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Etats-Unis
Le budget d’Obama et la pourriture du capitalisme américain
Par Patrick Martin
18 février 2011
Lundi, le gouvernement Obama a présenté son projet de budget
fédéral pour l’année fiscale 2012. Après avoir engagé des plans de sauvetage
accordant plusieurs milliers de milliards de dollars aux banques et aux
milliardaires, la Maison Blanche exige des coupes qui dévasteront la classe
ouvrière et notamment ses sections les plus pauvres et les plus vulnérables.
Les coupes de 1,1 mille milliard de dollars proposées par la
Maison Blanche pour la prochaine décennie ne sont que le début de nouvelles
coupes comme le reconnaissent les porte-parole des deux partis patronaux. Le
démocrate Kent Conrad, président du Comité du budget au Sénat, a déclaré,
« Nous devons faire considérablement plus qu’une réduction budgétaire de
mille milliards de dollars lors de la prochaine décennie. » Le chef du
groupe républicain à la Chambre des représentants, John Boehner, a dit, « Il
n’y a pas de limite au montant que nous voulons réduire. »
Les Démocrates et les Républicains sont d’accord pour des
dépenses militaires gargantuesques, un flot ininterrompu de fonds en
direction de l’aristocratie financière et des réductions d’impôts
continuelles pour le patronat américain et les riches. Comme l’a dit à la
presse un responsable de la Maison Blanche lors d’une séance d’information
sur le budget, « Le débat à Washington ne porte pas sur la question de
savoir s’il faut réduire ou dépenser. Nous sommes tous les deux d’accord
pour une réduction. La question est de savoir comment réduire et quoi
réduire. »
Le budget d’Obama prévoit que le déficit cumulatif de dix
ans atteindra un montant époustouflant de 10,4 mille milliards de dollars.
En tentant de soutirer de telles sommes à la population, l’élite dirigeante
essaie de faire revenir en arrière la société américaine à des conditions
que l'on n'a pas vues depuis des générations.
Les programmes devant être réduits comprennent non seulement
ceux visés dans l’actuel budget par Obama et les Républicains – l’aide au
chauffage, le Pell Grants [programme de bourses pour le secteur « college »
(université)], le WIC [programme de nutrition supplémentaire spéciale pour
femmes, nourrissons et enfants], le Head Start [programme d’aide à la
scolarisation pour les enfants défavorisés], etc. – mais des programmes
sociaux bien plus vastes, tels la Sécurité sociale et Medicare, qui subiront
des coupes plus tard dans le processus budgétaire.
L’impact social sera incalculable. Alors que des centaines
de milliers de gens sont confrontés à un hiver extrêmement froid sans
chauffage et sans fioul, Obama propose de réduire de moitié l’aide fédérale
qui est déjà extrêmement insuffisante. Alors que les étudiants obtiennent
leur diplôme universitaire avec des dettes record et aucune perspective
d'emploi, le gouvernement propose des réductions significatives des aides
gouvernementales. Une telle indifférence manifeste à la détresse sociale se
reproduit dans toutes les sphères.
Des réductions significatives dans les dépenses de la
Sécurité sociale et de Medicare – ce qui revient à priver aux Etats-Unis les
personnes âgées de leur droit à la retraite et aux soins de santé – auraient
même un impact plus vaste encore.
Derrière le « débat » à Washington et dans les médias sur le
budget se cache un énorme mensonge – l’affirmation que les déficits
budgétaires sont le résultat de dépenses sociales excessives. Le directeur
du budget d’Obama, Jacob Lew, a résumé cette falsification grotesque dans un
article intitulé « Les coupes faciles sont derrière nous » publié le 6
février dans la rubrique « éditorial et opinion » du New York Times. Lew a
affirmé que les causes du déficit budgétaire projeté étaient « des décisions
de réduire considérablement les impôts sans les compenser et de créer un
remboursement des médicaments d’ordonnance Medicare sans pourvoir à leur
paiement, combinées aux effets de la récession… »
Cette liste est remarquable pour ce qu’elle omet: le coût de
deux guerres, en Afghanistan et en Irak, qui s’élève à des milliers de
milliards de dollars ; et les plans de sauvetage des banques où davantage de
milliers de milliards de fonds publics ont été mis à la disposition de
l’aristocratie financière sans qu’aucune question ne soit posée. Le budget
militaire en soi représente la part du lion dans le déficit sur dix ans :
plus de 7 mille milliards de dollars sur les 10 mille milliards prévus.
L’omission la plus fondamentale de Lew est toutefois
l’inégalité sociale grotesque qui prédomine dans la société américaine. Le
top un pour cent de la population américaine possède plus du tiers de la
richesse du pays. La plus grande richesse est pourtant concentrée entre les
mains d’une couche encore plus mince. En effet, les réductions proposées de
1,1 mille milliard de dollars – qui auront un impact terrible sur la vie de
millions de gens – représentent un peu moins de la richesse combinée des
seuls 400 Américains les plus riches.
Les arguments présentés en faveur des coupes par l’élite
dirigeante sont incroyablement hypocrites. Alors qu’ils se noient dans un
déluge d’argent, ils insistent pour dire qu’il n’y a pas d’argent disponible
pour les besoins les plus fondamentaux des travailleurs.
Les travailleurs doivent clairement rejeter cet argument.
Ils ne sont pas responsables des orgies d’escroquerie et de course au profit
qui ont entraîné le krach boursier de Wall Street en 2008 et poussé
l’économie mondiale dans la plus profonde récession depuis la Grande
dépression. Au contraire, un trait essentiel de cette course à la
spéculation a été que la part du revenu national reçu par les travailleurs a
rétréci pour atteindre son niveau le plus bas depuis près d’un siècle.
Ce qui sous-tend la montée de l’aristocratie financière –
qui maintient le contrôle sur l’ensemble du système politique – c’est la
défaillance du système capitaliste mondial en général. En amassant sa
richesse, cette infime couche de la population qui est surtout concentrée
aux Etats-Unis, a supervisé la vaste destruction de l’industrie et de
l’infrastructure sociale. Les classes dirigeantes de tous les pays
proclament maintenant ouvertement que le maintien de leur système dépend
d’une destruction sans précédent des conditions de vie des grandes masses de
la population.
Ces mesures vont provoquer une opposition de masse. Les
luttes révolutionnaires en Egypte – dont les protestations et les grèves de
millions de travailleurs et de jeunes ont obligé le dictateur qui a gouverné
le pays pendant plus de 30 ans et qui est soutenu par les Etats-Unis à
démissionner – signalent le type de luttes qui se propageront partout dans
le monde. Le chômage de masse, des inégalités record et la corruption du
système politique sont chose courante en Egypte et aux Etats-Unis et sont en
fait universels. A la base de ce système se trouve le principe que la vie
économique doit être subordonnée au profit privé et à la sauvegarde de la
richesse de ceux qui contrôlent les banques et les groupes géants.
La classe ouvrière ne peut sauvegarder ses intérêts qu’en
renversant le système capitaliste dans son ensemble – c’est-à-dire en
réorganisant la vie économique de façon à satisfaire les besoins sociaux.
Dans chaque aspect de sa politique et de son existence sociale, la classe
dirigeante elle-même se fait l’avocat de la révolution socialiste.
(Article original paru le 15 février 2011)