Le syndicat canadien des travailleurs et
travailleuses des postes (STTP) persiste avec sa stratégie de débrayages
régionaux d'une journée, même si la société d'État Postes Canada attaque
agressivement les 45 000 trieurs, facteurs et camionneurs.
Non seulement Postes Canada continue
d'exiger d'énormes concessions, y compris une baisse salariale de sept dollars
l'heure pour les nouvelles embauches et le démembrement du programme
d'assurance-invalidité de courte durée, la société d'État a réagi à la campagne
limitée de débrayage du STTP et réduisant radicalement les heures de travail,
et donc la paie, des travailleurs des postes à travers le pays.
Postes Canada a annoncé hier que, à
compter de la semaine prochaine, la semaine de travail pour les facteurs
passera à trois jours seulement. Les travailleurs des centres de tri de Postes
Canada vont aussi subir des baisses importantes de leurs heures de travail.
La société justifie ce lock-out partiel
en affirmant que le volume de courrier a diminué de 50 pour cent depuis que le
STTP a déclenché ses grèves tournantes vendredi dernier. Lors de l'annonce de
la réduction des heures de travail, un porte-parole de Postes Canada, John
Hamilton, a dit aux journalistes, « Nous ne pouvons garder les mêmes
dépenses si nos affaires ont ralenti de moitié. Nous devons agir maintenant
pour éviter que des pertes importantes viennent nuire à notre autosuffisance
financière. »
Le STTP a contesté cette affirmation de
baisse massive du volume de courrier de l'employeur, mais il a indiqué que
Postes Canada avait transféré une partie de ses activités vers Purolator,
anciennement une société privée d'expédition de colis postaux, mais maintenant
une filiale de Postes Canada.
Traditionnellement, les syndicats
soulignaient le succès d'un débrayage en montrant combien il pouvait paralyser
les activités de l'employeur. Mais le STTP, dans sa stratégie impotente qui
vise à éviter une confrontation avec Postes Canada et le gouvernement
conservateur de droite du Canada, s'est vanté à maintes reprises que le
débrayage avait peu d'impact sur les services des postes.
Hamilton a affirmé que le débrayage du
STTP n'était pas nécessaire, car Postes Canada est prêt à négocier, mais il
s'est empressé de dire que le seul type de « négociations » auquel la
plus grande société d'État était prête à prendre part était celui impliquant
l'abandon des droits et avantages sociaux durement gagnés des postiers.
« Nous ne sommes pas à la table de
négociation », a dit le porte-parole de Postes Canada, « pour
discuter l'ajout d'un milliard de dollars de coûts de main-d'oeuvre pour les
quatre prochaines années. Nous ne négocions pas pour mettre un frein aux
efforts qui visent à moderniser cette société et assurer notre avenir. Nous ne
sommes pas ici pour discuter cela. »
Quand Hamilton parle de modernisation,
cela fait référence au fait que la société d'État exige carte blanche dans la
mise en oeuvre d'un nouveau système de tri du courrier permettant à l'employeur
d'augmenter radicalement la charge de travail des facteurs et de supprimer des
emplois. Partout où ce nouveau système a été implanté, le nombre d'accidents et
de blessures a explosé.
Publiquement, le gouvernement Harper a
été plutôt silencieux sur le conflit à Postes Canada; il a essentiellement
pressé les deux parties à en arriver rapidement à une entente. Mais il est
clair que le gouvernement conservateur appuie sans réserve Postes Canada et
voit dans la possibilité d'une douloureuse défaite des postiers – qui
dans les années 1960 et 1970 ont été le fer de lance d'une croissance explosive
du syndicalisme dans le secteur public – une étape importante dans la
mise en oeuvre de son programme de réduction des dépenses sociales et des
services publics.
Les médias du Canada n'ont cessé pendant
ce temps de condamner vigoureusement les postiers pour oser s'opposer à la
volonté de la classe dirigeante de faire payer les travailleurs pour la crise
capitaliste.
L'opposition unanime de l'élite
dirigeante face à la lutte anti-concessions des postiers fait contraste avec la
réaction des organisations supposément de la gauche et de la classe ouvrière.
Le Congrès du travail du Canada et le Nouveau Parti démocrate, qui a l'appui
des syndicats, n'ont même pas fait une déclaration d'appui à l'endroit des
postiers : ce qui montre clairement qu'ils prévoient laisser les
travailleurs des postes lutter seuls contre le gouvernement et la grande
entreprise et qu'ils vont s'opposer à toute tentative de faire de la lutte des
postiers le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière.
Lundi, des reporters du World
Socialist Web Site se sont entretenus avec des travailleurs des postes qui
faisaient le piquet de grève au principal centre de tri de Montréal.
