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Un Echange sur la mondialisation

Cher Comité de rédaction du WSWS :

Le sujet de cette lettre est la mondialisation. Je suis entièrement d'accord avec la manière dont le WSWS l'analyse dans les articles de Nick Beams et dans l'article sur les manifestations contre le sommet du FEM à Melbourne. Libérer les forces productives des contraintes associées à l'état-nation représente un progrès historique.

Je me demande à quel niveau nous pouvons lutter contre l'appauvrissement et la polarisation que la mondialisation a produits et qu'elle continue de générer. La tâche, selon vous, est d'unir les travailleurs de tous les pays sur la base d'un programme socialiste; de réorganiser l'économie de sorte qu'elle puisse subvenir aux besoins humains, au lieu de servir le capitalisme. Vous rejetez les slogans simplistes et les campagnes militantes. Vous critiquez aussi l'opposition au "commerce équitable" ainsi qu'au "commerce libre".

Voici ce que j'en pense :

* Dans les perspectives du WSWS il y a une rupture entre les conditions telles qu'elles existent et le but final d'unir les travailleurs du monde.

* Entre le but final et les conditions existantes il faut qu'il y ait une voie qui, non seulement introduise la clarté théorique, mais qui, forcément, passe par des campagnes militantes. Celles-ci doivent se faire sur la base d'objectifs partiels corrects, non pas de slogans simplistes.

* La mondialisation est dirigée par le grand capital mondial pour son propre profit.

* Que faire jusqu'à ce que la classe ouvrière mondiale prenne le contrôle de la mondialisation?

* Il s'avère que la mondialisation fait baisser le niveau de vie des travailleurs à travers le monde, en déplaçant la production vers des pays à bas salaires. Déjà, on voit le travail se déplacer de pays à bas salaires vers des pays à salaires encore plus bas. Dans ces pays, les travailleurs n'ont pas les droits les plus basiques tels que les soins médicaux, l'éducation, le logement et la sécurité du travail. Dans ces conditions, que peuvent faire les travailleurs qui luttèrent pour des acquis que maintenant on supprime? Il ne me semble pas incorrect de poser le "commerce équitable" comme alternative au "commerce libre", en luttant contre l'importation de produits en provenance de pays où les travailleurs ne reçoivent pas un minimum de droits, par exemple. Je donne pour exemple, ce qui s'est passé aux US contre les fabriquants de chaussures de sport. (Reebok et Nike, je crois). Suite à la pression des consommateurs ils ont dû accepter de ne pas utiliser des sous-traitants qui pratiquent la surexploitation des travailleurs. Une stratégie politique basée sur cette idée non seulement freinerait la baisse des niveaux de vie de tous les travailleurs vers des niveaux extrêmement bas, elle serait en plus un mécanisme à travers lequel les travailleurs des pays développés (et moins développés, comme l'Argentine) pourraient défendre les droits des travailleurs exploités à outrance dans ces pays que le grand capital choisit pour faire baisser les coûts de production.

Cordialement,
HL
Buenos Ayres, Argentine.

 

Cher HL,

Merci pour votre lettre sur la mondialisation, qui soulève des questions importantes. Désolé du retard de la réponse.

Vous commencez en exprimant votre accord avec l'analyse faite par le WSWS sur la mondialisation et le fait que "libérer les forces productives des contraintes associées à l'état-nation représente un progrès historique". Puisque vous avez pris cette position, je pense qu'il est nécessaire d'aller jusqu'au bout de ces idées.

Si je dis cela c'est parce qu'il y a une longue histoire de diverses tendances politiques qui ont proclamé leur adhésion à l'internationalisme, pour ensuite abandonner cette perspective dans la pratique, en formulant différentes revendications et programmes qui reposent sur l'état-nation avec pour raison que c'est la seule base "réaliste" pour mener une lutte politique.

