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EuropeLa Fédération française de Football envisage
des quotas racistes
Par Antoine Lerougetel
14 mai 2011
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La publication des discussions qui ont eu lieu au sein de la Fédération
française de football (FFF) sur l’introduction de quotas racistes au
recrutement dans ses structures de formation a révélé l’impact, sur la
société française, de la politique antimusulmane et anti-immigration qui a
été pratiquée des années durant.
La ministre des Sports, Chantal Joanno, a été obligée de suspendre le
directeur technique national, François Blaquart, et qui avait été désigné
par le gouvernement.
La transcription des discussions du 8 novembre dernier, impliquant une
vingtaine de cadres de la FFF, a révélé l’intention de la direction de
limiter à 30 pour cent ou moins le recrutement, aux programmes de formation
de l’organisation, de garçons de parents étrangers, surtout d’Afrique, des
jeunes de 12 ans hautement prometteurs.
Eric Mombaerts, le sélectionneur de l’équipe des espoirs français de 20
ans et plus, a réagi aux dernières statistiques de l’Institut national du
Football, qui est basé au centre de formation à Clairefontaine, en montrant
que seuls 4 joueurs récemment formés jouaient pour l’équipe nationale
française contre 26 qui étaient partis jouer pour d’autres pays.
Laurent Blanc, le sélectionneur de l’équipe nationale s’exclame : « Ca me
choque… Plus qu’autre chose. »
Mombaerts demande : « …on limite l’entrée du nombre de gamins qui peuvent
changer de nationalité ? Oui ? Non ? Donc, auquel cas, on est obligé de le
faire sous le coude. »
Blanc s’écrie: « Moi j’y suis tout à fait favorable… A mon avis, il faut
essayer de l’éradiquer. Et ça n’a aucune connotation raciste ou quoi que ce
soit. Quand les gens portent les maillots de l’équipe nationale des 16 ans,
17 ans, 18 ans, 19 ans, 20 ans, Espoirs et qu’après ils vont aller jouer
dans des équipes nord-africaines ou africaines, ça me dérange énormément. »
Eric Mombaerts: Donc il faut 30 pour cent ? Un tiers de gamins qui
peuvent changer [de nationalité, ndlr] ?
François Blaquart: « Même pas. On peut baliser, en non-dit, sur une
espèce de quota… L’idéal effectivement, c’est-à-dire, mais pas
officiellement. »
Une discussion s’ensuivit quant à comment la FFF pourrait essayer
d’imprégner les jeunes espoirs de patriotisme de façon à ce qu’ils ne
veuillent pas jouer pour les pays dont sont originaires leurs parents.
Mombaerts a dit que des clubs tels l’Olympique de Lyon et l’Olympique de
Marseille appliquaient « systématiquement » des limites.
Blanc commence alors à élaborer une théorie raciale concernant les
caractéristiques physiques des joueurs noirs et le style de jeu – les noirs
sont « grands, costauds, puissants » – en plaidant pour que l’entraînement
des garçons de 13-14 ans ait « d’autres critères, modifiés avec notre propre
culture… notre histoires, etc. Les Espagnols, ils m’ont dit : ‘Nous, on n’a
pas de problème. Nous, des blacks, on n’en a pas.’ » Il poursuivit en
affirmant : « Le jeu, c’est l’intelligence. Donc, c’est d’autres types de
joueurs. »
Francis Smerecki, l’entraîneur des 12-13 ans, a répliqué en colère :
« C’est discriminatoire. »
Mohammed Belkacemi, le conseiller technique national pour le football des
quartiers, a révélé mercredi qu’il avait enregistré la réunion du 8
novembre, « pour témoigner en interne des propos inqualifiables que j’avais
entendus. J’ai remis l’enregistrement le 9 novembre à la FFF. »
Le Parisien a rapporté qu’un ami de Belkacemi avait dit au journal qu’il
avait déjà fait des enregistrements auparavant et qu’il « n’était pas le
seul à faire ça, en raison des nombreux propos tendancieux tenus lors de ces
réunions. »
Lilian Thuram, l’ancien capitaine de l’équipe nationale et membre de
l’équipe vainqueur de la coupe du monde 1998, a exprimé son dégoût : « Quand
est-ce qu’on va sortir de ces préjugés sur les couleurs de peau ? Quand
est-ce qu’on va arrêter de dire que lorsque vous êtes Noir, vous courez plus
vite ?... Que lorsque vous êtes Noir, vous êtes moins intelligent ? » Il a
jouté, « Si certains ont cautionné un projet avec des quotas, il faut les
punir. »
Les positions racistes de Blanc ont bénéficié du soutien de la
bourgeoisie française de « gauche ». Malek Boutih, le secrétaire national du
Parti socialiste aux questions sociales, a défendu les commentaires de Blanc
dans Le Monde du 5 mai en soulignant que Blanc avait au moins réussi
à faire chanter la Marseillaise à l’équipe.
