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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Volte-face de la chancelière allemande sur la politique nucléaire

Par Peter Schwarz
18 mars 2011

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Le gouvernement allemand a eu une réaction de panique face la catastrophe nucléaire au Japon en faisant une volte-face sur sa politique nucléaire. La principale préoccupation de la chancelière allemande, Angela Merkel, est de rallier du soutien pour son parti en difficulté dans des élections régionales importantes qui vont avoir lieu au cours des deux prochains week-ends.

Lundi, la chancelière Merkel de l’Union chrétienne démocrate (CDU) et son adjoint, Guido Westerwelle, du Parti libéral-démocrate (FDP), ont annoncé à la presse un moratoire de trois mois sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires en Allemagne. Puis, après une réunion mardi avec les ministres-présidents des Länder, Merkel a annoncé que les sept centrales nucléaires allemandes construites avant les années 1980 seraient immédiatement arrêtés pendant trois mois.

Cette manoeuvre ne trompera pas ceux qui sont au fait de la  politique énergétique antérieure du gouvernement. A l’instar du Japon, le gouvernement allemand a systématiquement subordonné le bien-être et la sécurité de la population au puissant groupe de pression du nucléaire et aux intérêts de profit des principales sociétés d’énergie.

A l’automne dernier, le gouvernement de coalition mené par le CDU avait adopté le nouveau projet d’énergie qui est à présent suspendu pour trois mois. Le projet prévoyait l’extension de 8 à 14 ans de la durée de vie des centrales nucléaires existantes, en garantissant de ce fait des milliards d’euros de profits supplémentaires aux entreprises énergétiques. La mesure du gouvernement Merkel révoquait le soi-disant consensus de sortie progressive du nucléaire adopté en 2000 par l’ancienne coalition SPD-Verts et les entreprises énergétiques.

Le consensus de 2000 avait fait des concessions considérables aux entreprises de l’industrie nucléaire. Il concédait aux usines existantes une durée de vie étonnamment longue, en moyenne de 32 ans, en leur garantissant des milliards de profits additionnels. Depuis lors, les Verts, qui autrefois étaient opposés à l’énergie nucléaire, œuvrent pour assurer aux entreprises énergétiques la capacité d’opérer tranquillement leurs réacteurs nucléaires. Le parti des Verts a joué un rôle clé pour étouffer les protestations militantes contre le transport des déchets nucléaires vers le site de stockage à Gorleben.

La décision de Merkel de proroger la durée de vie des usines nucléaires au-delà des dates fixées dans le consensus nucléaire  représentait une autre concession majeure faite au groupe de pression nucléaire. En prenant cette décision, son gouvernement avait ignoré tous les avertissements de défaillance potentielle des réacteurs vieillissants.

A présent, elle revient sur tous ses arguments d’hier. Merkel a justifié le moratoire en ces termes : « Les événements au Japon nous ont appris que des risques jugés hautement improbables pouvaient se matérialiser. » Tout doit être passé au banc de contrôle, a-t-elle poursuivi en disant que les trois mois serviraient à vérifier la sûreté de toutes les centrales nucléaires.

En fait, les experts ont depuis longtemps mis en garde contre de tels dangers, en indiquant que le soi-disant risque résiduel n’est pas une donnée statistique négligeable mais qu'il pouvait coûter la vie à des millions de gens en cas de catastrophe.

Les cas de panne ne font pas défaut. Durant l’été 2006, par exemple, en Suède le système de refroidissement du réacteur de la centrale nucléaire Fosmark avait cessé de fonctionner. L’usine était passée tout près de la fusion du cœur du réacteur, à sept minutes près. Le groupe suédois d’énergie Vattenfall, qui opère un certain nombre d’usines nucléaires en Allemagne, avait tenté de cacher l’incident et de minimiser ce qui s’était passé – avec un succès limité. L’incident a montré qu’un désastre pouvait arriver du fait de la simple défaillance des générateurs d’urgence et pas nécessairement d'un événement naturel spectaculaire tel celui survenu au Japon.

