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Québec solidaire cautionne l'assaut patronal sur les travailleurs

Par Louis Girard
16 novembre 2011

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Amir Khadir, l'unique député de Québec solidaire (QS), s'est joint à tous les autres députés de l'Assemblée nationale du Québec et a voté en faveur d'une motion déposée fin octobre par la ministre du Travail du Parti libéral du Québec (PLQ), Lise Thériault. La motion dénonce l' « intimidation et la violence » qui auraient été utilisées par les syndicats de la construction pour fermer les chantiers de la province les 24 et 25 octobre derniers en guise de protestation contre le dépôt du projet de loi 33 par le gouvernement libéral.

Le projet de loi 33 vise notamment à réduire le poids social de la bureaucratie syndicale en abolissant son rôle de pourvoyeur de main-d'oeuvre sur les chantiers de construction. Cette tâche serait remise à la Commission de la construction du Québec (CCQ), un organisme où l'influence gouvernementale et patronale est prédominante.  Celle-ci fournirait une liste de noms aux employeurs qui pourraient choisir librement leurs employés. Selon l'Association de la construction du Québec, l'une des principales fédérations patronales du secteur : « Ceci est plus que de la sémantique, c'est le transfert du contrôle de la main d'ouvre par les syndicats au libre exercice du droit de gérance des employeurs. »

Pendant et après les évènements qui se sont déroulés sur les chantiers, les médias de la grande entreprise sont sortis de leurs gonds afin de s'en prendre aux syndicats de la construction. Cette attitude des médias fait partie de leur campagne pour promouvoir un climat politique de droite et des changements dans le code du travail de la province qui renforceront la main des employeurs. Les Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) se sont réjouis du dépôt du projet de loi. Leur président, Simon Prévost a déclaré que « la productivité de ce secteur [la construction] ne peut en être qu'améliorée, ce qui est un impératif dans le contexte économique actuel. »

Après des décennies de mesures de droite, mises en place avec le plein soutien des syndicats, l'élite dirigeante est poussée aujourd'hui par la profonde crise du capitalisme mondial à aller beaucoup plus loin dans son assaut sur les travailleurs. La bureaucratie syndicale n'est que la cible apparente d'un tel assaut. Sa véritable cible est la classe ouvrière que la grande entreprise veut faire payer pour la faillite du système de profit par la destruction de l'emploi, la baisse des salaires et le démantèlement de ce qui reste des programmes sociaux.

En donnant son appui à la motion libérale contre les syndicats de la construction, Québec solidaire cautionne cette campagne agressive de la bourgeoisie et fournit une couverture soi-disant progressiste à l'establishment politique du Québec. Lors de son vote, Khadir a dit qu'il appuie les syndicats, mais pas les pratiques « antidémocratiques faites de violence, d'intimidation, de discrimination. »

Le quotidien La presse a rapidement accueilli le vote de Khadir en reconnaissant qu'il fournissait une bonne couverture politique aux efforts de l'élite dirigeante pour pousser la politique encore plus à droite. Dans un article dont le principal but était de critiquer le parti québécois (PQ) pour ne pas encore avoir donné un appui inconditionnel au projet de loi 33, l'éditorialiste en chef André Pratte a écrit : « Dans une intervention remarquable, le co-chef de Québec solidaire, Amir Khadir, a lui dénoncé le comportement des deux principaux syndicats de la construction. »

En s'opposant à la campagne anti-ouvrière de la bourgeoisie, le Parti de l'égalité socialiste du Canada s'oppose tout aussi vigoureusement à la bureaucratie syndicale qui a étouffé et isolé les luttes des travailleurs pendant des décennies et a été un pilier des gouvernements tant provinciaux que fédéraux. Les bureaucrates syndicaux de l'industrie de la construction, dont ceux de la FTQ, le principal syndicat au Québec, ont utilisé leur contrôle des embauches pour remplir leur propre nid, tout en employant l'intimidation contre les travailleurs qui défient leur autorité.

C'est seulement lorsque leurs privilèges sont menacés, comme avec le dépôt du projet de loi 33, qu'ils organisent des arrêts de travail limités. Et, s'ils le font, ce n'est pas pour s'en servir comme point de départ pour mener une lutte contre les attaques de la bourgeoisie, mais plutôt pour préserver leurs privilèges et montrer à l'élite dirigeante que c'est à eux que revient le rôle de contrôler et d'étouffer toute opposition provenant de la classe ouvrière.

L'ancien directeur général de la FTQ-construction, Jocelyn Dupuis, a accordé une entrevue à La presse qui met à nu le véritable rôle joué par les syndicats dans la suppression de la lutte de classe : « Si on recule dans les 20 dernières années »,  a-t-il affirmé, « il n'y a pas vraiment eu de conflit dans l'industrie de la construction. Je pense qu'on avait une belle paix sociale. » L'ancien bureaucrate syndical exprime également son inquiétude de voir les syndicats marginalisés par des sections de plus en plus importantes de l'élite: « On avait une belle collaboration entre les associations patronales et syndicales. J'ai peur qu'on détruise notre régime unique, qui était un des meilleurs de l'Amérique du Nord. »

Québec solidaire ne cherche aucunement à dévoiler ce que signifie cette « belle collaboration entre les associations patronales et syndicales ». Hormis lorsqu'il s'associe à l'élite pour des campagnes de droite, QS ne critique jamais les syndicats. Au contraire, il courtise certaines sections de la bureaucratie syndicale, dont la plus grosse partie est à ce point-ci davantage tournée vers le Parti québécois. Conséquemment, en plus de couvrir l'élite dirigeante dans son assaut frontal sur les travailleurs, QS dissimule la véritable nature de la bureaucratie syndicale, qui défend sa propre position sociale privilégiée et non les travailleurs.

Fait à noter, Khadir a accompagné son vote en faveur de la motion libérale de déclarations visant à camoufler l'assaut anti-ouvrier qui se prépare. Il a affirmé qu' « il faut mettre fin aux placements actuels, mais pas pour ériger un autre système qui soit un favoritisme, cette fois-ci, patronal. »

Québec solidaire avait adopté un langage similaire devant l'assaut sur la Libye mené par l'OTAN. Cette guerre n'a jamais eu rien à voir avec une intervention humanitaire. Comme les guerres d'Irak et d'Afghanistan, c'était une opération des puissances occidentales, les États-Unis en tête, pour renverser le régime Kadhafi et le remplacer par un régime davantage dédié à la défense de leurs intérêts.

Lorsque la guerre a débuté en mars, Khadir lui a donné son appui, tout en suggérant que les puissances occidentales pourraient être animées de bonnes intentions. « Si vraiment les Occidentaux veulent aider, ça implique des risques », a déclaré Khadir. Alors que le véritable objectif de l'intervention - le changement de régime - devenait plus évident d'heure en heure, Khadir s'efforçait de cacher cette réalité en la présentant sous une forme hypothétique, affirmant : « La démonstration est à faire que les États-Unis et la France ne sont pas en train d'avancer leurs propres agendas politiques et militaires. » Le viol impérialiste de la Lybie a maintenant pris place. Et Québec solidaire est resté silencieux.

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