Les réactions reflètent la propagation ces dernières années de sentiments
anti-démocratiques et de racisme ouvert dans une grande partie de l’élite
politique française, alors que l’Etat a perpétré des assauts incessants à
l’encontre de la classe ouvrière et des minorités vulnérables. Tout en
répétant publiquement des slogans insipides disant que les couleurs
nationales « bleu-blanc-rouge » pourraient être complétées par le
« black-blanc-beur » de l’harmonie raciale, des politiciens et des figures
des médias ont de plus en plus laissé libre cours à leur rage à l’égard des
Musulmans et des immigrés.
La loi de 2003 interdisant aux filles de porter le foulard islamique dans
les écoles publiques a amorcé une campagne croissante pour diviser la classe
ouvrière au moyen d’un racisme anti-immigrant.
L’interdiction du voile avait été appuyée par la totalité de la gauche
française dont la LCR, le prédécesseur du NPA (Nouveau Parti
anticapitaliste). Les émeutes des jeunes des banlieues en 2005 et le
mouvement de masse de la jeunesse en 2006 contre le CPE (Contrat première
Embauche) avait été suivies par la campagne électorale de Sarkozy, où lui et
la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, avaient rivalisé en fait
de politique sécuritaire et de répression des jeunes, de contrôle de
l’immigration et de chauvinisme national.
La révolte des jeunes des ghettos contre le chauvinisme impérialiste
français a été intensifiée par la soi-disant guerre contre le terrorisme.
Celle-ci fut lancée par le président américain George W. Bush après les
attentats d’Al Qaïda du 11 septembre 2001, suivis par l’invasion
néocoloniale de l’Afghanistan sous la direction des Etats-Unis, avec le
soutien de la France qui y déploie actuellement 4.000 troupes.
Lors d’un match de football France-Algérie en 2001 au Stade de France
près de Paris, moins d’un mois après les attentats du 11 septembre et de la
déclaration du président George W. Bush sur la « guerre contre le
terrorisme », l’hymne national français avait été sifflé par des supporters
de l’équipe visiteuse. Les politiciens de « gauche » et de droite furent
scandalisés et, de plus en plus, réclamèrent des punitions. Les sifflets à
l’encontre de la Marseillaise devinrent une pratique régulière des
matches avec des équipes du Maghreb, autrefois partie de l’empire colonial
français, et conduirent à des dénonciations droitière dans la presse
française.
L’incitation par les médias de l’hostilité publique à l’égard de
l’opposition maghrébine à l’impérialisme français faisait partie d’un
encouragement plus général de sentiments néocoloniaux, incluant des
tentatives de censurer les critiques à l’égard du colonialisme français dans
les livres d’école. Ceci a finalement contribué à créer une atmosphère où
l’attaque du gouvernement français contre la Libye n’a produit aucune
opposition de la part de l’establishment politique.
Alors que grandissait l’opposition populaire à l’égard de sa politique de
guerre et de coupes sociales, l’actuel président Nicolas Sarkozy a essayé de
détourner le mécontentement populaire au moyen d’appels islamophobes de plus
en plus virulents. En 2009, il a mis en place une commission anti-burqa,
soutenue par l’ensemble de l’establishment politique et qui, au
milieu d’un battage médiatique antimusulman, avait mené à l’interdiction
effective de la burqa le 11 avril. Dans son discours tristement célèbre
prononcé le 30 juillet 2010 à Grenoble, Sarkozy avait réclamé l’expulsion de
masse des Roms et la déchéance de la nationalité française aux immigrés
enfreignant la loi.
L’année dernière, cette campagne raciste avait publiquement envahi le
football français. La défaite embarrassante de l’équipe nationale, en
juillet 2010 lors de la coupe du monde en Afrique du Sud – où des différends
avec des responsables de la FFF avaient entraîné une grève des joueurs –
avait suscité une vague de diatribes anti-ouvrières et anti-immigré de la
part des médias et des élites politiques. Les commentateurs avaient fustigé
que « l’esprit des banlieues » faisait son entrée dans le jeu.
Le philosophe de droite, Alain Finkielkraut, a déclaré : « Nous avons la
preuve effarante que l’équipe de France n’est pas une équipe, c’est une
bande de voyous qui ne connaît qu’une seule morale, celle de la mafia. »
Benjamin Lancar, le porte-parole official des Jeunes populaires (le
mouvement des jeunes de l’Union pour un mouvement populaire, UMP), a tempêté
contre « les racailles payées 500.000 ou 1.000.000 d’euros par mois. »
Emmanuel Petit, qui avait fait partie de l’équipe de 1998, a parlé
« d’islamisation de l’équipe. »
Le PS a inclus dans son projet de programme pour les élections 2012 une
diatribe chauvine contre l’équipe : « ces footballers millionnaires qui,
portant le maillot tricolore lors de la Coupe du monde, firent la grève du
ballon avant d’être éliminés sans gloire et s’agrippèrent malgré tout à
leurs primes. »
C’est dans cette atmosphère toxique droitière que se trouve l’explication
des divulgations soudaines de préjugés racistes à la direction de la FFF.
(Article original paru le 10 mai 2011)