wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L'Union européenne et la liberté de la presse

Par Peter Schwarz
17 janvier 2011

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le même jour, une nouvelle loi entrait en vigueur en Hongrie, plaçant les médias publics et privés sous le contrôle du gouvernement en éliminant pratiquement la liberté de la presse. La coïncidence de ces deux événements est significative. La liberté d'expression et la démocratie en général sont en train de se désintégrer partout en Europe.

Le gouvernement conservateur hongrois n'a pas perdu de temps pour manifester son pouvoir sur les médias. A peine la loi entrait-elle en vigueur que le Conseil des médias nouvellement créé engageait des poursuites contre la petite radio de gauche Tilos Radio. Elle a été accusée d'avoir diffusé il y a quatre mois une chanson du rappeur Ice-T. Etant donné que  peu de Hongrois comprendraient l'argot américain du rappeur, le Conseil des médias a publié en même temps une traduction hongroise du texte contesté afin de prouver son effet soi-disant nocif sur les enfants.

La cible suivante du Conseil des médias a été la chaîne de télévision RTL Klub. Cette chaîne de télévision est également considérée être relativement libérale et critique du gouvernement. Elle est accusée de « sensationnalisme » dans son reportage sur le « fratricide brutal survenu dans un village au Sud de la Hongrie. » La photo d'un drap maculé de sang qu'elle avait publiée aurait été préjudiciable aux jeunes gens et même aux adultes. »

Les deux cas montrent que la nouvelle loi donne au gouvernement un blanc seing pour réduire au silence les organes de presse sur la base de n'importe quel prétexte. Alors que le Conseil des médias se sert d'accusations morales telles la « glorification de la violence, » la « mise en danger des jeunes» et la « pornographie » pour poursuivre des organes de presse ciblés, les médias pro-gouvernementaux qui empoisonnent au quotidien le climat social avec des tirades de haine contre les Roms, les Juifs, les homosexuels et les « communistes, » ne craignent pas d'être sanctionnés.

Jusqu'à ce jour aucune amende n'a été infligée à Tilos Radio ou TRL Klub, mais le Conseil des médias a le pouvoir de leur retirer leur licence ou de les ruiner en leur imposant des amendes draconiennes. Le Conseil ne comprend que des membres issus du parti dirigeant, le Fidesz. A sa tête se trouve Anna Maria Szalai, une confidente de longue date du premier ministre Viktor Orban.

La Commission européenne, qui est responsable de l'application des traités de l'UE a jusque-là réagi timidement à la violation de la liberté de la presse en Hongrie, malgré le fait qu'il y ait eu des discussions au sujet de la nouvelle loi pendant des mois, et qu'au sein de l'UE même quelques voix critiques isolées se soient élevées.

Juste avant Noël, la commissaire aux Télécommunications et Médias, Neeli Kroes, avait envoyé une lettre au gouvernement hongrois pour exprimer sa préoccupation quant à savoir si la composition du Conseil des médias était compatible avec les directives communautaires existantes. Mais, jusque-là, elle a refusé de vérifier si la loi elle-même était compatible avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantit la liberté d'information et la liberté d'expression.

Il y a plusieurs raisons à la réaction poltronne de la Commission communautaire. D'abord, elle tient à éviter à tout prix de mettre en question la présidence de l'UE de la Hongrie. Compte tenu des conflits tenaces qui sévissent au sein de l'UE au sujet des questions monétaires et économiques, un défi à la présidence de la Hongrie déclencherait inévitablement une nouvelle crise.

Une chose plus fondamentale encore est le fait que la Hongrie n'est pas un cas isolé. Les mesures d'austérité dictées par l'UE à la Hongrie, la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et bien d'autres pays encore sont incompatibles avec les droits démocratiques.

Dans bien des pays européens, la liberté de la presse est quasiment lettre morte. En Italie, Silvio Berlusconi possède et contrôle presque tous les organes de presse privés et, en tant que chef du gouvernement, il contrôle les chaînes publiques. En Espagne aussi, le groupe Mediaset de Berlusconi est depuis le début de l'année le plus grand diffuseur de télévision.

En France, Nicolas Sarkozy, entretient d'étroites relations personnelles avec des éditeurs de presse influents et, en tant que président, musèle les médias publics. Il a veillé personnellement à ce que des journalistes critiques perdent leur emploi. Berlusconi et Sarkozy sont considérés comme des modèles pour le premier ministre hongrois Orban.

