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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La Grèce se dirige vers une explosion révolutionnaire

Par Peter Schwarz
17 février 2012

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Les mesures d'austérité exigées par la troïka (la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne) poussent la Grèce vers une révolution. La manifestation de 100.000 personnes dimanche soir devant le parlement grec et les émeutes qui ont éclaté après que la police a violemment attaqué la manifestation représentent un tournant très net de l'état d'esprit de la population grecque.

Pratiquement personne ne croit que les mesures d'austérité sortiront la Grèce de la crise. L'affirmation répétée du gouvernement que l'unique alternative aux coupes sociales brutales est la faillite de l'Etat et un désastre économique n'a plus aucune impact parce que les mesures d'austérité actuelles sont déjà en train de produire une catastrophe.

« L'unique choix qui nous est permis c'est le choix entre différentes formes de mort, » a dit un manifestant d'une cinquantaine d'années à un journaliste.

Dix-huit mois d'austérité ont produit un déclin social sans précédent par temps de paix. Les salaires et les traitements du secteur privé ont baissé de 20 pour cent et dans le secteur public jusqu'à 50 pour cent. Plus d'un million de Grecs, un adulte sur cinq et un jeune sur deux, sont au chômage. Seuls un tiers d'entre eux touchent des allocations chômage qui vont maintenant passer de 460 euros (600 dollars) à 360 euros (470 dollars) par mois.

Le nouveau plan de rigueur adopté dimanche soir forcera la classe ouvrière et de vastes couches de la classe moyenne à engager une lutte à mort pour la survie. D'ici 2015, 150.000 fonctionnaires de plus seront licenciés et 11,4 milliards d'euros de plus seront soustraits au budget, entraînant encore plus de coupes dans les salaires du secteur public. Avec le prix des produits de base se situant au niveau de ceux de l'Europe de l'Ouest, survivre deviendra impossible pour beaucoup de personnes, notamment si elles doivent soutenir des membres de leur famille qui se trouvent dans la misère.

On n'a pas besoin d'être un mathématicien de génie pour voir que ces mesures ne résoudront pas la crise de la dette mais ne feront que l'aggraver. Tous les indicateurs économiques sont tournés vers le bas. L'économie s'est contractée de 7 pour cent l'année dernière et la production industrielle de 16 pour cent. Malgré une augmentation du taux de la TVA les recettes provenant de cette taxe ont chuté de 19 pour cent du fait que 60.000 entreprises, petites et familiales, ont fait faillite. On s'attend cette année à 50.000 faillites de plus.

Le budget gouvernemental est maintenant dans le noir si l'on ne tient pas compte du paiement des intérêts et du remboursement de la dette. Mais le niveau du service de la dette a augmenté l'année dernière, passant de 140 à 160 pour cent du produit intérieur brut.

Il est clair que le traitement de choc prescrit par la troïka à la Grèce et appliqué par le gouvernement grec ne vise pas à « sauver » le pays ou à rééquilibrer le budget. Son objectif est bien plutôt de servir d'exemple et d'intimider la classe ouvrière dans les autres pays européens, en indiquant une bonne fois pour toute où se trouve le véritable pouvoir.

Le caractère de classe des coupes ne pourrait être plus évident. Alors que les chômeurs et les travailleurs tant du secteur public que privé sont saignés à blanc, la riche élite du pays s'en tire indemne. Elle a depuis longtemps transféré son capital vers des marchés financiers et immobiliers à l'étranger.

Les mesures d'austérité grecques sont le fer de lance d'une offensive internationale menée par l'aristocratie financière et qui vise à décharger sur le dos de la classe ouvrière l'impact total de la crise financière de 2008 que cette même élite financière avait provoquée. Les revenus, les acquis sociaux du passé et les droits démocratiques des travailleurs subissent partout des attaques. Le gouvernement allemand, qui a adopté une attitude particulièrement arrogante envers la Grèce, traite avec la même arrogance les travailleurs sans emploi d'Allemagne et agira envers eux de façon encore plus impitoyable s'il réussit à le faire en Grèce.

La classe ouvrière grecque, qui a connu l'occupation nazie, la guerre civile et la dictature militaire, n'acceptera pas une nouvelle dictature du capital financier sans livrer bataille. Le mélange de désespoir et de colère qui s'est exprimé dimanche soir s'intensifiera inévitablement et s'orientera vers une révolution.