Quand Merkel brandit subitement le principe de « sécurité d’abord, » c’est dû en premier lieu aux élections régionales à venir. Dimanche prochain, une élection aura lieu dans le Land de Saxe-Anhalt et une semaine plus tard des élections se dérouleront en Rhénanie-Palatinat et dans le Bade-Wurtemberg.

La prolongation des usines nucléaires décidée à l’automne dernier est à présent un boulet autour du cou de la coalition dirigeante. Les événements au Japon ont clairement montré à de vastes couches de la population les dangers d’une catastrophe nucléaire dans des régions à forte densité humaine.

Dans le Land de Bade-Wurtemberg, dans lequel le CDU est au pouvoir depuis 1953, le ministre-président, Stefan Mappus, est supposé avoir peu de chances de remporter l’élection de la semaine prochaine. Samedi dernier, plus de 60.000 manifestants se sont regroupés pour une manifestation anti-nucléaire à Stuttgart. La manifestation était prévue de longue date, mais après le désastre au Japon la mobilisation a été bien plus importante qu’anticipée. Stuttgart est la première ville de Bade-Wurtemberg et l’opinion publique se manifeste de plus en plus contre Mappus qui est l’un des défenseurs les plus agressifs de l’énergie nucléaire au sein du CDU.

Les événements au Japon ont un impact majeur sur l’opinion publique en Allemagne. Des millions de gens ont suivi les reportages des médias en direct sur l’évolution de la catastrophe à la centrale de Fukushima. Les propriétaires de l’usine ont littéralement perdu le contrôle des quatre réacteurs et de nombreux experts estiment qu’une fusion du cœur du réacteur a déjà débuté dans trois des réacteurs.

Les mesures prises par les ingénieurs sur le site pour contenir le désastre est l’expression que le désespoir prévaut. Ils tentent pour le moment de refroidir les réacteurs avec de l’eau de mer – une mesure d’urgence improvisée et sans précédent.

Une fusion a lieu lorsque les barres de combustible nucléaire continuent de s’échauffer du fait d’un refroidissement insuffisant. A une température de 900 degrés Celsius, le métal des fûts dans lesquels l’uranium est conditionné commence à s’effriter. A 2.850 degrés, l’uranium même fond. Dans l’intervalle entre ces deux phases, des processus chimiques ont lieu et qui produisent de l’hydrogène hautement explosif.

Aucune cuve de réacteur ne peut résister à la température de fusion du cœur du réacteur. Les alternatives sont soit une explosion – comme dans le cas de la catastrophe de Tchernobyl – soit la masse liquide pénètre doucement dans le sol. On ne peut même pas écarter l'éventualité d'une explosion nucléaire incontrôlée.

De grandes quantités de vapeur hautement radioactive seraient libérées tant lors d’une fusion que lors d’une explosion, et qui, selon les conditions météorologiques, pourraient se répandre sur de longues distances en contaminant pendant des décennies des régions entières. Le pire scénario serait la fusion du réacteur 3 qui utilise du plutonium hautement toxique. Ceci menacerait la vie et la santé de dizaines de milliers de gens, non seulement au Japon – 35 millions de personnes vivent uniquement dans le Grand Tokyo – mais aussi en Corée, en Chine et en Russie.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les niveaux de radiation détectés à l’usine nucléaire ont atteint 400 millisievert par heure, c’est-à-dire 400 fois la dose annuelle admissible. Ces niveaux à eux seuls suffisent à causer en un très court laps de temps la maladie des rayons (radiation sickness).

Au vu de ces événements dramatiques, il est peu probable que la manœuvre politique de Merkel convainque beaucoup de gens. Dans le cas d’une débâcle du CDU lors des prochaines élections régionales, les bénéficiaires en seront les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts. Mais ces deux partis aussi se trouvent tout aussi fermement sous l’emprise du groupe de pression nucléaire.

Gerhard Schröder (SPD) et Joschka Fischer (Verts), chancelier et vice-chancelier de l’ancienne coalition SPD-Verts, sont tous deux membres de groupes de pression de l’industrie énergétique. Schröder dirige le gazoduc de la société Nord Stream tandis que Fischer est un conseiller influent pour le gazoduc Nabucco.

(Article original paru le 16 mars 2011)

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