Dans d'autres pays, des magnats de la presse financièrement puissants dictent la politique au gouvernement. En Grande-Bretagne, depuis Tony Blair, aucun premier ministre n'a osé contredire la volonté de l'empire Murdoch.

En Hongrie, des groupes allemands dominent le paysage médiatique. Le groupe droitier Axel Springer est la plus grande maison d'édition du pays. Le groupe de presse allemand WAZ, qui est proche de l'aile droite du Parti social-démocrate, et les chaînes de télévision Pro Sieben, Sat1 et RTL sont fortement représentés en Hongrie. Il est à remarquer que tous ont étonnamment fait preuve de retenue dans leurs critiques à l'égard de la nouvelle loi sur les médias.

La Commission de l'UE a réagi à une autre mesure prise par le gouvernement hongrois de façon bien plus sèche qu'elle ne l'a fait contre l'abolition de la liberté de la presse. En automne de l'année dernière, le gouvernement Orban pour soulager le déficit budgétaire avait introduit une soi-disant taxe de crise s'appliquant principalement aux grands groupes du secteur du commerce, de la finance, des télécommunications et de l'énergie. Ceci avait déchaîné l'indignation en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Autriche, aux sièges des entreprises qui ont lourdement investi en Hongrie et qui ont bénéficié durant des années d'abattements de taxes et de subventions.

Mi décembre, les patrons de 13 entreprises, dont Deutsche Telekom, la société d'assurances Allianz, les groupes énergétiques E.oN, RWE et EnBW ainsi que le groupe de la distribution alimentaire REWE - ont envoyé une lettre sévère à la Commission de l'UE pour se plaindre de la tentative d'équilibrer le budget « sur le dos de secteurs choisis et d'entreprises étrangères. » Ce faisant, dit la lettre, le gouvernement hongrois, est en train de détruire « toute base de confiance pour un investissement futur. »

 

La Commission de l'UE a immédiatement réagi. Dès octobre, deux jours après l'annonce de la nouvelle taxe, elle a contraint le gouvernement hongrois à justifier sa position. En décembre, en réponse à la lettre des patrons des groupes, elle initiait une enquête officielle.

Le gouvernement allemand lui aussi s'est associé à l'action. Le ministre de l'Economie, Rainer Brüderle, du Parti libéral démocrate, a exprimé son « inquiétude » en mettant en garde que les frais encourus principalement par les entreprises étrangères étaient « fondamentalement problématiques. »

Le gouvernement Orban qui est venu au pouvoir sur la base d'une campagne populiste droitière et nationaliste, se sert de la taxation des entreprises étrangères avant tout pour apaiser sa propre base politique. Il est soumis à une pression économique considérable. Au cours du prochain mois, le gouvernement doit présenter un projet de restructuration budgétaire. Si les marchés financiers internationaux ne sont pas convaincus, les agences de notation abaisseront la note de la Hongrie en catégorie « junk ». L'économiste de Budapest, Gyorgy Barta, a résumé la situation en disant, « Nous sommes à deux doigts de l'abîme. »

En dépit de sa rhétorique nationaliste, le régime d'Orban est totalement dépendant des marchés financiers internationaux. Quelque 80 pour cent de l'ensemble des investissements en Hongrie viennent de l'UE, dont un quart rien que de l'Allemagne.

Avec l'abolition de la liberté de la presse et d'autres mesures dictatoriales, le régime se prépare à imposer son programme d'austérité sur le dos de la classe ouvrière. La Commission de l'UE et les gouvernements européens le savent et soutiennent tacitement tout ou partie des mesures destinées à supprimer l'opposition populaire.

La situation sociale en Hongrie est déjà catastrophique. Une étude récente a montré que plus d'un million sur les dix millions d'habitants que compte le pays ne sont plus en mesure de payer à temps leurs factures d'électricité, de gaz ou de chauffage. S'ils sont en retard de trois mois, ils risquent des coupures.

La défense des droits démocratiques telle la liberté de la presse est indissociable de la défense des droits sociaux de la classe ouvrière. Ceci requiert une lutte commune de la classe ouvrière européenne sur la base d'un programme socialiste révolutionnaire contre la dictature des grands groupes et des banques.

(Article original paru le 6 janvier 2011)

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés