avait révélé que huit cajas, ainsi
que deux banques espagnoles et deux succursales de Deutsche Bank et de Barclays
Bank, ne disposaient toujours pas de suffisamment de capital et furent instruites
de compenser le manque à gagner avant le prochain test de résistance
(« stress test ») pour les banques européennes. Lors des derniers
stress tests réalisés en 2010, cinq des sept banques qui n’avaient pas
répondu aux critères étaient espagnoles.
La semaine passée, la fusion de la Caja de Ahorros del Mediterráneo (CMA),
sise à Alicante, avec trois autres cajas a échoué après qu’on ait
découvert que son capital était encore insuffisant. Le gouvernement a exercé
une pression sur les grandes banques, dont Santander et BBVA, pour reprendre la
CAM en vain. Il est possible que le fonds de restructuration des banques
espagnoles doive intervenir.
Pour la bourgeoisie espagnole, l’UE et les marchés monétaires,
l’objectif clé est d’obliger la classe ouvrière à payer pour la
crise. Le gouverneur de la Banque d’Espagne et le membre du conseil
d’administration de la BCE, Miguel Ángel Fernández Ordóñez, a déclaré
qu’il était « essentiel » pour le gouvernement
d’intensifier son « rythme ambitieux » des réformes, notamment
celles touchant au marché du travail. Le FMI s’est fait mardi
l’écho de ses exigences en disant que davantage de mesures
d’austérité étaient nécessaires pour ramener le déficit budgétaire de
l’estimation de cette année de 6 pour cent à 3 pour cent du PIB
d’ici 2013.
Les mesures d’austérité brutales du PSOE dont des réductions des
salaires du secteur public et des retraites, des coupes sociales et
d’autres services publics, la hausse de la TVA et de nouvelles
privatisations ont maintenu à l’écart de l’Espagne la horde de
loups des spéculateurs et ont évité que les taux d’intérêt que le
gouvernement espagnol doit payer pour ses emprunts ne grimpent aux niveaux
intenables qu’a connus le Portugal.
Les syndicats espagnols ont été chargés par la classe dirigeante de
collaborer avec l’Etat et le patronat pour imposer les coupes.
Actuellement, ils négocient secrètement avec les dirigeants patronaux pour
« réformer » le système de négociation salariale afin de mettre fin à
l’indexation du salaire sur le taux d’inflation pour le faire
baisser. Les deux parties ont promis un accord cette semaine, mais les
employeurs ont brusquement exigé des mesures supplémentaires pour réduire les
prestations d’assurance sociale et de maladie.
Cándido Méndez, le secrétaire général du syndicat Union générale des
Travailleurs (UGT) a expliqué que le retard ne devrait rendre « personne
nerveux ou frénétique ». Ignacio Fernández Toxo, le dirigeant du Parti
communiste (PCE) et le dirigeant des Commissions ouvrières (CCOO), a dit qu’un
accord était encore « le plus probable. »
Le président de l’association des employeurs, Joan Rosell, a dit, « Nous
essayons de mettre sur la table quelque chose que nous n’avons jamais eu
auparavant » et que les réformes seraient « significatives et
profondes. »