Dans la proposition des perspectives du Comité International publiée en 1988, nous avons insisté sur le fait que c'est "depuis longtemps un fondement du marxisme d'affirmer que ce n'est que dans sa forme que la lutte des classe est nationale, mais qu'elle est essentiellement internationale. Cependant, compte tenu des nouveaux éléments de l'évolution capitaliste, même la forme de la lutte des classes doit adopter un caractère international. Même les luttes les plus élémentaires de la classe ouvrière soulèvent la nécessité de la coordination de ses actions à une échelle internationale.' Tous les développements de l'économie mondiale capitaliste ont souligné la justesse de cette analyse de base.

Vous avez raison de soulever la nécessité de trouver un moyen pour relier les luttes qui confrontent la classe ouvrière. Ces luttes proviennent de la mondialisation de la production qui est utilisée par la classe capitaliste pour attaquer la position sociale de la classe ouvrière. Le but de ces luttes est d'unir la classe ouvrière à l'échelle internationale. Mais un tel moyen ou programme ne peut faire avancer les intérêts de la classe ouvrière s'il ne se base pas sur une stratégie internationale qui vise à renverser le système d'état-nation et à réorganiser l'économie mondiale pour subvenir au besoin humain, et non pour faire du profit. En élaborant ce programme il faut avant tout s'opposer à ce type d'argument opportuniste qui, tout en revendiquant un accord verbal avec l'internationalisme, affirme néanmoins qu'au nom du "réalisme" ou de résultats immédiats, il est nécessaire de lutter dans le cadre de l'état-nation.

Comme vous le savez sans doute, la Quatrième Internationale s'est toujours préoccupée du développement d'un programme pour guider la classe ouvrière de ses luttes immédiates vers la perspective du socialisme. Dans le document fondateur de notre mouvement , Trotsky a écrit : "Il est toujours nécessaire d'aider les masses au cours de la lutte quotidienne à trouver un pont entre les revendications actuelles et le programme socialiste de la révolution. Ce pont devrait inclure un système de revendications transitoires, qui part des condition actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et qui mène inéluctablement à une seule conclusion finale : la prise du pouvoir par le prolétariat."

On peut dire sans se tromper que la question des revendications transitoires est certainement l'élément de l'héritage théorique et politique de Léon Trotsky ayant fait l'objet des plus grandes attaques de la part des tendances politiques opportunistes. Le but de ces revendications doit être de combler l'écart entre la maturité de la situation objective - nécessité objective du socialisme qui surgit de la mondialisation de la production capitaliste elle-même - et la confusion et l'immaturité de la conscience de la classe ouvrière.

"C'est pour cette raison-même", comme nous l'avons expliqué dans notre proposition de perspectives de 1988, " que faire des revendications transitoires ne doit jamais être présenté en opposition à la perspective du socialisme sur laquelle elles sont basées, ni détachées de cette perspective. Une des trahisons des pablistes, et non des moindres, a été leur acharnement à transformer Le Programme de Transition en un livre de recettes pour l'adaptation opportuniste et la politique d'évitement centriste ; c'est à dire, en arrachant des demandes isolées de leur authentique contexte révolutionnaire et en suggérant qu'elles soient présentées à la classe ouvrière comme substitut à un authentique programme révolutionnaire. Selon les adeptes de cette méthode révisionniste, les revendications transitoires sont un moyen pour s'adapter au manque de conscience politique des masses plutôt que de le combattre. En fait, les adeptes de cette position nient la nécessité d'une lutte franche pour une conscience socialiste dans la classe ouvrière. Il n'est pas nécessaire, affirment-ils, d'alimenter patiemment le mouvement ouvrier des riches fruits de la culture marxiste. Au contraire, il suffit de servir quelques simples revendications soi-disant susceptibles de séduire les masses et de les conduire à la révolution socialiste sans même qu'elles soient conscientes de leur destination finale."

