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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les syndicats espagnols et la "gauche" petite-bourgeoise soutiennent la répression étatique contre les contrôleurs aériens

Par Alejandro Lopez et Paul Stuart
01 février 2011
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Le 4 décembre, le gouvernement du Premier ministre José Luis Zapatero, du Partido Socialista Obrero Español (Parti socialiste ouvrier espagnol), a imposé un « état d'alerte » à 2200 contrôleurs aériens, les soumettant à la discipline militaire pour les forcer à reprendre le travail.

Les contrôleurs avaient cessé le travail pour des raisons de santé et de sécurité, insistant sur le fait qu'ils avaient épuisé leur quota annuel, revu à la hausse, d'heures imposées par le gouvernement au début de 2010, en même temps qu'une réduction de salaire de 40 pour cent. Ils manifestaient également contre les plans pour la privatisation partielle de l'autorité espagnole des aéroports, l'AENA.

Ce qui a suivi est une condamnation sans appel de ce qui passe pour être le mouvement ouvrier en Espagne. Pas un seul syndicat, ni une seule organisation politique n'a déclaré sa solidarité avec les contrôleurs. Personne n'a monté une campagne pour mobiliser les travailleurs contre une politique qui n'avait pas été appliquée en Espagne depuis la chute de la dictature fasciste du général Francisco Franco.

Le PSOE a invoqué deux lois datant du régime de Franco contre les contrôleurs, lesquels ont été diabolisés dans la presse comme des privilégiés surpayés pour légitimer des méthodes dictatoriales qui pourraient ensuite servir contre la classe ouvrière tout entière. Cela n'a été rendu possible que par la complicité des syndicats et de ce qui passe pour la "gauche" en Espagne. Ils ont aidé à légitimer les actions du PSOE et ont abandonné les contrôleurs, qui sont maintenant confrontés à la menace d'emprisonnement pour sédition et à la perte de leur emploi une fois le service privatisé.

Le deuxième plus grand syndicat, l'Unión General de Trabajadores (Union générale des travailleurs—UGT), aligné sur le PSOE, a décrit l'action des contrôleurs comme « totalement injustifiée. » Le plus grand d'entre eux, les Comisiones Obreras (Commissions ouvrières—CC.OO), dirigé par le Parti Communiste espagnol (PCE), a demandé que le gouvernement donne des punitions sévères aux contrôleurs, déclarant, « Ces actions sont intolérables et étrangères aux codes [de conduite] des syndicats. »

Il a condamné l'abandon des « citoyens » dans les aéroports espagnols comme « un acte grave et irresponsable qui mérite notre refus le plus fort et le plus radical. »

Le refus des syndicats de défendre les contrôleurs reflète non seulement un engagement idéologique envers le PSOE, mais aussi les intérêts matériels de la bureaucratie syndicale, à savoir la conservation des énormes subventions qu'ils reçoivent de l'Etat.

En 2005, peu après son arrivée au pouvoir, le PSOE a donné aux syndicats des millions en compensation des biens saisis durant la guerre civile. Chaque année depuis lors, il a accordé des subventions importantes. Rien qu'en 2009, les CC.OO et l'UGT ont reçu 96 millions chacun. Bien que le nombre total de syndiqués en Espagne soit inférieur à 2 millions, soit 15 pour cent des employés, l'Etat permet aux syndicats de négocier au nom de 90 pour cent d'entre eux. D'après le ministère du travail, les CC.OO et l'UGT ont perdu 276 000 membres à eux deux depuis 2009.

Le complice direct dans la persécution par le PSOE des contrôleurs a été le syndicat des contrôleurs aériens (Unión Sindical de Controladores Aéreos—USCA), qui a collaboré avec le gouvernement à toutes les étapes du conflit. L'USCA est actuellement en train de faciliter les poursuites pénales et l'emprisonnement éventuel de ses propres membres. Son principal souci a été de démobiliser et d'orienter vers une impasse une lutte unie contre les mesures dictatoriales de Zapatero.

Les groupes soit disant de gauche ont publié une série de déclarations purement formelles sur l'état d'alerte, mais en dépit de ces critiques vagues, ils se sont opposés aux actions directes des contrôleurs et n'ont pas levé le petit doigt pour leur défense.

Condamnant les contrôleurs qui auraient des « privilèges » excessifs et qui prendraient les « citoyens en otages », leur rôle a été de cacher aux travailleurs les implications fondamentales de toutes ces attaques de la part de l'Etat contre une section des travailleurs.

