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Un mois de lock-out pour les travailleurs de Rio Tinto Alcan d'Alma

Par Laurent Lafrance
8 février 2012

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Cela fait maintenant plus d'un mois que les travailleurs de l'aluminerie Rio Tinto Alcan (RTA) d'Alma sont en lock-out après avoir rejeté massivement les offres patronales en décembre dernier, qui auraient donné à RTA plus de liberté dans la mise à pied de ses employés et carte blanche pour un recours accru à la sous-traitance.

Dès le début du conflit, la compagnie s'est fait accorder une injonction de la cour interdisant aux travailleurs en lock-out de bloquer l'accès à l'usine. Dans une tentative d'intimider les travailleurs, elle a récemment envoyé une mise en demeure aux syndiqués en soutenant que ses installations ferroviaires auraient fait l'objet d'actes de vandalisme.

RTA maintient que la production, réduite des deux-tiers depuis le début du conflit, est assurée par quelque 224 cadres en remplacement de 780 syndiqués. Ce ratio d'un cadre pour trois travailleurs est le signe clair d'un lock-out longuement planifié. Une enquête du ministère du Travail a aussi révélé que la compagnie a fait l'embauche d'un briseur de grève depuis le lock-out, en violation du Code du travail. Le syndicat maintient, quant à lui, qu'il y a d'autres cas de briseurs de grève à l'intérieur de l'usine d'Alma.

Il existe, au même moment, un fort soutien populaire pour les ouvriers de la fonderie, tel qu'en attestent les appuis non seulement d'autres syndicats de la région, mais aussi des travailleurs non-syndiqués de l'usine Rio Tinto de Grande Baie et des étudiants du Cégep de Saint-Félicien.

Les concessions exigées par l'aluminerie ne sont que le début de plus importantes coupes dans les salaires et conditions de travail dans les années à venir. Comme RTA est un des principaux employeurs dans la région, de telles mesures auront un impact majeur sur la communauté, ainsi que sur l'ensemble des travailleurs de la région.

Le conflit à Alma fait partie d'un assaut lancé par le premier producteur mondial d'aluminium sur les salaires et conditions de travail de ses employés à travers le monde. En 2010, Rio Tinto Borax avait mis en lock-out ses 570 miniers de Boron en Californie pendant trois mois et demi. Le contrat négocié entre les patrons et le syndicat contenait d'importantes concessions pour les travailleurs au niveau des salaires, des pensions et des conditions de travail.

Comme dans le conflit à Boron, la compagnie justifie ses demandes de concessions en raison de la grande compétitivité du marché mondial de l'aluminium et ce en dépit du fait qu'elle a empoché 16 milliards de dollars de profits en 2008, 14 milliards en 2010 et 7,5 milliards durant la première moitié de 2011 seulement.

Rio Tinto est reconnue pour ses attaques brutales sur les travailleurs. La compagnie a soutenu le dictateur Franco dans la guerre civile espagnole à la fin des années 30, et endossé d'autres régimes dictatoriaux, y compris ceux de Suharto en Indonésie et de Pinochet au Chili dans les années 60 et 70.

L'assaut frontal que mène RTA fait partie d'une série de récents conflits à travers le Canada où, dans le contexte de la crise économique mondiale, l'élite patronale cherche à maintenir ses profits en réduisant drastiquement les droits et acquis de la classe ouvrière.

Les 470 travailleurs de l'usine Electro-Motive Diesel (une filiale de Caterpillar) à London, en Ontario, ont été mis en lock-out pendant plus d'un mois après avoir rejeté  un contrat comprenant des baisses de salaire de 55 pour cent et l'élimination des pensions de retraite. Caterpillar a ensuite annoncé la fermeture de l'usine.

L'an dernier, le gouvernement fédéral conservateur de Stephen Harper est intervenu directement dans deux conflits majeurs pour imposer des coupes dans les salaires, les retraites et les conditions de travail chez Postes Canada, la plus grande société d'État, et chez Air Canada, le plus important transporteur aérien au pays.

Malgré la détermination des travailleurs d'Alma, ils restent isolés et désarmés politiquement par le syndicat des métallos. Loin de mobiliser les travailleurs de la région et de la province contre l'assaut patronal, le syndicat fait parader devant ses membres des représentants du NPD (Nouveau parti démocratique) et du PQ (Parti québécois), deux partis de l'establishment qui ont mené à la tête de gouvernements provinciaux les pires attaques contre la classe ouvrière. 

La direction syndicale est particulièrement proche du PQ et a invité deux de ses députés, Sylvain Gaudreault et Alexandre Cloutier, à s'adresser aux travailleurs en lock-out. Les députés péquistes ont feint l'outrage devant l'entente secrète qui aurait été conclue entre le gouvernement Charest et Rio Tinto lors de son acquisition d'Alcan en 2007. Le fait est que tous les gouvernements québécois, y compris ceux dirigés par le PQ, se sont montrés généreux envers les alumineries en leur accordant un tarif préférentiel sur le prix de l'électricité. 

Québec Solidaire (QS) est aussi intervenu dans ce conflit de travail aux côtés de la bureaucratie syndicale pour semer l'illusion que les travailleurs peuvent amener le gouvernement anti-ouvrier de Jean Charest à défendre leurs intérêts. Prenant la parole devant les travailleurs en lock-out à Alma, Amir Khadir, co-dirigeant de QS et député à l'Assemblée nationale, a appelé le gouvernement Charest à cesser de soutenir l'aluminerie en rachetant ses surplus d'électricité et à racheter l'usine si la compagnie continuait ses « pratiques abusives » à l'endroit des travailleurs.

Khadir a cité en exemple la participation financière du gouvernement péquiste au rachat de Vidéotron par le géant des médias Quebecor en février 2000. Mais il a passé sous silence le fait que Quebecor n'a pas tardé à décréter un lockout en 2002 pour imposer le transfert de 664 techniciens à un sous-traitant offrant des conditions de travail nettement inférieures. La perspective nationaliste mise de l'avant par Québec Solidaire vise en fait à bloquer toute lutte politique indépendante des travailleurs.

Le conflit à Alma fait partie d'un assaut de l'élite capitaliste sur l'ensemble des gains sociaux, comme les pensions et l'accès à l'éducation et aux soins de santé. Les travailleurs de RTA doivent saisir la direction de leur lutte pour empêcher le syndicat de les mener dans une impasse. Ils doivent construire des comités de travailleurs indépendants des syndicats et mener une offensive industrielle et politique de toute la classe ouvrière pour la défense des emplois, des salaires et des services publics.

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