wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Cent ans depuis l'annus mirabilis d'Albert Einstein

Troisième partie

Par Peter Symonds
Le 13 juillet 2005

Utilisez cette version pour imprimer

Voici la troisième partie d'une série de quatre sur les découvertes scientifiques d'Einstein. La première partie fut publiée le 7 octobre et la deuxième partie le 11 octobre. Une quatrième et dernière partie sera publiée sous peu.

Toutefois, Einstein était influencé par la critique de Mach sur la mécanique newtonienne, celle-ci étant fondée sur l'hypothèse d'un système de référence absolu, c'est-à-dire un temps et un espace absolus. La nécessité d'un système de référence émerge de la nature du mouvement lui-même : un objet est dit en mouvement par rapport à quelque chose d'autre. Mesurer la vitesse demande la mesure de la distance parcourue et du temps employé. Les deux mesures demande non seulement des outils pour mesurer, mais aussi un point de départ-un temps zéro et une position à partir de laquelle on peut mesurer la distance. Newton a postulé un temps absolu et un espace absolu comme le point de référence de tout mouvement.

C'est aussi par rapport à un système de référence absolu de Newton que le caractère du mouvement est déterminé. Les lois simples s'appliquent au mouvement constant sur une ligne droite (un système de référence inertiel). Des considérations plus complexes sont requises pour analyser des systèmes non-inertiels, c'est-à-dire ceux qui sont accélérés, qui subissent un changement de vitesse ou de direction. Comment peut-on dire si un objet était en train de tourner sur lui-même, d'accélérer ou de ralentir sans avoir de système de référence absolu avec lequel comparer le mouvement de l'objet?

La mécanique newtonienne avait son propre principe de relativité : pour tous les systèmes inertiels, les lois du mouvement sont les mêmes. Tous ceux qui ont déjà été assis dans un train et qui ont regardé un autre train partir ont une idée de ce que cela veut dire. Il y a un moment d'inconfort pendant que notre cerveau travaille : Est-ce que c'est mon train qui bouge ou est-ce que c'est l'autre ? Ensuite, nous détectons des indices rassurants: les wagons ne s'entrechoquent pas et notre wagon n'oscille pas. Mais, supposons que le train dans lequel vous êtes assis a des vitres teintées et qu'il voyage sur des voies anti-vibrations. Comment pouvez-vous dire si vous êtes en train ou non d'avancer? Le principe de la relativité stipule qu'il n'y a pas de test ou d'expérience qu'on puisse faire qui déterminera si le train est en train d'avancer (à une vitesse constante) ou s'il est plutôt au repos.

Mach arguait que si tel était le cas, alors on ne pouvait parler du temps et à de l'espace absolus de Newton. L'espace absolu était une « conception monstrueuse », avait-il déclaré. Le mouvement était relatif et non absolu. Dans un débat avec Leibniz, Newton avait présenté l'exemple de l'eau qui monte le long des parois d'une chaudière qui tourne sur elle-même pour démontrer l'existence d'un système absolu de référence. Mach argumentait que la rotation de l'eau dans la chaudière de Newton n'avait un sens que si on la comparait à l'arrière-plan de l'univers: les étoiles dans le ciel.

Cependant, en ce qui concerne les lois de l'électromagnétisme, les choses semblaient se présenter autrement. L'équation de Maxwell a démontré une correspondance remarquable entre la vitesse des ondes électromagnétiques et la vitesse de la lumière, mais n'offrait aucune réponse à la question évidente : par rapport à quel système de référence fallait-il mesurer la vitesse de la lumière? Le postulat d'un éther fixe semblait offrir une solution. La vitesse de la lumière était mesurée en fonction de l'éther, qui fournissait aussi une base physique pour le temps et l'espace absolus.

Mais l'hypothèse d'un éther fixe signifiait que le principe de la relativité ne s'appliquait pas aux lois de l'électromagnétisme. Comme Einstein l'a expliqué dans un de ses articles sur la relativité restreinte, il y avait des « asymétries » peu satisfaisantes. Il donna l'exemple simple d'une bobine et d'un aimant. Comme Faraday l'avait découvert, si l'un bouge par rapport à l'autre, il en résulte un courant électrique, peu importe si c'est l'aimant ou la bobine qui bouge. Mais selon l'électrodynamique de l'époque, une équation différente était requise selon que c'était la bobine ou l'aimant qui bougeait par rapport à l'éther.