Les travailleurs étaient unanimes dans
leur rejet des demandes de concessions de Postes Canada et dans leur opposition
au gouvernement Harper. Même si certains ont indiqué qu'ils auraient préféré le
déclenchement d'une grève générale, d'autres appuyaient la stratégie de grèves
tournantes du syndicat par crainte que le gouvernement impose une loi spéciale
et rende une grève nationale illégale.
Yanick Scott, le dirigeant de l'éducation
et de l'organisation du STTP pour la région du Montréal métropolitain, a dit au WSWS que la direction
syndicale n'excluait rien, même la possibilité de défier une éventuelle loi
antigrève.
Ces belles paroles visent à entretenir la
confusion et à retenir les travailleurs de la base. Le STTP n'a absolument rien
fait pour préparer ses membres, et encore moins la classe ouvrière, à une lutte
acharnée avec le patron de Postes Canada, le gouvernement Harper. Au contraire,
même si le STTP utilise à l'occasion des paroles radicales, sa conduite de la
présente lutte souligne le fait qu'il préfère de loin abdiquer devant les
demandes de concessions de Postes Canada plutôt que de mener l'offensive
industrielle et politique qui est nécessaire pour s'opposer avec succès à
l'assaut sur les postiers et l'ensemble de la classe ouvrière à travers le
Canada.
Les membres de la base du STTP
interviewés par le WSWS ont expliqué que, tandis que Postes Canada tente
maintenant d'imposer des salaires et des avantages moindres pour les nouvelles
embauches, la société maintient depuis longtemps un groupe de
« travailleurs temporaires » qui sont payés un dollar de moins
l'heure que les postiers réguliers, qui sont sans avantages sociaux et qui
travaillent toujours sur appel.
François (camionneur temporaire depuis
trois ans) a dit au WSWS: « Je travaille ici (centre de tri de
Montréal), je travaille à Saint-Léonard, un peu partout. Étant donné que nous
sommes des AO, des aides occasionnels, nous ne travaillons jamais à la même
place, comme les temps partiels ou les temps pleins.
« Il y a beaucoup d'autres
différences [par rapport aux travailleurs permanents]. Premièrement, nous
n'avons pas d'assurance, pas de fonds de pension, rien du tout. La seule chose
que nous ayons c'est notre salaire. Aussi, nous n'avons pas de garantie
d'heures … Il y a des semaines où je ne travaille pas du tout, d'autres
semaines où je travaille un peu, d'autres semaines … nous ne savons jamais.
Donc, pour le budget, c'est difficile de planifier, parce qu'on ne sait pas,
jamais. »
« Il y a beaucoup d'employés qui ont
deux emplois et même parfois trois. Donc, les gens qui disent : “À
la poste vous êtes bien, c'est fabuleux travailler là”, non, ce n'est pas
vrai. Ça a beaucoup changé depuis 50 ans, ce n'est vraiment plus comme c'était.
Il faut se battre aujourd'hui pour avoir de bons salaires, de bonnes
assurances, de bons fonds de pension. Regardez, ça fait trois ans que je
travaille ici puis je n'ai rien du tout. »
Un autre travailleur, Jonathan Lapointe, a
expliqué que les AO subissent constamment la pression de la direction :
« Un employé temporaire n'a pas de sécurité d'emploi, donc il doit être
raisonnablement alerte. Si le patron lui demande de faire telle chose, beaucoup
d'employés temporaires ne vont pas prendre la chance de dire “non”,
ils vont donc le faire. Donc ça peut être une forme d'intimidation.
“Faites ça, sinon il va arriver telle chose.” »
Lorsque nous lui avons demandé ce qu'il
pensait être la question clé dans l'actuel conflit avec Postes Canada, Jonathan
a répondu : « La solidarité des membres … Pour nous, c'est
complètement inacceptable qu'un nouvel employé n'ait pas les mêmes conditions
de travail que nous même s'il fait le même travail … On veut que tout le
monde soit égal … C'est une forme de solidarité commune qui doit rester
et qui devrait être partout, pas juste chez Postes Canada, partout, dans
n'importe quelle province ou pays.
« Notre but c'est d'être vraiment
unifiés, de rester solidaires, d'aller jusqu'au bout pour que nous soyons tous
égaux. C'est vraiment ça le but, d'avoir de bonnes conditions de travail,
d'être bien au travail. »
Un troisième travailleur temporaire,
Jérémy Leclair, a dit au WSWS : « On ne demande pas
grand-chose. On demande juste ce que l'on avait déjà. La seule chose que l'on
demande de plus, si je ne me trompe pas, c'est le pourcentage [de hausse
salariale] par année qui n'est même pas au niveau de l'inflation. »