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Etats-Unis
Le discours d’Obama sur l’état de l’Union
Par Jerry White
3 février 2011
Le discours du président Obama sur l’état de l’Union prononcé mardi a
montré le caractère insulaire, sclérosé et réactionnaire du système
politique américain.
Le discours annuel du président devant le Congrès américain a dégénéré
depuis longtemps en un rituel creux. Ce qui était remarquable au sujet du
discours d’Obama, toutefois, c’était à quel point il a révélé l’insouciance
et l’indifférence de l’establishment politique à la catastrophe sociale à
laquelle sont confrontés des dizaines de millions d’Américains.
Aucun aspect de la réalité sociale ne peut être ouvertement et
honnêtement traité par aucune fraction de la classe dirigeante américaine ou
par des médias qui sont à la botte du patronat. Ceci reflète est en soi les
niveaux stupéfiants de l’inégalité sociale et de l’intensité des tensions de
classe qui saturent la vie aux Etats-Unis. On craint que toute
reconnaissance de l’état véritable de la société américaine pourrait devenir
le point de mire de la colère sociale qui s’accumule directement sous la
surface.
Aucune mention n’a été faite dans ce discours sur les niveaux record du
chômage de longue durée, la chute des valeurs immobilières ou les reprises
hypothécaires par millions qui ont lieu tous les ans. L’accroissement
constant de la faim, du nombre des sans-abris et de la pauvreté ne furent
pas non plus mentionnés. , On n’aurait pas dit en écoutant ce discours qui a
duré une heure que pratiquement chaque ville et Etat américain est
insolvable et est engagé dans un processus de fermeture d’écoles, de
licenciement des enseignants et autres employés publics, d’imposition de
chômage technique et des réductions des salaires et des retraites.
Obama s’est au contraire vanté d’avoir « tordu le cou à la récession. »
Sa preuve ? « Deux ans après la pire récession que nous ayons tous connue,
les marchés boursiers ont fait un retour en force. Les profits des sociétés
croissent. »
Le fait qu’Obama, dans un discours télévisé à la nation à une heure de
grande écoute, salue la bonne fortune des parasites financiers qui furent
principalement responsables d’avoir mis l’économie américaine et mondiale à
genoux, est hautement révélateur de ce qui constitue la base sociale et
politique réelle du président et des deux partis politiques.
Quelles sont les couches sociales qui profitent du marché en hausse et
des profits record des sociétés ? Quel réconfort donnent de telles
informations aux travailleurs américains, lorsque 90 pour cent de l’ensemble
des actions, obligations et fonds communs de placement [SICAV] aux
Etats-Unis sont la propriété des 10 pour cent les plus riches de la
population et que plus de la moitié est contrôlée par le un pour cent le
plus riche ?
Et ce n’était pas tout ce qu’on trouvait en fait de bonnes nouvelles pour
le patronat dans ce discours, comme par exemple la promesse donnée par Obama
de réduire radicalement les taux d’imposition des sociétés et de dégrader la
réglementation pour les entreprises.
La relance de Wall Street a été la conséquence directe de la politique du
gouvernement, à commencer par le renflouement des banques à hauteur de
plusieurs billions de dollars. La politique du crédit à bon marché de la
banque centrale américaine et l’absence de toute réforme sérieuse du système
financier ont encouragé une reprise du genre d’escroquerie financière et de
criminalité qui avait conduit au krach de septembre 2008.
Les profits industriels record ont eux aussi été le résultat de la
politique de la Maison Blanche. En dépit de déclarations contraires, le
gouvernement est favorable aux hauts niveaux de chômage parce qu’ils
permettent aux entreprises d’accroître leurs profits en faisant pression sur
les travailleurs pour qu’ils acceptent des prestations et des salaires plus
bas. Avec son assaut mené l’année dernière contre les travailleurs de GM et
de Chrysler la Maison Blanche a initié une course nationale à la réduction
des salaires qu’elle a accélérée encore au moyen de son récent gel des
salaires pour les employés de l’Etat.
Obama a indiqué dans son discours qu’une baisse drastique et permanente
des niveaux de vie de la classe ouvrière était au centre de sa stratégie de
doubler les exportations en l’espace de cinq ans. Que signifie « rendre les
Etats-Unis compétitifs » par rapport aux pays à bas salaire comme la Chine
et l’Inde dans le contexte d’une politique économique qui équivaut
« croissance » et « création d’emplois » à l’augmentation des profits
industriels ? Cela signifie réduire la différence de coût de la main-d’œuvre
entre les Etats-Unis et les pays émergents en réduisant, aux Etats-Unis, les
salaires, les retraites et les prestations sociales et en intensifiant les
cadences de travail.
Obama a cherché à évoquer l’aura de Kennedy et la course à l’espace des
années 1960, déclarant que la mondialisation et la montée de la Chine avait
créé « le moment Spoutnik de notre génération ». Ceci était une tentative
totalement cynique de réclamer unité et sacrifice en réponse à un nouveau
défi à la nation pour camoufler une politique réelle de guerre de classe
contre la vase majorité et menée dans l’intérêt d’une petite minorité
aristocratique.
Au nom du programme d’Obama intitulé « Gagner l’avenir », tous les
sacrifices seront faits par la classe ouvrière. Elle sera dévastée par des
coupes dans les dépenses sociales (un gel de cinq ans des dépenses
discrétionnaires non liées à la défense), suivies encore par des attaques
contre les programmes sociaux – Medicare, Medicaid et l’Aide sociale.
Les riches jouiront de réductions supplémentaires de leurs taux d’impôts
(au nom de la « simplification » du code des impôts) et d’une part plus
grande de la richesse nationale.
« Nous devons faire des Etats-Unis le meilleur endroit sur terre pour
faire des affaires, » a proclamé Obama, reprenant les remarques du président
Calvin Coolidge selon lesquelles « les affaires de l’Amérique ce sont les
Affaires. » Obama a transformé sans scrupule la Maison Blanche en une espèce
de succursale de JPMorgan Chase ou de General Electric. Durant la période
qui a précédé son discours il a effectivement nommé William Daley, le
dirigeant multimillionnaire de la banque JPMorgan, au poste de secrétaire
général de la Maison Blanche et le directeur de General Electric, Jeffrey
Immelt, à la tête du Conseil pour l’Emploi et la Compétitivité, nouvellement
créé.
En 2008, de puissants intérêts financiers et politiques avaient manœuvré
pour canaliser la colère populaire contre le gouvernement Bush et sa
politique militariste et pro-patronale derrière la campagne d’Obama. En
2010, l’élite dirigeante avait manipulé les élections de mi-mandat – en
exploitant le désillusionnement largement répandu face à la trahison des
promesses électorales d’Obama et à l’écœurement vis-à-vis de sa politique
droitière – pour organiser une victoire des Républicains et justifier un
nouveau virement à droite d’Obama.
Toute l’expérience de ce gouvernement montre le caractère
antidémocratique du système bipartite et sa subordination totale à
l’oligarchie financière.
Pour défendre ses intérêts, la classe ouvrière doit construire un
mouvement socialiste indépendant du Parti démocrate et de ses alliés de
l’appareil syndical qui luttera pour un gouvernement ouvrier, brisera
l’emprise de l’aristocratie financière et réorganisera la vie économique sur
la base des besoins sociaux et non des profits.
Nous invitons instamment les travailleurs et les jeune gens déterminés à
mener cette lutte à rejoindre et à construire le Socialist Equality Party.
(Article original paru le 27 janvier 2011)