Tous les tentatives pour résoudre la contradiction entre la mécanique newtonienne et les équations de Maxwell étaient faites en supposant que c'étaient les lois de l'électromagnétisme, élaborées moins d'un siècle plus tôt, qui se devaient d'être modifier et améliorer. Pour produire sa version de l'électrodynamique, Lorentz avait été obligé de faire une longue liste d'hypothèses qui n'arrivaient pas à expliquer les résultats de Michelson-Morley et ne résolvaient pas «asymétries» irritantes.

L'approche d'Einstein s'appuyait sur l'hypothèse audacieuse que c'était la mécanique newtonienne qui devait être modifiée et non les lois de l'électromagnétisme. Son article sur la relativité restreinte reposait sur seulement deux prémisses de base. La première était que le principe de la relativité ne s'appliquait pas seulement aux lois newtoniennes, mais aussi aux équations de Maxwell, une hypothèse qui abolissait d'un seul coup la liste des conditions spéciales de Lorentz. La deuxième était que la vitesse de la lumière est constante, peu importe la vitesse de la source de lumière ou la vitesse du détecteur de lumière.

La deuxième prémisse entraînait une révision fondamentale de la mécanique newtonienne. Comment la vitesse de la lumière peut être la même peu importe la vitesse de l'observateur? Pour employer une analogie avec une auto et un train, cela revient à dire que peu importe la vitesse (ou la direction) à laquelle une auto se déplace, la vitesse relative du train telle que perçue (ou mesurée) dans l'auto ne change pas. Autrement dit, peu importe la vitesse à laquelle va l'auto, le train s'éloigne toujours d'elle à la même vitesse. Il est impossible de le rattraper même un peu, sans parler de le dépasser. Ce qui semble absurde lorsque l'on considère des autos et des trains était exactement ce qu'Einstein supposait pour la lumière : il était impossible de rattraper un rayon de lumière.

Cette hypothèse était tout à fait dans la continuité de l'esprit des équations de Maxwell, qui avait déterminé la vitesse de la lumière mais sans fournir de système de référence. Elle a aussi résout l'énigme de l'expérience de Michelson-Morley, vu que le mouvement relatif de la Terre et de l'éther ne faisait plus varier la vitesse de la lumière. Peu importe comment une personne oriente un rayon de lumière, sa vitesse sera toujours la même. En fait, l'éther qui avait inventé pour avoir un système de référence par rapport auquel mesurer la vitesse de la lumière n'était plus nécessaire.

Les deux prémisses d'Einstein semblaient irréconciliables. Pour les rendre cohérentes entre elles, il a dû modifier les bases de la conception du temps. Pour établir que deux évènements sont simultanés, il faut des instruments pour mesurer le temps (des horloges) et une méthode pour les synchroniser. Si une personne utilisait la lumière pour synchroniser deux horloges dans deux systèmes de références qui se déplacent l'un par rapport à l'autre, alors le rayon de lumière prendrait un certain pour se rendre d'un système à l'autre et cela résulterait en des intervalles de temps «locaux» différents. Quand nous observons une horloge dans un système de référence différent du nôtre, elle semble toujours prendre du retard sur la nôtre.

En développant sa théorie sur la base de ses hypothèses, Einstein a aussi pu expliqué la «contraction» de Lorentz-Fitzgerald. Un objet qui voyage à grande vitesse par rapport à un observateur lui semblera se contracter. De plus, la masse de l'objet lui semblera devenir plus importante à mesure que celui-ci acquiert une vitesse de plus en plus grande. Ce dernier point a mené Einstein à écrire un autre court article en septembre 1905, dans lequel il explique que l'énergie (E) et la masse (m) ne pouvaient plus être prises indépendamment, qu'elles étaient interchangeables. Cette découverte a mené Einstein à sa fameuse équation E=mc2 où c est la vitesse de la lumière dans le vide.

La réaction à la théorie de la relativité

Le génie d'Einstein ne s'exprimait pas dans des argumentations longues et compliquées ou dans des mathématiques complexes. Son article sur la relativité restreinte paru dans Annalen der Physik n'avait que trente pages et la mathématique ne dépassait pas celle du niveau de l'école secondaire. Néanmoins, il demandait à son lecteur d'adopter un point de vue entièrement nouveau. Einstein a conclu que pour résoudre les contradictions qui secouaient la physique, il fallait deux prémisses tout à fait nouvelles et il n'a pas reculé face à leurs étranges conséquences.

