L'expiration de
l'ultimatum envoyé par la Ligue arabe au régime syrien de Bachar
al-Assad, pour qu'il retire ses troupes des combats en Syrie et organise des
négociations avec les groupes oppositionnels pro-occidentaux, est un pas de
plus vers une intervention militaire occidentale dans la guerre civile syrienne
qui s'intensifie.
Derrière les
groupes armés de l'opposition syrienne, soutenus par la Turquie; l'Arabie
Saoudite et le Qatar, il y a aussi les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France.Ils se sont engagés depuis des mois dans des
manouvres en coulisses avec Ankara, Riyad et l'opposition syrienne, essayant
d'obtenir la garantie que la chute du régime alaouite pro-iranien d'Assad
amènera au pouvoir à Damas un régime fantoche de l'occident.
Dès le début,
l'Arabie Saoudite, le Qatar, la Jordanie et la Turquie, tout comme Washington,
ont tenté de se servir du mouvement social contre Assad, qui était inspiré par
les luttes révolutionnaires de cette année en Égypte et en Tunisie, pour
promouvoir un changement de régime vers la droite pro-impérialiste. Le Conseil
national syrien, actuellement la principale force liée aux puissances
étrangères régionales comme aux grands pays impérialistes, est installé en
Turquie et est divisé en deux groupes : la Déclaration de Damas, dominée par
les proaméricains ; et les Frères musulmans sunnites, qui obéissent aux Etats
arabes et à la Turquie.
Comme dans le cas
de la guerre impérialiste en Libye, il y a une répartition des tâches dans
cette opération impérialiste. Des forces comme l'Armée libre syrienne,
exclusivement sunnite et également stationnée en Turquie, servent à mener des
opérations contre les forces armées syriennes et les milices alaouites. Pendant
ce temps, divers « libéraux » autoproclamés sont présentés par les médias pour
chanter les louanges du mouvement décrit comme non-sectaire, alors que les
antagonismes religieux et ethniques sont provoqués sur
le terrain.
Écrivant dans Gulf
News, Patrick Seale fait ce commentaire : « Les
enlèvements réciproques, la torture, les décapitations et les déportations de
populations qui ont lieu entre les communautés sunnite et alaouite dans le
centre-ville de Homs - souvent appelées la "capitale de la
révolution" - envoient un message très inquiétant sur ce qui risque
d'arriver au reste du pays. »
Le régime syrien
ne mérite pas moins de périr que ceux de Zine el Abidine Ben Ali en Tunisie, d'Hosni Moubarak en Égypte et
de Mouammar Kadhafi et Libye. Il s'est construit sur des décennies de
répression et sur l'appauvrissement de son propre peuple, 32 pour cent de
celui-ci vivent avec 2 dollars par jour ou moins. Mais la question la plus
importante de toutes celles qui sont maintenant posées directement aux masses
est : qu'est-ce qui va remplacer Assad ?
Un régime
sectaire installé pour le compte d'Ankara, de Riyad, et de Washington ne
représenterait pas une avancée mais un pas en arrière pour la classe ouvrière
en Syrie et dans le monde entier. Après l'installation d'une marionnette
de l'occident au pouvoir en Libye, cela représenterait une nouvelle victoire de
la contre-révolution impérialiste face aux révolutions arabes.
Les États-Unis et
l'Europe considèrent le « croissant chiite » qui recouvre Téhéran, Damas, le
Hezbollah libanais et maintenant le gouvernement irakien, comme une menace
potentielle à leur hégémonie. Les Etats arabes sunnites, la Turquie, et Israël,
partagent entièrement ce désir d'isoler et de saper les défenses de l'Iran.
George Friedman,
fondateur et PDG de la compagnie de renseignements privée Stratfor,
note que la meilleure place pour contrer l'influence de l'Iran « est la Syrie.
Et le coup primordial à jouer en Syrie est de tout faire pour amener la chute
d'Assad [.] la solution la plus sûre de réussir est de soutenir en sous-main
l'opposition sunnite en passant pas le Liban, et
éventuellement par la Turquie et la Jordanie. »
Faire tomber
Assad, conclut-il, « est essentiel. Cela change les règles du jeu et celui qui
a l'initiative. »
Le moyen d'action
le plus probable pour une intervention militaire contre Assad est le plan déjà
bien avancé de la Turquie pour établir une « zone tampon » s'étendant au-delà
de la frontière. Soutenue par la France, l'Armée libre syrienne a demandé
l'établissement d'une « zone d'interdiction de vol » comme tête de pont pour
ses opérations.
Dans le Jérusalem
Post, le conseiller du gouvernement Israélien Jonathan Spyer
a insisté sur le fait que pour « faire pencher la balance » contre Assad, « une
implication plus directe sera probablement nécessaire. » Une zone tampon «
pourrait donner un pied-à-terre aux insurgés pour qu'ils puissent organiser et
construire leur défi au régime d'Assad. Mais cela pourrait également augmenter
les risques d'échanges de tirs entre Syriens et Turcs. »
Une guerre civile
de pleine ampleur en Syrie risquerait de dégénérer en une horrible guerre dans
toute la région, impliquant l'Iran d'un côté et la Turquie avec divers états
sunnites de l'autre. Cela pourrait être utilisé par les grandes puissances,
jusqu'à l'intervention directe, comme elles l'ont fait en Libye.
Un tel risque ne
peut pas être évité juste en soutenant Assad ou ses appuis à Téhéran en Russie
et en Chine. Le régime d'Assad doit être déposé et remplacé par un gouvernement
socialiste, authentiquement démocratique, qui unisse la classe ouvrière en
alliance avec les masses rurales opprimées, sans tenir compte de leurs origines
religieuses ou ethniques dans une lutte contre l'impérialisme.
Ce n'est pas une
tâche purement nationale. Le sort de la Syrie est lié aux événements qui se
déroulent dans tout le Moyen-Orient, et notamment en Égypte. Tous les calculs
des impérialistes occidentaux s'appuient sur l'exclusion de la classe ouvrière
de la vie politique et sur le rôle dominant de leurs diverses agences
régionales - les gouvernements nationaux comme les forces politiques du genre
des Frères musulmans.
Pour cette
raison, la réémergence de la lutte révolutionnaire en Égypte est une menace non
seulement pour la junte militaire soutenue par les États-Unis au Caire, mais
aussi pour tous les plans soigneusement établis visant à installer des régimes
complaisants sur le modèle du Conseil national de transition libyen.
L'émergence d'un
mouvement de masse des travailleurs et des opprimés a déjà servi à exposer la
duplicité des tendances bourgeoises et sectaires comme les Frères musulmans.
Elle crée les conditions nécessaires au renversement de tous les régimes
bourgeois corrompus de la région, y compris des monarchies despotiques du
Golfe.
Pour cela, il
faut construire une nouvelle direction qui mette en avant une stratégie de
révolution socialiste mondiale, des sections du Comité international de la
Quatrième internationale dans tout le Moyen-Orient.
Des gouvernements
ouvriers doivent être mis en place, avec pour tâche de mener la transformation
socialiste de l'économie de la région - plaçant ses vastes ressources à la
disposition du peuple. Dans cette lutte pour les États socialistes unis du
Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, le principal allié des ouvriers Arabes,
Perses, Kurdes et Juifs, c'est la classe ouvrière des États-Unis et d'Europe
qui a déjà été inspirée dans sa propre lutte par les événements
révolutionnaires du Moyen-Orient.