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Un portrait très émouvant de l'effondrement de la RDA

Good Bye Lenin - un film de Wolfgang Becker

Par Richard Tyler
Le 4 septembre 2003

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Good Bye Lenin est un mélange réussi de comédie et de tragédie, de déception et de joie, de désespoir et d'espoir. Sur fond d'effondrement du Mur de Berlin, le film tire une grande partie de son humour du discours de la République démocratique allemande (qui disparaît rapidement) ainsi que de la façon de vivre de ses habitants. Cependant, ce film est surtout l'histoire des liens affectifs unissant les parents et les enfants - et dans ce cas particulier, l'amour d'un fils pour sa mère, en train de vivre ses derniers jours.

L'histoire se déroule pendant l'année qui a suivi l'effondrement du Mur de Berlin en novembre 1989. Alexander Kerner, 20 ans, (re)construit la RDA dans une chambre du modeste appartement familial de Berlin Est.

Sa mère a subi une attaque cardiaque huit mois auparavant et se trouve dans le coma sur son lit d'hôpital, elle ne sait rien des événements tumultueux des années 1989-1990. Au moment où elle est dans le coma, le pays qu'elle a connu toute sa vie est en train de se faire absorber par l'Allemagne de l'Ouest.

Quand elle sort de son coma, le pronostic n'est pas rassurant. Selon, les médecins, il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Alex apprend qu'il faut éviter à sa mère la moindre émotion, ce qui pourrait la tuer. Alex décide qu'il serait préférable de la tenir dans l'ignorance de la disparition de la RDA. Mais comme tous les mensonges, plus ceux-ci durent dans le temps, plus ils sont difficiles à perpétuer.

Les personnages principaux sont présentés de façon très sensible. À plusieurs moments la mère est présentée comme une « communiste pure et dure » ou plus exactement un soutien infaillible du régime stalinien de Berlin Est. Rien n'est plus éloigné de la vérité et le film ne serait pas aussi comique, ni ne provoquerait une réaction aussi enthousiaste du public, si cela était le cas.

Dans une interview donnée sur le site web de Good Bye Lenin (http://www.good-bye-lenin.de), Katrine Sass qui joue le rôle de Christiane Kerner, la mère, dit que le personnage qu'elle incarne « n'est certainement pas une camarade bornée. On peut par contre comprendre la bivalence de son comportement : d'une part elle croit au socialisme et d'autre part, elle critique à sa manière le système.

Dans une autre scène, l'ancien directeur de Christiane la présente comme étant « trop idéaliste. » Dans le jargon de la RDA, cela signifiait que quelqu'un n'était pas prêt à avaler le discours officiel du parti.

Dans les années 70, après la fuite de son mari à l'ouest, Christiane sombre dans une dépression nerveuse. Dans une scène, à laquelle il est fait plus tard référence dans le film, Alex rend visite à sa mère hospitalisée et prostrée en suppliant : « Reviens, maman, tu nous manques. »

A son retour à la maison et après sa dépression, Alex, en voix off, rappelle qu'ils ne parlent plus du tout de leur père. Sur un ton clairement ironique, il affirme « maman avait maintenant épousé notre patrie. Ce qui signifiait qu'elle avait plus de temps pour nous » - Alex et sa sur aînée Ariane. Tout en se consacrant à ses propres enfants et aux « pionniers » (une organisation d'enfants), Christiane écrit des lettres critiques pour ses amis et ses collègues pour déplorer la mauvaise qualité des produits est-allemands.

L'action se transporte en octobre 1989, au moment des festivités qui se tiennent à Berlin-Est afin de célébrer le quarantième anniversaire de la RDA. Christiane a été invitée aux cérémonies officielles et dit que cela ne lui pose aucun problème d'aller « voir Gorbi » (Gorbatchev). Alex est très sceptique face à l'enthousiasme de sa mère et il dit que ce sera toujours les mêmes visages. En colère, sa mère lui répond : « Que comptes-tu faire ? T'enfuir ? - sous-entendu à l'ouest »

Un peu par hasard, Alex se trouve dans une manifestation contre le régime. Les manifestants crient : « Liberté de la presse », « Gorbi » et « Non à la violence ». Alors qu'elle se rend aux cérémonies, Christiane assiste à la répression violente de la Stasi (la police secrète de l'ex-RDA) contre les manifestants. Très étonnée, elle crie « Arrêtez ». Quand elle voit qu'Alex est arrêté, elle s'évanouit.