Comme il a été expliqué : «En fait, l'article [de 1905] témoigne de la puissance d'un langage simple pour expliquer des idées profondes et puissamment dérangeantes. Le lecteur de cet article suit son auteur, Albert, dans un labyrinthe qui donne l'illusion d'être très simple, faisant un pas évident, et même ennuyant, après l'autre jusqu'à ce que, soudainement, vous vous retrouviez sur la tête sans possibilité de retour en arrière.» [14]

En 1908, un universitaire étudiant la mathématique d'Einstein, Hermann Minkowski, présenta la théorie dans sa forme géométrique, c'est-à-dire dans les quatre dimensions géométriques de l'espace et du temps. Dans cette forme plutôt inhabituelle du monde de l'espace-temps, l'espace et le temps ne sont plus indépendants mais dépendent d'une vitesse relative. Pendant que l'objet commence à bouger dans l'espace, comme Einstein l'a démontré, le temps ralenti. En même temps que l'espace et le temps s'avéraient être relatif, l'espace-temps fournissait un nouveau système de référence absolu.

L'article d'Einstein de 1905 n'était pas la fin, mais bien le commencement. La relativité restreinte s'appliquait seulement aux objets voyageant à une vitesse constante, ou encore à des systèmes de référence inertiels. Pour étendre la théorie de la relativité à des systèmes de références en accélération ou non-inertiels, il fallait aussi prendre en compte les forces gravitationnelles. Newton concevait la gravité comme une force qui agissait instantanément à distance. Cependant, selon la théorie de la relativité, rien ne se déplace plus rapidement que la vitesse de la lumière. Comparant la somme de travail requise pour résoudre le problème de la relativité générale, Einstein décrivait son article de 1905 comme un «jeu d'enfant».

Néanmoins, au cur de la théorie de la relativité générale, même si les mathématiques sont beaucoup plus complexes, reposent quelques conceptions simples et élégantes. La plus fondamentale était l'équivalence entre les forces gravitationnelles et les forces inertielles, ce qui signifie, en gros, qu'il n'y a pas de différence entre la gravité terrestre et la «gravité» artificielle expérimentée par exemple, par un astronaute dans une station spatiale qui tourne sur elle-même. En développant cette idée de base, Einstein en est venu à une étonnante conclusion : que des objets massifs se contractaient dans l'espace-temps et que la gravité était une conséquence de cette contraction. Dans sa théorie générale, il n'a pas seulement rendu compte de la gravité, mais a aussi offert ce que Newton n'avait pu: une explication de ses causes sous-jacentes. La théorie générale ne fut complétée qu'en 1915.

La théorie de la relativité représentait une rupture brusque et fondamentale avec la mécanique newtonienne et en même temps sa continuité. À des vitesses qui sont petites par rapport à la vitesse de la lumière (300 000 km à la seconde), le mouvement des objets peut être prédit correctement en utilisant les lois newtoniennes. Mais, lorsque la vitesse approche la vitesse de la lumière (par exemple dans les énormes machines contemporaines qui accélèrent les particules subatomiques) ce n'est plus le cas.

Imprégner d'une connaissance profonde de toute l'histoire de la science, Einstein percevait la théorie de la relativité comme la conséquence inévitable de la mise à l'épreuve posée à la mécanique newtonienne par la théorie électromagnétique. Avec le recul, quelques commentateurs ont minimisé ses accomplissements, affirmant que s'il n'avait pas formulé la théorie de la relativité, quelqu'un d'autre l'aurait fait. Quelques-uns ont même nié tous les accomplissements d'Einstein, prétendant de façon absurde que ses articles de 1905 avaient été copiés sur Poincaré et d'autres, ou encore qu'ils étaient le résultat du travail de sa première femme, Mileva Maric.