Collectivement, ils insistent sur le fait que l'appareil syndical moribond – qui a une fois de plus démontré son soutien abject à l'Etat – doit être considéré comme une organisation de « lutte de classe. »

Le PCE stalinien tout comme la coalition de Gauche unie (Izquierda Unida—IU) qu'il dirige ont attaqué les contrôleurs. Le 4 décembre, le secrétaire général du PCE José Luis Centella a dit qu'il regrettait « les souffrances subies par de nombreux citoyens en raison de l'attitude de deux positions inexplicables – celles du gouvernement et celle du syndicat des contrôleurs. »

Le porte-parole de l'IU sur les questions économiques, José Antonio Garcia Rubio a fait référence à la militarisation des aéroports comme « une décision très troublante, » mais il a rassuré le gouvernement, « Nous ne sommes pas d'accord avec les déclarations et les méthodes utilisées par les contrôleurs. »

Dans un débat au congrès le 9 décembre, le représentant de l'IU Gaspar Llamazares a déclaré que l'IU « condamnait sans ambiguïtés l'attitude adoptée par les contrôleurs aériens, ce qui nous mène à croire que c'est un abus de pouvoir. Ce fut un abus envers les travailleurs, car après cette cessation de travail de la part des travailleurs – ce n'était pas une grève – nous sommes plus faibles pour défendre le droit du travail et nos droits sociaux, pour défendre notre droit de grève. »

Llamazares, après avoir clairement dit qu'il ne défendrait pas le droit de grève, a imploré Zapatero de se rappeler, « Monsieur le président du gouvernement, il semble que vous oubliez, en nous rangeant tous dans l'autre camp, que nous sommes tous d'accord pour dénoncer les actions injustifiables des contrôleurs. »

Depuis la fondation du PCE en 1986, par une alliance avec divers groupes petit-bourgeois, l'IU a cherché à faire dévier l'opposition de la classe ouvrière pour la ranger derrière la sociale-démocratie. Elle a fonctionné comme un vassal du PSOE et une partie intégrante de l'establishment politique. Son soutien fidèle au PSOE a vu son groupe parlementaire se réduire de 21 sièges en 1996 à seulement 2 aujourd'hui. Maintenant que le PSOE se prépare à appliquer les dictats des banques avec des méthodes dictatoriales, l'IU a signalé son accord.

La Esquerra Republicana de Catalunya (ERC – Gauche républicaine catalane) opère comme le principal partenaire politique de l'IU aux niveaux local, régional et national. Elle a trois députés au congrès et 21 sièges au Parlement catalan. L'ERC dénonce les contrôleurs, exigeant qu'une telle « caste de travailleurs privilégiés abandonne cette attitude. »

Quant au mouvement anarcho-syndicaliste en Espagne, la petite Confederación Nacional del Trabajo (Confédération nationale du travail —CNT) n'a fait que publier une déclaration de pure forme le 5 décembre pour « montrer leur inquiétude » devant le fait que le PSOE plaçait « des civils sous la menace des baïonnettes et menaçait de les emprisonner. »

Le principal groupe anarcho-syndicaliste, cependant, est la Confederación General del Trabajo (Confédération générale du travail —CGT), qui trouve ses origines dans une scission d'avec la CNT en 1979 sur la question de la présentation aux élections syndicales.

Cette position a facilité l'accès de la part de la CGT à des subventions publiques lucratives. En dépit d'effectifs de seulement 60 000 membres, ils sont la troisième fédération syndicale – censée représenter 1 million de travailleurs dans les négociations.

La CGT joue un rôle politique particulier en attirant à elle des travailleurs qui ont perdu leurs illusions dans les fédérations plus grandes en se servant largement d'une phraséologie radicale et militante. Mais c'est tout autant une créature de l'Etat que ses concurrents socio-démocrates et staliniens.

De nos jours, elle est installée dans un palais de Barcelone, dans lequel chaque "syndicat" – les enseignants, les métallurgistes, les travailleurs des communications etc. – a son propre bureau. D'après les dires ébahis d'un de leurs "anarchiste" : « il y a plusieurs grandes salles de réunion, les bureaux de la Fondation Salvador Segui [un groupement culturel de la CGT] et un bar-cafeteria avec une terrasse carrelée. Elle donne sur une superbe vue de Barcelone et elle est au neuvième étage. » Outre cet édifice, la CGT possède de nombreux bureaux régionaux où travaillent 5000 permanents.