Les élections parlementaires prévues pour avril n'offrent aucune solution, et encore faudrait-il qu'elles se tiennent. Les deux partis qui soutiennent l'actuel gouvernement sont en train de se désagréger rapidement et ne seront guère en mesure de s'assurer un gouvernement majoritaire. Selon les derniers sondages, le parti social-démocrate PASOK, qui avait remporté les élections en 2009 avec 44 pour cent des voix, a dégringolé à 8 pour cent, et le parti conservateur Nouvelle Démocratie (Nea Dimokratia) se situe à environ 30 pour cent.

Les trois plus grandes organisations de « gauche » - la Gauche démocrate (DIMAR), la coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) et le Parti communiste stalinien (KKE) - dépassent actuellement tous ensemble dans les sondages 40 pour cent. Mais ces trois organisations ont une longue histoire de subordination à l'Etat bourgeois.

La Gauche démocrate défend l'Union européenne et a indiqué que certaines coupes sont inévitables et propose de transférer 60 pour cent de la dette grecque à l'UE. SYRIZA a  longtemps défendu le PASOK et réclame à présent une coopération de tous les partis de « gauche » lors des élections.

Le KKE fait campagne contre les mesures d'austérité et appelle à une séparation de l'UE, à une annulation unilatérale de la dette du pays, et même à « un pouvoir ouvrier et citoyen ». Mais, le parti n'a jamais rompu avec ses traditions staliniennes et, en temps de crise, a à maintes reprises promu le nationalisme, collaboré avec la classe dirigeante et trahi la classe ouvrière. En 1989, le KKE avait même formé un gouvernement de coalition avec le parti conservateur Nouvelle Démocratie.

Si certains de ces partis devaient entrer au gouvernement en avril, ils mettraient tout en oeuvre pour brider la classe ouvrière et l'empêcher de lutter. En paralysant la classe ouvrière, ils renforceraient l'extrême-droite qui tente d'exploiter la crise et d'ouvrir la voie à une prise de pouvoir de l'armée.

Un tel gouvernement de « gauche » serait comparable au gouvernement de Front populaire de Léon Blum qui était arrivé au pouvoir en 1936 en France sur une vague de luttes ouvrières, pour poignarder la classe ouvrière dans le dos durant la grève générale qui s'ensuivit. La trahison du Front populaire ouvrit la voie au retour au pouvoir de l'extrême droite. Quatre ans plus tard, ces forces droitières agirent selon leur slogan électoral « Mieux vaut Hitler que Blum » et mirent en place le régime autoritaire de Vichy qui collabora étroitement avec l'occupation nazie en France.

Pour lutter contre le programme d'austérité de la troïka, la classe ouvrière grecque a besoin d'un programme révolutionnaire indépendant et de nouvelles organisations qui se consacrent à la lutte plutôt qu'à la collaboration de classe. Lorsque le gouvernement et les partis le soutenant oeuvrent pour la destruction des moyens de subsistance de la population et détruisent les systèmes de santé et d'éducation, alors la classe ouvrière doit assumer elle-même la responsabilité de diriger le pays.

Des comités d'action doivent être mis en place sur les lieux de travail et dans les quartiers afin d'organiser la lutte contre les mesures d'austérité et pour préparer la défense de la classe ouvrière contre des attaques des fascistes et de l'armée. Les comités d'action doivent être indépendants de l'appareil syndical qui coopère avec l'Etat et les partis bourgeois dans le but de faire payer la crise à la classe ouvrière. De tels comités doivent coordonner leurs luttes au niveau national et établir le contact avec les travailleurs d'Espagne, du Portugal, de l'ensemble de l'Europe et du monde entier.

De tels comités peuvent jeter les bases d'un gouvernement ouvrier consacré à l'expropriation des banques et des grands groupes ainsi qu'à la réorganisation de l'économie sur une base socialiste, dans le but de satisfaire les besoins sociaux et non d'accroître la richesse d'une élite financière.

Une telle lutte ne peut être victorieuse qu'à l'échelle internationale. Il doit être mis un terme à l'Union européenne des banques et des grands groupes pour la remplacer par les Etats socialistes unis d'Europe. La condition préalable en est la construction d'une nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière. Tel est le programme pour lequel lutte le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections.

(Article original paru le 15 février 2012)

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