Le physicien John Wheeler a réfuté ces allégations de façon plutôt éloquente: «Les historiens de la science peuvent nous dire que si Einstein n'était pas arrivé à cette version de l'espace-temps, celle-ci aurait été découverte par Lorentz, Poincaré ou d'autres scientifiques qui seraient éventuellement arrivé à la fameuse équation E=mc2, avec toutes ses conséquences. Mais, il nous semble encore un miracle que le commis du Bureau des brevets fut celui qui a réussi à déduire les grandes leçons de l'espace-temps à partir d'indices à la surface aussi innocentes que ceux que nous offrent l'électricité et le magnétisme. Un miracle? Est-ce que ça n'aurait pas été un plus grand miracle si quelqu'un d'autre qu'un commis du Bureau des brevets avait découvert la relativité? Qui d'autre aurait pu distiller ce point central à partir du désordre de l'électromagnétisme que quelqu'un dont l'emploi quotidien était d'extraire la simplicité à partir de la complexité? Et si d'autres auraient pu nous donner la relativité restreinte, qui d'autre qu'Einstein aurait pu nous donner la relativité générale? [15]

Une des indications les plus claires de l'ampleur des réalisations d'Einstein est venue dans le cadre d'une réponse à son article de 1905. Comme sa sur Maja l'a expliqué : «Le jeune universitaire s'imagine que son article dans un journal prestigieux et très lu [Annalen der Physik] aurait immédiatement attiré l'attention. Il s'attendait à une forte opposition et aux plus sévères des critiques. Mais il fut très déçu. Son article fut reçu par un silence de glace. Les numéros subséquents du journal n'ont fait aucune mention de son article. Les milieux professionnels ont laissé l'article faire son chemin en attendant de voir ce qui allait se passer.» [16]

La première réponse directe n'est parue qu'en 1906, lorsqu'un physicien expérimentaliste bien connu, Walter Kaufmann, publia des données qui contredisaient les prédictions d'Einstein sur le mouvement des électrons. Confiant de l'intégrité théorique de ses travaux, Einstein a demandé d'attendre «une série plus diversifiée d'observations» avant de rejeter sa théorie. Ce fut seulement en 1916 que des biais dans la méthodologie de Kaufmann furent repérés. Les résultats corrigés confirmaient que la relativité restreinte décrivait correctement le comportement des électrons rapides.

Parmi la génération précédente de physiciens, il y eut une résistance particulière aux conclusions d'Einstein. Jusqu'à sa mort en 1912, Poincaré, qui était peut-être celui qui est venu le plus près de formuler une théorie de la relativité, a soigneusement ignoré le jeune homme et ses travaux. Mach, qui avait initialement adhéré à la théorie de la relativité comme une confirmation de ses vues philosophiques, «a annulé» cette position dans une préface écrite en 1913, déclarant «que la relativité contemporaine» était «en train de devenir de plus en plus dogmatique». Quant à Lorentz, il exprima son malaise dans une conférence en 1913, déclarant : « En ce qui me concerne, je trouve une certaine satisfaction dans les plus vieilles interprétations selon lesquelles l'éther possède au moins un peu de substancialité, l'espace et le temps sont clairement dissociés et la simultanéité peut être appréhendée sans aucune autre réserve. » [17]

Ces réserves étaient évidentes dans les délibérations du comité du Prix Nobel. Ce ne fut pas avant 1922 que le comité décida de décerner le prix Nobel de physique à Einstein. À partir de là, sa théorie de la relativité fut reconnue et adoptée par la nouvelle génération de physiciens. En 1919, l'astronome Arthur Eddington a fourni la première preuve expérimentale que la trajectoire de la lumière qui provient des étoiles éloignées est courbée par la gravité du Soleil tel que prédit par la théorie de la relativité générale. Cependant, Einstein n'a pas reçu le prix Nobel de physique pour sa théorie de la relativité, théorie avec laquelle la majorité du comité chargé de décerner le prix était en désaccord. Einstein fut récompensé pour ses articles sur la théorie quantique de la lumière, plus exactement sur son application à l'effet photoélectrique. Il y avait également une condition additionnelle : que le récipiendaire s'abstienne de mentionner sa théorie de la relativité dans sa conférence concernant son prix Nobel. N'eut été du Roi de Suède qui était dans l'audience et qui voulait écouter sa théorie, Einstein aurait été confiné au silence sur la plus connue et la plus importante de ses réalisations.

À suivre

Notes:
14. Einstein in Love-A Scientific Romance, Dennis Overbye, Viking Penguin, 2000, p. 135
15. Wheeler, op cit, p.570
16. Cité dans Rigden, op cit, p.96
17. Ibid, p.102-3



 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés