Au cours de ces deux dernières semaines, des manifestants ont organisé
une occupation de Wall Street et ont participé à des manifestations
dénonçant les gigantesques institutions financières qui contrôlent la vie
économique et politique américaine.
Les manifestations commencent à attirer un soutien populaire plus
général. Elles font partie d’une opposition grandissante aux Etats-Unis et
internationalement contre la politique de l’élite financière et ses
représentants politiques. Des manifestations identiques sont organisées dans
d’autres villes à travers les Etats-Unis.
La réaction du gouvernement face aux manifestations est une indication de
la peur qui règne au sein de la classe dirigeante. Elle craint en effet que
ces manifestations ne déclenchent une mobilisation populaire plus générale
dans la situation d’un nouveau déclin économique. Durant le week-end, 700
personnes ont été interpellées au cours d’une manifestation sur le pont de
Brooklyn. La semaine dernière du gaz poivré avait été utilisé contre des
manifestations pacifiques.
A la différence de la répression orchestrée contre les manifestants par
le Département de police de la ville de New York, pas un seul responsable de
haut rang d’une grande banque ou institution financière américaine n’a été
tenu pour responsable de la pire catastrophe financière survenue depuis la
Grande Dépression. Les spéculations irresponsables des banques et la fraude
pure et simple ont provoqué une dépression mondiale qui a anéanti des
dizaines de millions d’emplois. Les trésors publics ont été pillés à hauteur
de plusieurs milliers de milliards de dollars pour couvrir les mauvaises
dettes des banques, et ces mêmes responsables gouvernementaux qui ont
organisé ces renflouements – menés par Bush puis par Obama – ont offert un
blanc seing aux banques.
Alors que le soutien pour les protestations anti-Wall Street gagne du
terrain, les organisations pro Parti démocrate et les syndicats tentent
rapidement d’en prendre le contrôle.
Certains syndicats planifient une marche pour mercredi et un nombre de
syndicats de New York appuient les protestations, dont le syndicat des
employés des services (Service Employees Industrial Union, SEIU), la section
new yorkaise du syndicat des transports en commun (Transport Workers Union
Local 100), le syndicat des conducteurs routiers américain, Teamsters, et la
Fédération unie des professeurs (United Federation of Teachers). Ils
soutiennent tous résolument le Parti démocrate. Vendredi dernier, le
président de la Confédération syndicale AFL-CIO, Richard Trumka, qui avait
dernièrement collaboré avec la Chambre de Commerce américaine pour
promouvoir le faux « plan emploi » d’Obama, a fait état de son soutien pour
les protestations « Occupation de Wall Street. »
Certains responsables du Parti démocrate et des célébrités pro-démocrates
se sont joints aux protestations, dont le membre new yorkais du Congrès,
Charles Rangel, l’ancien gouverneur de New York, Michael Patterson, et le
réalisateur Michael Moore. Même le financier milliardaire George Soros a
exprimé son soutien pour les protestations. Leur objectif est de canaliser
l’opposition populaire derrière le Parti démocrate et la campagne pour la
réélection de Barack Obama.
De nombreux groupes impliqués dans les manifestations contre Wall Street
ont adopté la position des indignados (les indignés) d’Espagne et de
Grèce, à savoir qu’il ne devrait pas y avoir de politique (« no politics »)
ni de direction au mouvement. L’appel à « pas de politique » équivaut au
rejet d’une alternative politique cohérente et fondée sur des principes, à
la politique bourgeoise et au système capitaliste bipartite– c’est-à-dire
d’une politique socialiste. Il fait directement le jeu du Parti démocrate
qui comblera le vide politique.
La situation sociale et économique à laquelle est confrontée la grande
majorité de la population est un réquisitoire accablant contre le
gouvernement Obama et le Parti démocrate ainsi que toutes les organisations
qui ont promu Obama comme le candidat du « changement. »
Le 3 octobre dernier, ce fut le troisième anniversaire de
l’adoption au Congrès du schéma du Troubled Asset Relief Program (TARP ou
plan Paulson) aux Etats-Unis – le renflouement de Wall Street à hauteur de
750 milliards de dollars avec l’argent des contribuables. Le candidat
présidentiel de l’époque, Obama avait fait pression pour l’adoption de la
loi en fournissant aux législateurs démocrates la couverture politique pour
voter l’octroi de fonds public à l’élite financière. En tant que président,
Obama a supervisé une augmentation de plusieurs milliers de milliards de
dollars du plan de sauvetage, allant au-delà du plan TARP initial.
