En
novembre dernier, Vikramabahu Karunaratna, dirigeant de l'organisation
ex-radicale Nava Sama Samaja Party (NSSP) s'est rendu en Grande-Bretagne.
Malgré ses affirmations occasionnelles d'être toujours un
« socialiste », il a apporté son plein soutien aux groupes politiques
bourgeois tamouls qui agissent en contact étroit avec l'impérialisme
britannique et américain, ces forces mêmes qui sont engagées dans les guerres
de conquête néo-coloniale en Irak et en Afghanistan, et dont l'unique intérêt
pour le Sri Lanka est l'exploitation de ses atouts humains et stratégiques.
Depuis
sa formation en 1978, le NSSP, tout en cherchant à garder une façade de gauche,
est constamment engagé dans des manoeuvres sordides avec divers partis
bourgeois du Sri Lanka alors même que ces derniers virent inexorablement à
droite. Karunaratna a prétendu que sa visite en Grande-Bretagne était une
visite privée, mais il a participé à 20 meetings et discussions politiques
avant de quitter Londres le 7 décembre.
Karunaratna
a signé un accord pour former « un Front de gauche » avec le Forum
tamoul britannique (BTF), organisation soutenue par les Tigres de Libération de
l'Eelam tamoul (LTTE), mouvement nationaliste séparatiste bourgeois tamoul.
Depuis que l'armée sri lankaise a vaincu le LTTE en mai 2009, cette
organisation s'est fragmentée en de nombreuses sections dont l'une est le BTF.
Karunaratna
a participé avec grand enthousiasme aux meetings organisés par le BTF. Ce dirigeant
de ce soi-disant « Front de gauche » au Sri Lanka a déclaré lors du
meeting à South Harrow le 25 novembre: « Au nom des forces
socio-démocrates et du NSSP, nous nous sommes mis d'accord pour travailler avec
le BTF pour apporter la démocratie dans notre pays. »
Tout
comme le LTTE, le BTF prône un programme nationaliste pour la création d'un
Etat capitaliste indépendant et courtise ouvertement les faveurs des puissances
impérialistes occidentales. Le 1er mai 2009 à Paris, tandis que des centaines
de milliers de travailleurs français manifestaient contre les coupes sociales
du gouvernement Sarkozy, les suppressions de postes et l'augmentation de la
pauvreté, les manifestants du LTTE démontraient une fois de plus leur sympathie
de classe. Ils participaient aux manifestations en brandissant des photos
d'Obama, Brown, Sarkozy et Angela Merkel et des pancartes disant
« Aidez-nous. »
Le
24 février, le BTF prit l'entière responsabilité de la formation du Global
Tamil Forum (GTF, Forum tamoul mondial) au parlement britannique. Le GTF est
une nouvelle organisation qui prétend être « la voix authentique » de
la diaspora tamoule. Il jouit du soutien de tout l'establishment
politique britannique et du gouvernement américain.
Le
premier ministre travailliste de l'époque, Gordon Brown, et le ministre des
Affaires étrangères David Miliband avaient rencontré des représentants du GTF.
Le ténor conservateur William Hague et son homologue libéral-démocrate Ed
Davery s'étaient exprimés à la conférence du GTF. Le dirigeant du Parti
conservateur David Cameron (à présent premier ministre) et Robert Blake, ancien
ambassadeur américain au Sri Lanka et maintenant secrétaire d'Etat adjoint aux
affaires d'Asie centrale et du sud, avait envoyé leurs salutations. Le révérend
Jesse Jackson, présenté comme un « ami du président Obama » avait
fait un discours pour accueillir la formation du GTF.
En
novembre, au moment où Karunaratna annonçait son accord avec le BTF
pro-capitaliste pour restaurer la « démocratie » au Sri Lanka, des
milliers d'étudiants et de professeurs manifestaient dans les rues des
principales grandes villes de Grande-Bretagne pour protester contre
l'augmentation massive des frais d'inscription à l'université et les attaques
contre leurs droits proposées par le gouvernement de coalition
conservateur-libéral démocrate.
Les
manifestants ont été soumis à une brutalité sans précédent de la part du
gouvernement britannique qui a eu recours à la police anti-émeute pour attaquer
les étudiants. Les protestations britanniques faisaient partie d'une vague de
grèves et de manifestations de travailleurs et d'étudiants contre l'imposition
de mesures d'austérité de par l'Europe, en France, Irlande, Grèce, Portugal et
Italie.
Karunaratna
n'a participé à aucune de ces manifestations. Son seul souci était de s'attirer
les faveurs du BTF et à travers celui-ci des puissances impérialistes.
Le
dirigeant du NSSP était « l'invité spécial » d'un meeting qui s'est
tenu à Londres le 27 novembre organisée par le BTF et des partisans du LTTE
pour marquer Heroes' Day (la Journée des héros) et où il a fait un discours. Le
LTTE et ses groupes associés organisent Heroes' Day depuis 26 ans pour, à ce
qu'ils disent, honorer la mémoire des combattants du LTTE morts dans la guerre
contre l'armée sri lankaise. Jusqu'à sa mort en mai 2009, le dirigeant du LTTE
V.Prabhakaran utilisait cette occasion annuelle pour esquisser les
méandres de la politique du LTTE.
Le
fait que le BTF forme une alliance avec Karunaratna et fasse sa promotion,
entre autres, à la tribune londonienne de Heroes' Day en novembre dernier est
une indication de son orientation vers des sections de l'establishment
de Colombo avec lequel le NSSP s'associe.