Me basant sur ces considérations permettez-moi de me pencher sur les points spécifiques que vous soulevez. Vous demandez : "Que faire jusqu'à ce que la classe ouvrière prenne le contrôle de la mondialisation?" Tout d'abord il faut comprendre que la possibilité pour la classe ouvrière de prendre le contrôle de la mondialisation et des forces productives dépend de ce que nous faisons pour développer une culture et une perspective socialistes dans le mouvement ouvrier international.

L'incapacité de la classe ouvrière aujourd'hui à mettre en avant une perspective pour défendre même ses conditions les plus basiques est liée à la destruction de la culture et de la perspective socialistes sur lesquelles le mouvement ouvrier se basait par le passé.

La tâche centrale donc - et ceci est la perspective sur laquelle le WSWS se base - est la restitution d'une conscience socialiste dans la classe ouvrière. Ceci implique par-dessus tout de développer une compréhension et une évaluation du vingtième siècle et des tendances politiques qui ont dominé le mouvement ouvrier pendant cette période.

Ceci implique le développement d'une conscience politique dans la classe ouvrière,( d'abord parmi les couches les plus avancées, et à travers elles, des couches plus larges) des raisons pour lesquelles le stalinisme et les différents partis communistes ne représentèrent pas le socialisme mais plutôt son antithèse, les mouvements nationalistes tels que le castrisme, le maoisme et les formes variées du guérrillérisme ne représentèrent pas les intérêts de la classe ouvrière, mais plutôt les intérêts de sections de la bourgeoisie. Conscience aussi du fait que les différentes tendances opportunistes, dont le morénisme en Argentine, qui émergèrent au sein de la Quatrième Internationale jouèrent un rôle clé pour maintenir la bourgeoisie au pouvoir depuis la guerre.

Avant tout, il faut faire prendre conscience à la classe ouvrière que la dégénérescence de ses directions - du développement de l'opportunisme dans la social-démocratie allemande, à l'émergence du stalinisme et sa théorie du socialisme dans un seul pays et de voies nationales vers le socialisme, jusqu'à la naissance de différentes tendances pablistes au sein de la Quatrième Internationale - va de pair avec le remplacement par un programme nationaliste de la perspective internationaliste, remplacement le plus souvent justifié par l'argument selon lequel c'est 'l'unique approche réaliste'. Les fruits de ce "réalisme" sont la crise idéologique et politique que connaît la classe ouvrière à l'échelle internationale.

La tâche centrale est donc la restitution d'une perspective socialiste dans la classe ouvrière, ce qui n'implique rien de moins qu'une évaluation historique concrète des expériences du vingtième siècle. Sans cette évaluation, la classe ouvrière est à vrai dire pareille à une personne souffrant d'amnésie: elle n'a aucune conscience de son passé, ni du chemin à suivre.

Permettez-moi de souligner ce point : sans la renaissance d'une perspective socialiste, on ne peut pas parler de prise de contrôle par la classe ouvrière de la mondialisation, c'est à dire prise du pouvoir, et il ne peut y avoir non plus de lutte sérieusement menée par la classe ouvrière pour défendre le plus petit de ses acquis.

Les différentes luttes de la classe ouvrière soulèveront toutes sortes de revendications partielles. Mais chacune de ces revendications, et les tactiques utilisées pour combattre, doivent être évaluées du point de vue suivant : est-ce qu'elles favorisent ou est-ce qu'elles défavorisent le développement d'une vision internationaliste dans la classe ouvrière?

C'est de ce point de vue que nous devons évaluer la soi-disant campagne pour "le commerce équitable". A ce sujet vous écrivez : "Il ne me semble pas incorrect de poser le "commerce équitable" comme alternative au "commerce libre", en luttant contre l'importation de produits en provenance de pays où les travailleurs ne reçoivent pas un minimum de droits, par exemple". Pour étayer cet argument vous affirmez qu'une pression dans cette optique aux USA a conduit à une amélioration des conditions de travail chez Nike et vous appelez à ce que ceci devienne une "stratégie politique".