Trois ans plus tard, les conditions de vie de millions de personnes aux
Etats-Unis sont intolérables et ne cessent d’empirer. Il y a aujourd'hui
davantage d’Américains qui vivent dans la pauvreté qu’à aucun autre moment
depuis la Seconde Guerre mondiale. Les conditions sont particulièrement
difficiles pour les jeunes qui sont confrontés à un avenir de dettes, de
pauvreté et de chômage. Selon les chiffres publiés par le Bureau du
recensement des Etats-Unis (US Census Bureau), 37,2 pour cent des foyers
monoparentaux dont le parent a moins de 30 ans ont vécu l’année dernière
dans la pauvreté.
Alors que la misère sociale a augmenté, les fortunes des spéculateurs à
Wall Street ont continué de monter en flèche avec la fortune des 400
Américains les plus riches – cumulant à 1,53 milliers de milliards de
dollars – atteignant presque leur niveau d’avant la crise.
Dès le départ, toutes les actions du gouvernement Obama visaient à servir
les intérêts de Wall Street : le renflouement des banques, la
restructuration de l’industrie automobile pour imposer des milliers de
suppression d’emplois et des salaires de misère aux travailleurs
nouvellement recrutés, le refus d’adopter la moindre mesure sérieuse pour
réagir à la pire crise de chômage depuis les années 1930.
Pour ce qui est de la politique étrangère, le gouvernement a étendu les
guerres lancées par Bush et est actuellement engagé dans la conquête
sanglante de la Libye. La criminalité du gouvernement et de la classe
dirigeante américaine en général a trouvé son expression magistrale dans
l’assassinat la semaine passée d’Anwar al-Awlaki au Yémen. En ordonnant et
en supervisant l’assassinat d’Etat d’Awlaki, Obama est devenu le premier
président américain à sanctionner ouvertement le meurtre extrajudiciaire
d’un citoyen américain.
A présent, le gouvernement mène une campagne pour réduire de plusieurs
centaines de milliards de dollars les programmes de santé, dont Medicare et
Medicaid, comme partie intégrante d’un plan pour abaisser le déficit fédéral
de 4 milliers de milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.
Les actions du gouvernement Obama font partie d’une offensive mondiale de
la classe dirigeante visant à détruire tous les acquis sociaux arrachés par
les travailleurs au cours du 20ème siècle. En Europe,
l’intensification de la crise de la dette va de pair avec des attaques
brutales dirigées par les banques et les institutions financières, plongeant
ainsi la Grèce et d’autres pays dans une dépression.
L’augmentation de l’opposition de masse contre ces attaques est
inévitable. Les événements survenus cette années – les soulèvements en
Egypte et au Moyen-Orient, les manifestations les plus vastes de l’histoire
d’Israël contre l’inégalité sociale, l’opposition de masse en Europe, les
protestations de centaines de milliers contre les réductions budgétaires au
Wisconsin – ne sont qu’une indication de ce qui est à venir.
Les manifestations à Wall Street révèlent une compréhension plus générale
de la part de l’opinion publique que la source fondamentale de la crise à
laquelle des millions de personnes sont confrontées se trouve dans les
intérêts sociaux des banques géantes qui dominent l’économie américaine et
mondiale. La politique est déterminée non pas par la volonté populaire mais
par les intérêts de l’aristocratie financière qui est déterminée à défendre
sa fortune en appauvrissant la vaste majorité des gens.
On ne peut combattre le pouvoir de la classe dirigeante que par la
mobilisation indépendante de la classe ouvrière sous forme de lutte de
masse, en brisant la mainmise politique du Parti démocrate et en s’attaquant
aux racines de la crise : le système capitaliste. Il ne s’agit pas de lancer
des appels à l’élite financière, mais de transformer les banques et les
grandes entreprises en institutions publiques démocratiquement contrôlées et
gérées sur la base des besoins sociaux et non des bénéfices privés.
Le socialisme doit être placé au coeur d’une offensive contre Wall Street.
Le Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) lutte pour
la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière en se fondant sur un
programme socialiste. Nous invitons instamment tous les travailleurs et les
jeunes qui sont d’accord avec ce programme à adhérer au SEP et à s’engager
pour la construction d’une nouvelle direction socialiste de la classe
ouvrière.