Le subterfuge qu'Alex décide de jouer à sa mère laisse une impression tour à tour amusante, tour à tour pathétique.

Couchée sur son vieux lit, Christiane est entourée des meubles « est-allemands » récupérés dans une décharge. Comme de nombreux Allemands de l'Est, une des premières actions d'Alex et de sa sur a été de se débarrasser de leurs vieux meubles pour les remplacer par des meubles ouest-allemands, à leurs yeux beaucoup plus jolis. Avec les meubles, ils se débarrassent de leurs vêtements « est-allemands ». Mais à présent, ils doivent porter leurs anciens vêtements à chaque fois qu'ils entrent dans la chambre de leur mère.

Un jour, Christiane demande à Alex des cornichons du Spreewald, ses préférés. Malheureusement, les magasins se sont également débarrassé de tous leurs produits est-allemands. Quand il fait le tour du magasin, Alex peut voir des quantités de conserves importées de Hollande. Pour faire plaisir à sa mère, Alex va fouiller les poubelles de son immeuble, à la recherche de bocaux de cornichons du Spreewald vides qu'il compte remplir pour les faire passer pour des produits est-allemands. Un de ses voisins, Herr Ganske, voyant Alex fouiller les poubelles s'exclame : « Voilà à quoi ils nous ont réduits. »

Un des éléments particulièrement amusants du film, c'est la conception d'émissions factices de télévision, inventées par Alex et par son nouveau collègue et ami Denis, et destinées à masquer les vrais raisons des événements déroutants auxquels Christiane assiste. Quand, par exemple, elle remarque un immense panneau Coca Cola déployé sur un des immeubles voisins. L'émission factice de télévision imite très bien le style et le discours de l'ancienne émission d'actualités est-allemandes Aktuelle Kamera.

Dans cette émission factice, Alex et Denis font croire que Coca Cola ­ introuvable en Allemagne de l'Est ­ reconnaît avoir copié la recette de cette boisson sur une boisson est-allemande ! Mais Alex doit changer de sujet rapidement quand sa mère demande : « Coca Cola n'a-t-il pas été inventé avant la guerre ? » découvrant ainsi le pot aux roses.

Au lieu d'aligner une suite de blagues sur les « ossis » (terme argotique pour désigner les Allemands de l'Est) ou de tomber dans l'humour facile, le film est honnête, laissant l'humour se développer à partir du dilemme dans lequel se trouvent Alex et les autres personnages quand ils essaient de maintenir leur RDA factice en vie. Le film est d'autant plus fort que l'humour n'est pas sur le dos des « ossis ». Les « wessis » (Allemands de l'Ouest) et leur société font également les frais d'une critique humoristique.

La sur d'Alex, Ariane, quitte l'université pour travailler dans un restaurant Burger King à Berlin-Ouest. A présent, au lieu d'étudier pour sa licence, on lui apprend à dire au revoir aux clients tout en disant avec un sourire chaleureux « Merci d'avoir choisi Burger King ! » Elle répète cette phrase comme un perroquet, même quand elle comprend tout d'un coup que le client qui vient d'emporter ses hamburgers n'est autre que son père qu'elle n'a pas revu depuis longtemps.

Au fur et à mesure de la supercherie, Alex découvre que « La RDA que j'inventais pour ma mère ressemblait plus à la RDA dont j'avais rêvé. » Afin de justifier l'apparition de tant d'Allemands de l'Ouest devant leur immeuble, Alex et Denis inventent une nouvelle émission de télévision où il est expliqué que les nouveaux arrivants se réfugient en RDA parce qu'ils fuient la montée des partis néo-nazis dans leur pays.

Finalement, Alex décide de mettre fin à cette mascarade et célèbre « dignement » la fin de sa version de la RDA.

