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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a accentué son offensive contre 2 200 contrôleurs aériens.

Par Robert Stevens et Paul Stuart
22 janvier 2011

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Les contrôleurs sont actuellement soumis à un état d'alerte, imposé par le Décret Royal No 1673/2010 du 4 décembre. Par cette décision, les contrôleurs sont contraints de travailler dans le cadre de la "discipline militaire" sous les ordres du Chef d'état-major de l'armée de l'air jusqu'à la fin de l'état d'alerte. La décision a été imposée à la suite d'un arrêt de travail en masse des contrôleurs le 3 décembre pour protester contre des conditions de travail intolérables et des atteintes à leurs droits.

Le 29 décembre, Eduardo Esteban, procureur principal à la Cour de Madrid, a publié une lettre demandant des poursuites contre les contrôleurs aériens accusés de sédition pour avoir cessé le travail pour des raisons de santé et de sécurité les 3 et 4 décembre. Le gouvernement a maintenant accentué les menaces de poursuites pour qu'elles visent les contrôleurs "en général", selon une source appartenant au Parquet et citée par El Pais.

Le procureur général de l'Etat, Cándido Conde-Pumpido, exige des condamnations allant jusqu'à huit ans de détention en s'appuyant sur l'article 20 de la loi sur la circulation aérienne de 1964. C'est la deuxième fois qu'une loi datant de l'époque franquiste est appliquée contre les contrôleurs aériens. La déclaration de l'état d'alerte par le gouvernement a été une première depuis la fin du régime de Franco en 1975.

Conde-Pumpido, qui a toujours exigé les peines maximales pour les accusations de sédition, a déclaré, « nous ne sommes pas face à un conflit de droit du travail car [les contrôleurs] n'ont utilisé des moyens légaux à aucun moment, ils ont organisé un abandon prémédité des aéroports entraînant des dommages graves aux citoyens de l'Espagne. »

Il a ajouté qu'il envisageait d'ordonner aux tribunaux locaux de déposer des demandes de saisie les biens des contrôleurs aériens, pour le moment où il faudra rembourser les personnes, compagnies et organisations qui demandent une compensation pour la perte des profits entraînés durant la fermeture des aéroports.

Cette décision du procureur général de l'Etat est en préparation des demandes d'indemnités attendues contre les contrôleurs et qui sont encouragées par la campagne incessante menée par le gouvernement contre les travailleurs. Selon le Times magazine, un groupe de 5 500 passagers, affectés par la cessation du travail des contrôleurs en décembre, prévoit de déposer une plainte avant la fin de l'année en demandant 10 000 euros par passager pour « préjudice moral ». Le coût total estimé de cette action pour les contrôleurs s'élèverait à 55 millions d'euros.

La persécution des contrôleurs a lieu avec l'aide de la bureaucratie syndicale. Ayant collaboré avec le gouvernement à toutes les étapes du conflit, le syndicat des contrôleurs aériens, l'Unión Sindical de Controladores Aéreos (USCA) facilite maintenant les poursuites et les éventuels emprisonnements de ses propres membres.

À toutes les étapes de la lutte des contrôleurs aériens contre les attaques du gouvernement contre les conditions de travail, l'USCA a cherché à démobiliser et à faire capoter une offensive unie.

En février, le PSOE a publié un Décret Royal No 1/2010 qui réduit les salaires des contrôleurs de 40 pour cent, augmente le temps de travail, réduit la paye des heures supplémentaires ainsi que les périodes de repos. D'après la fédération internationale des associations de contrôleurs aériens (IFATACA), « le revenu net d'un contrôleur a baissé du jour au lendemain de 30 à 50 pour cent suivant la quantité d'heures supplémentaires qu'il faisait avant. »

En août, l'USCA a abandonné un vote en faveur d'une grève contre leur employeur (l'agence publique Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea - AENA) qui avait recueilli 92 pour cent d'avis favorables, et à la place a demandé une médiation du gouvernement. Annulant les grèves prévues pour la fin août, le directeur des communications de l'USCA, Cesar Cap a dit, « le Comité exécutif a décidé de ne pas exercer le droit de grève durant le mois d'août pour montrer qu'il est responsable. »

Cela a permis au PSOE d'intensifier ses attaques, avec la publication du Décret Royal No 1001/2010. Celui-ci disposait que les contrôleurs devraient travailler 1 670 heures par an, plus 80 heures supplémentaires obligatoires, à la volonté de l'AENA.