Permettez-moi de suivre la logique de votre argument et de voir où mènerait cette stratégie. Les travailleurs aux Etats Unis devraient mener une campagne contre l'importation de marchandises de pays à bas salaires, tels que l'Argentine ou d'autres pays. Les travailleurs argentins devraient, on suppose, lutter contre l'importation de marchandises en provenance de pays à salaires encore plus bas tels que le Sri Lanka ou l'Indonésie, par exemple. Les travailleurs de l'Indonésie et du Sri Lanka à leur tour devrait exiger une campagne contre l'importation de marchandises du Vietnam ou de la Chine, etc, etc. Et la liste de marchandises affectées par de telles interdictions et proscriptions ne devrait pas être limitée à des chaussures et à des textiles. Après tout, des pièces de presque toutes les marchandises - avions Boeing, automobiles en acier, et ordinateurs - sont fabriquées dans des pays à bas salaires où les travailleurs sont dépourvus à de différents degrés de leurs droits démocratiques basiques.

La logique politique inexorable du programme du "commerce équitable" est de diviser la classe ouvrière selon des divisions nationales. Au lieu d'unir les travailleurs dans une lutte commune contre les corporations transnationales, elle cherche à les lier à leur propre état-nation. Et ce faisant elle les aligne avec les forces les plus réactionnaires de droite. L'expérience de la manifestation contre le FMI à Washington en est un exemple.

La manifestation était dominée par le programme nationaliste de la bureaucratie syndicale de l'AFL-CIO qui s'opposait à la réduction de barrières tarifaires sur des marchandises d'Afrique et qui s'oppose à la normalisation de relations commerciales avec la Chine. La direction de l'AFL-CIO a tenté de présenter sa politique comme une campagne progressiste de défense des conditions de travail et des droits des travailleurs du soi-disant tiers monde. En réalité, la direction syndicale fait campagne pour des sections de l'industrie américaine qui trouvent impossible de concurrencer ces pays et promeut les personnages les plus réactionnaires comme Patrick Buchanan.

Fait significatif, un porte-parole du United Students Against Sweatshops (Etudiants Unis contre la surexploitation) a pris la parole lors du rassemblement anti-Chine de l'AFL-CIO. Comme le WSWS l'a signalé à l'époque ; "Soit par opportunisme soit par naïveté , ces étudiants s'alignent avec l'une des forces politiques les plus réactionnaires de l'Amérique." Comment se fait-il qu'une organisation d'étudiants, qui se dit concernée par la surexploitation des travailleurs, se retrouve dans le camp de la bureaucratie syndicale et du fasciste américain Buchanan? Une telle évolution est la conséquence inéluctable d'un programme politique axé sur les restrictions commerciales pour imposer le "commerce équitable". Et les conséquences d'une telle politique ne sont pas moins réactionnaires suivant les pays où elle est appliquée.

La faille fondamentale de votre approche à la formulation de revendications partielles est que votre point de départ est le cadre de l'état-nation. Mais une réalité sociale dominante - la mondialisation du processus de production lui-même - rend cette forme d'organisation de plus en plus anachronique.

Si l'on commence par accepter l'état-nation comme une donnée - et de ce fait on accepte la division des travailleurs nationalement - alors il est impossible de réaliser l'unification de la classe ouvrière qu'exige la lutte pour une perspective socialiste.

Cependant, l'évolution même de la production mondiale transnationale indique la façon dont une telle lutte pourrait être menée. Pourquoi est-ce que les travailleurs d'un pays, au lieu de revendiquer la restriction d'importations en provenance d'un autre pays, n'organiseraient pas des campagnes de soutien aux travailleurs d'autres branches d'une même société transnationale ?

Bien sûr, de telles luttes ne seront jamais organisées par les syndicats, qui, du fait de leur programme nationaliste et leur défense du système capitaliste dans tous les pays, sont foncièrement incapables de développer une politique authentiquement internationaliste. La tâche d'organiser les luttes de la classe ouvrière au-delà des frontières nationales pose certes de nouvelles tâches et de nouveaux défis - dont on ne trouvera les réponses que dans l'expérience des luttes. Mais on peut assurément affirmer une chose d'emblée : on ne peut aborder ces nouvelles tâches que par la construction d'une direction révolutionnaire internationale qui propose un programme pour le renversement du système capitaliste de production.