Quand il était enfant, le héro d'Alex était le cosmonaute Sigmund Jähn, le premier Allemand de l'est à aller dans l'espace pour une mission commune avec l'Union soviétique. Alex imagine que le fait d'être dans l'espace, regardant la terre d'en haut, permet de comprendre la vanité des divisions nationales et plus particulièrement celle de vouloir préserver « un petit pays ».

Ceci engendre une des scènes les plus touchantes du film. Christiane est sur son lit de mort et Alex, espérant lui faire une dernière fois plaisir, fait une dernière mise en scène ­ une émission factice au cours de laquelle Jähn, devenu le nouveau président de la RDA, s'adresse à ses concitoyens « Le socialisme ce n'est pas s'emmurer, mais c'est aller à la rencontre des autres. C'est pour cela que je décide d'ouvrir les frontières de notre pays. Il est possible que ceux qui viennent chez nous désirent rester s'ils veulent trouver une alternative au capitalisme, à la société de consommation ou à la compétition exacerbée de l'Ouest.

Le film a remporté un énorme succès en Allemagne. Cette année, il a remporté neuf prix au Festival du Cinéma Allemand, y compris celui du meilleur film, de la meilleure mise en scène. Daniel Brühl (qui joue le rôle d'Alex) a remporté le prix du meilleur acteur. Le film a obtenu aussi deux récompenses attribuées par le public ­ celle du meilleur film allemand et celle du meilleur acteur pour 2003 (également attribué à Brühl). Le succès populaire a été énorme aussi bien en Allemagne de l'Ouest que de l'Est. Six millions de personnes ont vu le film.

Comment peut-on expliquer ce succès ?

Même si l'histoire se déroule sur le fonds des événements les plus tumultueux de l'histoire allemande récente ­ et ceci produit les éléments les plus comiques ­ l'histoire est surtout une histoire très humaine.

Les spectateurs peuvent participer au dilemme d'Alex : sa mère est gravement malade, et elle risque de mourir si elle subit le moindre choc. Face à cette situation quel enfant ne ferait pas tout ce qu'il ou elle peut pour s'occuper de sa mère ? La comédie qui découle du subterfuge d'Alex contraste continuellement avec la tragédie de l'état de sa mère.

À mon avis, ce qui rend le film encore plus intéressant c'est l'image de la société est-allemande donnée par chaque personnage. Cette vision n'est pas simplement manichéenne : l'Ouest représente le bien, l'Est représente le mal.

Il est certain que le film se moque de la RDA, mais les gens qui vivaient sous le régime stalinien de Berlin-Est sont montrés comme des personnalités complexes. Christiane croit au socialisme ­ pour elle c'est prendre la défense des petites gens, c'est rendre meilleure la vie des gens ordinaires et des enfants en particulier ­ mais elle est très loin de suivre aveuglément les consignes des bureaucrates. Son ancien patron, qui a sombré dans l'alcoolisme quand il a perdu son travail, dit à Alex « Nous étions tous des gens de valeur.»

Alex montre certains traits de caractère d'un jeune de vingt ans. Il est inquiet sur son avenir, ou mal à l'aise sur le fait de devenir un adulte, il cherche son premier vrai amour. Après avoir pris quelque distance par rapport aux idéaux de sa mère, il finit par apprécier ces idéaux quand il crée sa propre version du pays dans lequel il a vécu et dont il réalise la disparition.

Les personnages secondaires enrichissent également le film par les nuances qu'ils apportent à l'histoire. C'est le cas du père d'Alex et d'Ariane, dont ils pensaient qu'il s'était enfui à l'Ouest. Quand Alex va chez lui, pour lui dire que Christiane est mourante, on voit sa maison cossue de Berlin-Ouest. Alex trouve ses demi-frère et sur qui regardent « Der Sandmann », une émission pour enfants de la télévision est-allemande qu'il aimait regarder lui-même quand il était enfant.

Le metteur en scène Wolfgang Becker et le scénariste Bernd Lichtenberg sont tous deux nés en Allemagne de l'Ouest. C'est à leur honneur d'avoir été capable d'inventer une histoire se déroulant en Allemagne de l'Est et qui est amusante tout en étant émouvante, sans tomber dans la caricature simpliste ou dans un mélodrame excessif.




 

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