Pour faciliter cette contradiction, la CGT se vante de sa flexibilité idéologique, admettant défendre des idées « Cela pourrait sembler contradictoire ; le pacifisme radical, ou la justification des actes violents comme les manifestations sociales, l'individualisme extrême et la participation dans les syndicats, le rejet des institutions et une participation limitée à celles-ci. »

Le 2 janvier, la CGT a critiqué les « méthodes autoritaires » du PSOE pour avoir refusé de trouver une « solution démocratique au conflit du travail. » À part cela, il n'a rien fait. La CGT a une section dans l'AENA et est présente dans les deux plus grands aéroports espagnols, Barajas (Madrid) et El Prat (Barcelone). Mais elle n'a fait aucune tentative pour mobiliser les travailleurs qu'elle est censée représenter.

La CGT est pourtant présentée comme une alternative radicale aux deux principaux syndicats par l'Izquierda Anticapitalista (IA – la Gauche anti-capitaliste), la branche espagnole du Secrétariat unifié pabliste et En Lucha (En lutte), la branche espagnole de la Tendance socialiste internationale dirigée par le Socialist Workers Party britannique.

La gauche anti-capitaliste a été créée à partir de la Liga Comunista Revolucionaria (LCR – Ligue communiste révolutionnaire). La LCR avait collaboré avec les staliniens tout au long de l'ère post-Franco, entrant dans la Gauche unie en 1991, et jouant un rôle important dans sa direction. Elle avait rompu avec la Gauche unie en 2008, en raison de l'effet politique de son soutien aux relations étroites entretenues par l'UI avec le PSOE. Mais tous ses efforts depuis lors ont été tendus vers la recréation d'une alliance avec l'IU.

Durant tout l'état d'alerte, elle a refusé de commenter les dénonciations criminelles que l'UI faisait contre les contrôleurs. Suite à la déclaration de l'état d'alerte, l'IA a reproduit les déclarations peu combatives de la CGT. Sa première déclaration, datée du 7 décembre, insistait sur le fait que l'opposition à l'état d'alerte ne pouvait s'exprimer qu'à travers les syndicats. « Si quelqu'un doit donner un véritable signal d'alarme, ce sont les syndicats, » disait-elle. La déclaration se concluait en imputant aux contrôleurs la responsabilité de leur propre isolement, parce qu'ils auraient oublié « deux variables de l'équation : les consommateurs et les autres travailleurs de l'AENA. Cela les a laissés isolés et a fait d'eux une cible parfaite pour la répression des travailleurs et le lynchage médiatique. »

En Lucha a également reproduit un certain nombre de déclarations de la CGT sans les critiquer. Son unique déclaration à titre personnel qualifie « l'attitude » des CC.OO, de l'UGT et du député de l'IU Llamazares de « honteuse. » Mais cela est suivi d'un appel aux travailleurs pour qu'ils soutiennent une grève contrôlée et menée par la CGT, les CC.OO et l'UGT, contre des « coupes. »

L'ex-section espagnole de la Tendance marxiste internationale, El Militante, a rompu avec eux et opère maintenant sous la bannière Corriente Marxista Revolucionaria.

Le 11 décembre, elle a décrit l'état d'alerte comme une menace contre l'ensemble de la classe ouvrière, mais a ensuite critiqué les contrôleurs qui avaient agi sans passer par les canaux officiels. « Même la manière dont ils ont soulevé le conflit, en déguisant la grève en un arrêt maladie, a réduit leur crédibilité dans des sections des travailleurs qui savent comment et avec quels risques on fait grève. » on-t-ils affirmé. El Militante a conseillé aux CC.OO et à l'UGT de prendre la tête de la lutte contre les mesures d'austérité du gouvernement.

Les organisations soi-disant de gauche sont révélées au grand jour pour ce qu'elles sont : un lien crucial pour faciliter l'imposition de mesures dictatoriales par le PSOE. Aucun parti ne s'est avancé pour défendre résolument les contrôleurs, ou pour expliquer la véritable signification de l'attaque du PSOE, à part le Comité international de la Quatrième Internationale dans les pages du World Socialist Web Site. La formation d'une section espagnole du CIQI est une tâche urgente.

 

(Article original paru le 22 janvier 2011)

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