De nombreux contrôleurs étaient en colère contre le résultat de la collaboration du syndicat avec le gouvernement. Commentant le « projet d'accord » établi le 19 août 2010 entre l'USCA et l'AENA, l'IFATCA a noté qu'il avait été accepté par les membres du syndicat « mais sans grand enthousiasme. »

Avant la cessation de travail de décembre, le syndicat a fait une proposition à l'AENA dans laquelle il acceptait toutes les exigences principales du gouvernement. L'USCA n'a pas demandé plus d'argent et a accepté les termes proposés par le ministère des transports en février et inclus dans le projet d'accord du mois d'août. Commentant la capitulation de l'USCA, l'IFATCA a déclaré que l'USCA avait « fait une proposition, qui pourrait permettre de sortir de l'impasse actuelle, il comprend un gel du budget des salaires pour les trois années à venir. » Le porte-parole de l'USCA Daniel Zamit a déclaré que sur la base des propositions du syndicat, un accord pouvait être obtenu en « en moins de dix jours » pour mettre fin au conflit « dès que possible. »

Le 3 décembre, les contrôleurs ont refusé de travailler, après avoir montré clairement qu'ils avaient travaillé plus que leur quota annuel d'heures établi dans le précédent Décret Royal. Les contrôleurs avaient également reçu une copie d'un futur Décret Royal, adopté plus tôt dans la journée par le Conseil des ministres, qui aggravait drastiquement leurs conditions et augmentait les heures de travail. L'USCA a immédiatement désavoué cette action et ainsi permis au gouvernement de mobiliser l'armée contre ses propres membres. L'USCA a demandé que les travailleurs retournent aux tours de contrôle et dénoncé l'action comme étant « spontanée » et une décision « extrême. »

Les représentants de l'USCA ont ensuite participé à la réunion d'une cellule de crise au ministère des travaux publics, à la demande du Premier ministre José Zapatero. Leur action suivante a été de se rendre dans un hôtel de Madrid, où les contrôleurs se réunissaient, et d'insister pour dire que leurs membres n'avaient pas d'autre choix que de retourner au travail aux conditions déterminées par le ministère de la défense et d'accepter d'être placés sous la loi martiale.

Confrontée à la menace d'un pouvoir dictatorial, la seule fonction de l'USCA a été de faire taire le mécontentement montant et l'opposition des contrôleurs aériens au gouvernement du PSOE. Le syndicat a appelé ses membres à signer une « lettre d'intention » datée du 15 décembre, qui promettait qu'ils ne mèneraient aucune action syndicale et « garantiraient la continuité du service. » La lettre disait que ses signataires se rangeraient aux « termes établis sous la législation actuelle » et « avec les accords antérieurs passés entre les parties. »

En dépit des meilleurs efforts de l'USCA, 15 pour cent des contrôleurs ont refusé de signer ce document.

L'USCA a présenté cela au gouvernement comme un serment qu'on pouvait lui faire confiance pour faire régner la discipline dans ses rangs et, sur cette base, a demandé la levée de l'état d'alerte, qui devait être renouvelé par le congrès le 16 décembre. Mais la promesse d'un pacte dans lequel le syndicat s'est engagé lui-même à empêcher toute action syndicale future de la part des contrôleurs ne suffisait pas au gouvernement. Une fois de plus, le PSOE a poussé ses attaques contre les contrôleurs encore plus loin. Le gouvernement a étendu l'état d'alerte jusqu'au 15 janvier, le ministre du Développement José Blanco a déclaré, « suggérer que quelques signatures devraient fixer l'action du gouvernement c'est revenir au sabotage et au chantage. »

Après l'extension de l'état d'alerte, l'USCA a continué à se dissocier de l'action des contrôleurs du 3 décembre et a approfondi sa collaboration avec le gouvernement. Cité par le Time, César Cabo de l'USCA a dit de la cessation de travail, « C'était une erreur [.] Ils comptaient sur le fait que nous allions réagir de façon excessive pour couvrir les problèmes causés par leur propre mauvaise gestion des choses. Et nous sommes tombés dedans. »

C'est un mensonge. Les travailleurs n'ont pas « réagi de façon excessive » ils ont cherché à se défendre dans un contexte où l'USCA collaborait étroitement avec le gouvernement et l'AENA, et était prêt à accepter n'importe quoi quant à la destruction des droits et des conditions de travail de ses propres membres.

