Amir
Khadir, l'unique député de Québec solidaire (QS), s'est joint à tous les autres
députés de l'Assemblée nationale du Québec et a voté en faveur d'une motion
déposée fin octobre par la ministre du Travail du Parti libéral du Québec
(PLQ), Lise Thériault. La motion dénonce l' « intimidation et la
violence » qui auraient été utilisées par les syndicats de la construction
pour fermer les chantiers de la province les 24 et 25 octobre derniers en guise
de protestation contre le dépôt du projet de loi 33 par le gouvernement
libéral.
Le
projet de loi 33 vise notamment à réduire le poids social de la bureaucratie
syndicale en abolissant son rôle de pourvoyeur de main-d'oeuvre sur les
chantiers de construction. Cette tâche serait remise à la Commission de la
construction du Québec (CCQ), un organisme où l'influence gouvernementale et
patronale est prédominante. Celle-ci fournirait une liste de noms aux
employeurs qui pourraient choisir librement leurs employés. Selon l'Association
de la construction du Québec, l'une des principales fédérations patronales du
secteur : « Ceci est plus que de la sémantique, c'est le transfert du
contrôle de la main d'ouvre par
les syndicats au libre exercice du droit de gérance des employeurs. »
Pendant
et après les évènements qui se sont déroulés sur les chantiers, les médias de
la grande entreprise sont sortis de leurs gonds afin de s'en prendre aux
syndicats de la construction. Cette attitude des médias fait partie de leur
campagne pour promouvoir un climat politique de droite et des changements dans
le code du travail de la province qui renforceront la main des employeurs. Les
Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) se sont réjouis du dépôt du
projet de loi. Leur président, Simon Prévost a déclaré que « la
productivité de ce secteur [la construction] ne peut en être qu'améliorée, ce
qui est un impératif dans le contexte économique actuel. »
Après
des décennies de mesures de droite, mises en place avec le plein soutien des
syndicats, l'élite dirigeante est poussée aujourd'hui par la profonde crise du
capitalisme mondial à aller beaucoup plus loin dans son assaut sur les
travailleurs. La bureaucratie syndicale n'est que la cible apparente d'un tel
assaut. Sa véritable cible est la classe ouvrière que la grande entreprise veut
faire payer pour la faillite du système de profit par la destruction de
l'emploi, la baisse des salaires et le démantèlement de ce qui reste des
programmes sociaux.
En
donnant son appui à la motion libérale contre les syndicats de la construction,
Québec solidaire cautionne cette campagne agressive de la bourgeoisie et
fournit une couverture soi-disant progressiste à l'establishment politique du
Québec. Lors de son vote, Khadir a dit qu'il appuie les syndicats, mais pas les
pratiques « antidémocratiques faites de violence, d'intimidation, de
discrimination. »
Le
quotidien La presse a rapidement accueilli le vote de Khadir en
reconnaissant qu'il fournissait une bonne couverture politique aux efforts de
l'élite dirigeante pour pousser la politique encore plus à droite. Dans un
article dont le principal but était de critiquer le parti québécois (PQ) pour
ne pas encore avoir donné un appui inconditionnel au projet de loi 33,
l'éditorialiste en chef André Pratte a écrit : « Dans une
intervention remarquable, le co-chef de Québec solidaire, Amir Khadir, a lui
dénoncé le comportement des deux principaux syndicats de la construction. »
En
s'opposant à la campagne anti-ouvrière de la bourgeoisie, le Parti de l'égalité
socialiste du Canada s'oppose tout aussi vigoureusement à la bureaucratie
syndicale qui a étouffé et isolé les luttes des travailleurs pendant des
décennies et a été un pilier des gouvernements tant provinciaux que fédéraux.
Les bureaucrates syndicaux de l'industrie de la construction, dont ceux de la
FTQ, le principal syndicat au Québec, ont utilisé leur contrôle des embauches
pour remplir leur propre nid, tout en employant l'intimidation contre les
travailleurs qui défient leur autorité.
C'est
seulement lorsque leurs privilèges sont menacés, comme avec le dépôt du projet
de loi 33, qu'ils organisent des arrêts de travail limités. Et, s'ils le font,
ce n'est pas pour s'en servir comme point de départ pour mener une lutte contre
les attaques de la bourgeoisie, mais plutôt pour préserver leurs privilèges et
montrer à l'élite dirigeante que c'est à eux que revient le rôle de contrôler
et d'étouffer toute opposition provenant de la classe ouvrière.
L'ancien
directeur général de la FTQ-construction, Jocelyn Dupuis, a accordé une
entrevue à La presse qui met à nu le véritable rôle joué par les
syndicats dans la suppression de la lutte de classe : « Si on recule
dans les 20 dernières années », a-t-il affirmé, « il n'y a pas
vraiment eu de conflit dans l'industrie de la construction. Je pense qu'on
avait une belle paix sociale. » L'ancien bureaucrate syndical exprime
également son inquiétude de voir les syndicats marginalisés par des sections de
plus en plus importantes de l'élite: « On avait une belle collaboration
entre les associations patronales et syndicales. J'ai peur qu'on détruise notre
régime unique, qui était un des meilleurs de l'Amérique du Nord. »
Québec
solidaire ne cherche aucunement à dévoiler ce que signifie cette « belle
collaboration entre les associations patronales et syndicales ». Hormis
lorsqu'il s'associe à l'élite pour des campagnes de droite, QS ne critique
jamais les syndicats. Au contraire, il courtise certaines sections de la bureaucratie
syndicale, dont la plus grosse partie est à ce point-ci davantage tournée vers
le Parti québécois. Conséquemment, en plus de couvrir l'élite dirigeante dans
son assaut frontal sur les travailleurs, QS dissimule la véritable nature de la
bureaucratie syndicale, qui défend sa propre position sociale privilégiée et
non les travailleurs.
Fait
à noter, Khadir a accompagné son vote en faveur de la motion libérale de
déclarations visant à camoufler l'assaut anti-ouvrier qui se prépare. Il a
affirmé qu' « il faut mettre fin aux placements actuels, mais pas pour
ériger un autre système qui soit un favoritisme, cette fois-ci,
patronal. »
Québec
solidaire avait adopté un langage similaire devant l'assaut sur la Libye mené
par l'OTAN. Cette guerre n'a jamais eu rien à voir avec une intervention
humanitaire. Comme les guerres d'Irak et d'Afghanistan, c'était une opération
des puissances occidentales, les États-Unis en tête, pour renverser le régime
Kadhafi et le remplacer par un régime davantage dédié à la défense de leurs intérêts.
Lorsque
la guerre a débuté en mars, Khadir lui a donné son appui, tout en suggérant que
les puissances occidentales pourraient être animées de bonnes intentions.
« Si vraiment les Occidentaux veulent aider, ça implique des
risques », a déclaré Khadir. Alors que le véritable objectif de
l'intervention - le changement de régime - devenait plus évident d'heure en
heure, Khadir s'efforçait de cacher cette réalité en la présentant sous une
forme hypothétique, affirmant : « La démonstration est à faire que
les États-Unis et la France ne sont pas en train d'avancer leurs propres
agendas politiques et militaires. » Le viol impérialiste de la Lybie a
maintenant pris place. Et Québec solidaire est resté silencieux.