Ceci m'amène au dernier point et peut-être le plus important. Il me semble que vous avez une vision trop étroite de l'impact de la mondialisation. La mondialisation ne signifie pas seulement que les sociétés transnationales peuvent déplacer leurs activités pour imposer une dégradation des salaires et des conditions de la classe ouvrière. Elle a un impact beaucoup plus large. Elle crée une immense crise politique pour la bourgeoisie. L'avènement même de la production transnationale, l'avènement d'un système financier international vraiment mondial, qui pose ses exigences dans tout pays, a miné les institutions politiques par lesquelles la bourgeoisie, tant dans les pays capitalistes développés que dans le soi-disant Tiers Monde, a régulé la lutte des classes durant les cinquante dernières années.

Ceci a des implications décisives sur l'évolution de la lutte pour le socialisme. Il est erroné et complètement réducteur de concevoir la lutte pour le socialisme comme une extension des revendications économiques de la classe ouvrière, comme si la lutte pour le pouvoir politique émergeait en quelque sorte de la lutte pour les salaires, les conditions et les revendications immédiates.

L'histoire elle-même révèle que le développement de la révolution socialiste surgit des grandes évolutions et crises politiques au sein desquelles le mécontentement au sujet des salaires, des conditions de travail, des droits démocratiques commence à se manifester. La Révolution Russe ne surgit pas des luttes salariales de la classe ouvrière russe, mais de la crise politique du régime tsariste. De la même façon les situations révolutionnaires qui se produisirent en Allemagne en 1919 et en 1923 surgirent d'une crise politique. La Guerre Civile Espagnole surgit non pas de revendications salariales ou autres mais de la rebellion organisée par les forces armées sous Franco.

Aujourd'hui la mondialisation de la production a crée les conditions où de nouveau seront à l'ordre du jour de grands conflits politiques, dans lesquels les grandes masses s'engageront directement dans des luttes pour le contrôle de la société et de la production et la distribution des richesses économiques.

Il y a dix ans, la chute de l'Union Soviétique et des régimes staliniens de l'Europe de l'est fut accueillie par des déclarations triomphales de la part des représentants politiques de la bourgeoisie pour qui ces événements représentaient la victoire finale du capitalisme, la mort du socialisme et même la fin de l'histoire.

Le Comité International de la Quatrième Internationale expliqua que la fin des régimes staliniens ne signifiait pas la fin du socialisme - ces états bureaucratiques n'étant même pas socialistes - mais était plutôt la manifestation initiale de l'impact du système naissant de production mondialisée sur les structures politiques, structures politiques sur lesquelles s'était basée la domination bourgeoise de l'après-guerre. D'autres manifestations apparaîtraient bientôt ailleurs.

Ces prédictions ont été confirmées. La crise asiatique de 1997-98 - crise non pas uniquement de l'Asie mais du capitalisme mondial - a vu la chute du régime de Suharto, en place depuis trente ans en Indonésie, le quatrième pays du monde de par sa population.

En Europe la production mondialisée a éclaté les vieilles structures politiques. Les partis qui jadis étaient sur le devant de la scène ne jouissent plus du soutien qu'ils avaient par le passé et nous assistons à la réapparition de partis et de tendances politiques fascistes.

Et maintenant aux Etats Unis - depuis si longtemps considéré comme une sorte de trou perdu politique irrécupérable par les radicaux de tout poil (surtout en Amérique Latine) et n'offrant aucune possibilité de lutte pour le socialisme - nous assistons à une crise politique majeure au sujet des élections présidentielles, juste deux ans après la première tentative de destitution d'un président démocratiquement élu.