Dans
son discours, Karunaratna a déclaré: « Des Tamouls ont été tués par des
gouvernements sri lankais successifs faisant preuve de chauvinisme cingalais,
et finalement, et non des moindres, par le régime de Mahinda Rajapakse. »
Puis il a poursuivi: « C'est une ironie de l'histoire que [l'ancien
commandant d'armée] Sarath Fonseka, qui avait été choisi pour perpétrer cette
boucherie contre les Tamouls souffre lui aussi en prison avec des prisonniers
politiques tamouls. » Et il a ajouté que le Janatha Vimukthi Peramuna
(JVP) « qui a appuyé, promu et fait campagne pour que Mahinda fasse cette guerre
est maintenant battu par ce même régime. »
Les
références de Karunaratna à Fonseka et au parti chauvin cingalais JVP étaient
tout à fait délibérées. En les décrivant comme étant dans la même situation que
les Tamouls, il cultive l'illusion dangereuse que les partis d'opposition de
Colombo sont potentiellement capables de défendre les droits des Tamouls,
malgré leur bilan du contraire.
En
janvier de l'année dernière, avant les élections présidentielles, le NSSP et le
soi-disant parti de gauche United Socialist Party (USP) avaient rejoint la
« Plateforme de la Liberté » avec le parti de droite United National
Party (UNP) et l'un de ses alliés pro-capitalistes, le Sri Lanka Freedom
Party-Peoples Wing (SLFP-PW.) L'UNP et le JVP avaient soutenu le général Fonseka
comme « candidat commun » contre le président sortant Mahinda
Rajapakse.
En
rejoignant le « Platform for Freedom, »(Plateforme de la Liberté)
l'USP et le NSSP avaient aidé à promouvoir l'UNP et ses alliés comme étant des
« démocrates » et de la même façon la campagne de l'UNP de soutien à
Fonseka comme étant « l'alternative démocratique » à Rajapakse.
Fonseka, tout comme Rajapakse et ses ministres au gouvernement, est directement
responsable de crimes de guerre, dont le massacre de milliers de civils tamouls
dans les derniers mois de la guerre. Une fois la guerre finie, il y eut un
désaccord entre Fonseka et Rajapakse et ce dernier le fit condamner sur des
accusations fausses afin d'éloigner une menace politique potentielle.
En
octobre dernier, le JVP a organisé des manifestations à Colombo contre la
condamnation et l'emprisonnement de Sarath Fonseka et auxquelles ont participé
l'UNP, le NSSP et l'USP. Le même mois, le NSSP et l'USP se sont alliés au JVP
et à l'UNP pour lancer une pétition au président Mahinda Rajapakse, appelant à
la libération de Fonseka. Karunaratna et le dirigeant de l'USP Siritunga
Jayasuriya ont aussi participé à une manifestation avec l'UNP devant la gare
ferroviaire Fort dans le centre de Colombo. Le JVP et l'UNP sont des partis
bourgeois, embourbés dans le communautarisme cingalais et qui ont soutenu à
fond la guerre criminelle de Rajapakse et défendu les terribles abusde
l'armée contre les droits démocratiques.
Le
25 novembre, Karunaratna a aussi participé à une réunion à la Chambre des
Communes du parlement britannique avec le député UNP Jayalat Jeyawardane. Il a
dit à la presse qu'il avait rencontré Jeyawardane « pour parler de la
réhabilitation des personnes déplacées du fait de la guerre vers le nord du Sri
Lanka et procéder à des améliorations de leurs conditions. » En réalité,
cette réunion fait partie des manoeuvres en cours du NSSP avec ce parti
droitier.
La
participation de Karunaratna à des meetings et des banquets arrangés par des
organisations tamoules bourgeoises en Grande-Bretagne et qui sont maintenant
discréditées et fragmentées n'est pas un hasard. C'est la poursuite de la
politique opportuniste pabliste qui a une longue histoire d'opposition acharnée
à la lutte de la Quatrième Internationale pour l'indépendance politique de la
classe ouvrière. Cette traîtrise prédomine, non seulement au Sri Lanka mais
aussi en France avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) qui cherche à lier
la classe ouvrière au Parti socialiste et autres partis de « gauche »
et à leurs alliés syndicaux.
Durant
les dernières élections présidentielle et parlementaire au Sri Lanka, 78 pour
cent de la population du nord et de l'est, sous occupation de l'armée,
n'avaient pu exercer leur droit de vote. Ceci ne fait que montrer que la classe
ouvrière tamoule et les masses opprimées ne ressentent que dégoût extrême pour
le gouvernement Rajapakse et les partis capitalistes tamouls et cingalais, y
compris le LTTE et les partis qui se disent de gauche.
Le
dirigeant du NSSP est en train de mettre en place un dangereux piège en
déclarant que ces partis bourgeois peuvent tous « restaurer la
démocratie. » Les travailleurs et étudiants cingalais et tamouls du Sri
Lanka et internationalement doivent rejeter avec mépris ces organisations de collaboration
de classes qui sont des obstacles à la lutte pour l'égalité sociale et les
droits démocratiques. On ne peut atteindre ces objectifs que par la
mobilisation révolutionnaire indépendante de la classe ouvrière en alliance
avec les paysans pauvres sur un programme socialiste internationaliste.