Le PSOE cherche à accélérer le processus de vente des 49 pour cent d'AENA pour le compte du capital financier international. La défaite des contrôleurs aériens a été un facteur critique dans son entreprise de privatisation des aéroports espagnols, le parc le plus important qui soit encore public en Europe. La vente prévue de l'AENA a été annoncée au moment où était imposé le premier état d'alerte.

Le mois dernier, Blanco a déclaré que le processus de recrutement de nouveaux contrôleurs avait en fait débuté dès juillet. 3200 lettres de motivations étaient passées en revue, et que « la formation des nouveaux contrôleurs sera conçue pour encourager l'incorporation de nouvelles compagnies, plutôt que l'incorporation dans un modèle de monopole public. »

Cette année, le gouvernement prévoit de vendre des tours de contrôle, y compris celles d'Alicante, Valence, Ibiza, La Palma de Majorque, Lanzarote, Fuerteventura et Séville, les autres seront privatisées en 2012. L'USCA n'a indiqué aucune opposition à tout cela, et un journal, The Leader, a même rapporté le 1er janvier que « des représentants de l'AENA ont rencontré le syndicat des contrôleurs aériens USCA cette semaine pour les informer de leurs plans. »

L'article ajoutait, « les contrôleurs se verront proposer de nouveaux contrats avec les nouvelles compagnies privatisées, ou se verront proposer un poste dans un aéroport non privatisé s'ils déclinent la première option. Dans l'éventualité où les contrôleurs refuseraient les deux, leur contrat sera rompu et une indemnité de licenciement sera versée. »

L'isolement et la démobilisation des contrôleurs par l'USCA ont été soutenus par les deux principales fédérations syndicales, l'Union générale des travailleurs (UGT), et les Commissions ouvrières (CC.OO). L'IFATCA, qui représente 50 000 contrôleurs aériens répartis dans 134 associations nationales, est également responsable. Bien qu'elle déclare en réaction aux attaques contre les travailleurs espagnols que la            « possibilité d'actions de solidarité de la part des travailleurs de toute l'Europe est très concrète » et qu'un « pacte de solidarité existe dans plusieurs pays membres de l'Union européenne, qui demande à ses membres de se soutenir les uns les autres dans les conflits sociaux, » la fédération n'a pas levé le petit doigt.

L'USCA est également affiliée à la Coordination de l'Union européenne des contrôleurs européens (Air Traffic Controllers European Union's Coordination - ATCEUC), qui représente 13 000 travailleurs dans 28 pays européens. Mis à part la publication d'un communiqué de presse de circonstance le 4 décembre, l'ATCEUC, n'a rien fait pour aider les travailleurs en Espagne. Seule une autre déclaration au sujet des contrôleurs espagnols a été publiée par l'ATCEUC le 10 décembre. Notant qu'elle est « choquée par la violence des décisions prises par le gouvernement espagnol contre ses contrôleurs aériens, » elle concluait, « Nous n'aurons par conséquent pas d'autre choix que de nous abstenir de participer à toutes les réunions européennes impliquant l'Etat espagnol. »

Le fait que la bureaucratie syndicale a ouvert la voie à l'assaut massif de répression étatique contre les travailleurs, y compris l'usage de l'armée pour écraser les grèves et les manifestations, doit servir d'avertissement à la classe ouvrière en Europe et dans le monde entier. Les syndicats ont confirmé leur rôle de premier obstacle à une contre-offensive des travailleurs contre la destruction de leurs moyens de subsistance et de leurs droits démocratiques. Les travailleurs doivent mener une rébellion politique contre l'appareil bureaucratique pourri des syndicats et construire de nouvelles organisations de lutte sous le contrôle démocratique de leur base.

(Article original paru le 7 janvier 2011)

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