L'avenir nous réserve bien d'autres chocs et surprises, surtout dans une situation où tout indique une crise financière majeure aux Etats Unis et la perspective d'une récession.

Considérant que nous n'en sommes qu'au commencement, il y a pourtant des leçons politiques que nous pouvons tirer en ce qui concerne le développement d'un mouvement politique de masse de la classe ouvrière.

Une de ces leçons c'est que la lutte pour la démocratie va jouer un rôle décisif dans la politisation de la classe ouvrière. Voyons la situation aux Etats Unis. Ces deux dernières années nous avons vu une tentative de coup d'état constitutionnel, suivie d'une tentative de voler une élection. Les vieilles structures politiques dans le cadre desquelles la bourgeoisie a pu dominer par le passé sont de moins en moins capables de contenir les tensions sociales que les vastes évolutions de l'économie américaine ont généré du fait de la mondialisation. Derrière le Parti Républicain on trouve les sections les plus impitoyables de la bourgeoisie qui exigent qu'aucune entrave ne bloque leur enrichissement. Quelle que soit l'issue de la crise actuelle, il deviendra de plus en plus évident à de larges sections de la classe ouvrière qu'il est absolument impossible de défendre ses droits démocratiques dans le cadre du libéralisme usé et mou du Parti Démocrate. Autrement dit, le décor est planté pour une radicalisation politique de la classe ouvrière américaine.

Ces questions ont une signification plus large. La mondialisation de la production et la domination du capital mondial ont soulevé les mêmes questions partout. Sous les conditions qui régnaient par le passé, où les processus économiques étaient sujets à une certaine réglementation, les classes dominantes pouvaient faire certaines concessions aux aspirations démocratiques des masses. Ce n'est plus le cas. Partout, du fait de la pression de la concurrence internationale, le capital mondial exige que les meilleures conditions soient créées pour l'extraction du profit.

Aux Etats Unis, par exemple, même la revendication d'un décompte juste des voix aux élections présidentielles soulève de vastes questions politiques dans des conditions où quasiment tous les porte-paroles de la bourgeoisie demandent que ce droit élémentaire soit écarté pour assurer l'installation de Bush.

Ces événements révèlent que la domination du capital mondial devient de moins en moins compatible même avec les formes démocratiques par lesquelles la bourgeoisie a régné par le passé. Ceci signifie que les luttes à venir aux Etats Unis, et internationalement, vont révéler avec une clarté grandissante que la défense de la démocratie ne peut être entreprise d'une façon sérieuse sans confronter les questions économiques et sociales fondamentales ; c'est à dire qu'il ne peut pas y avoir de démocratie authentique dans une société où les richesses et le pouvoir se concentrent de plus en plus entre les mains d'une infime élite.

Comme je l'ai signalé plus haut, notre mouvement a toujours insisté sur le besoin de développer un pont qui consiste en un programme de revendications transitoires émergeant des conditions actuelles et menant à la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Les expériences et les programmes du passé fournissent les grandes lignes, mais seulement les grandes lignes. Un programme pour les nouvelles tâches et nouveaux défis que l'histoire a mis à l'ordre du jour nécessite par-dessus tout une analyse complète des évolutions de la situation politique et économique. Le développement d'une telle analyse est au coeur même du travail du WSWS et fournira dans la période à venir la base d'une série de revendications partielles et intermédiaires autour desquelles s'organiseront de plus en plus les luttes de la classe ouvrière internationale.

Mais un tel programme et de telles revendications doivent se baser sur la conscience que la contradiction fondamentale de notre époque est celle qui existe entre le développement de l'économie mondiale d'un côté, et de l'autre le système dépassé d'états-nations ainsi que toutes les structures politiques qui reposent dessus. Voilà pourquoi nous rejetons tout programme, tel que l'appel au "commerce équitable" ou aux restrictions d'importations, qui, quelles que soient les motivations de ceux qui les prônent, divisent les travailleurs selon leur nation.

Cordialement,

Nick Beams.

 

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