wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

La grève des infirmières québécoises étranglée par les syndicats

Par Keith Jones
27 juillet 1999

Le conseil confédéral de la Fédération des Infirmières et Infirmiers du Québec, la FIIQ, a mis un terme à la grève militante de 47 500 infirmières, en cours depuis le 26 juin, malgré que ces dernières soient toujours sans contrat et qu'elles doivent payer les dizaines de millions de dollars d'amende prévues aux draconiennes lois antisyndicales.

La direction de la FIIQ a déclaré que la grève pourrait reprendre cet automne. Mais, les faits parlent plus que les mots. Le mois de mobilisation des infirmières a montré la vraie nature de leur direction, lorsque celle-ci s'est liguée avec le gouvernement provincial du Parti Québécois, contre les infirmières. En fait, elle était aussi horrifiée et terrorisée que lui devant la possibilité que leur lutte devienne le fer de lance de la mobilisation politique de la classe ouvrière contre le démantèlement des programmes sociaux.

Même le conseil confédéral a rejeté l'entente originale que la direction de la FIIQ avait tenté d'imposer aux infirmières. Mais, ce mercredi, les infirmières sont venues voter en masse, 75% d'entre elles rejetant l'entente pourrie que le conseil confédéral avait fini par entériner.

La présidente de la FIIQ, Jennie Skene, qui rejetait toute allusion à sa démission en disant qu'elle avait bien reçu le message de la base, a dénoncé les infirmières qui s'étaient opposés à l'entente pourrie. "Voilà que nous nous sommes déchirées, accusées sur la place publique, et la seule personne qui en retire des bénéfices, c'est le gouvernement" a dit Skene.

Skene est vraiment agacée parce que la base de la FIIQ a rejeté son entente pourrie, remettant en cause les plans dressés par les bureaucrates de la FIIQ pour forcer le retour au travail des infirmières.

Pour tenter de faire oublier leur propre rôle, les dirigeants de la FIIQ ont voulu justifier le torpillage de la grève en faisant remarquer que la plupart des infirmières, probablement jusqu'à 85% vendredi, étaient retournées au travail malgré la position officielle du syndicat qui était de continuer le piquetage jusqu'à la fin du conseil de la FIIQ.

Une autre fois, la victime se fait accuser du crime qu'elle a subi. C'est pourtant bien la direction de la FIIQ qui a manuvré pour que cesse la grève. L'exécutif de la FIIQ a passé les jours précédant le vote de ratification à vendre une entente qui non seulement ne répondait pas aux demandes des infirmières, mais en plus, les laissait exposées à des amendes pouvant atteindre plus de 7000 dollars pour certaines. Tentant de démobiliser les membres, la direction a imposé une trêve de trois jours et demi durant le processus de ratification. Skene avait tout d'abord promis que la grève ne serait pas terminée tant que la plupart, si ce n'est toutes, les amendes ne seraient pas annulées. Moins de 24 heures plus tard, elle s'opposait avec colère à celles qui accusaient le syndicat d'avoir accepté une entente sans protocole de retour au travail, en disant que les infirmières savaient dans quoi elles s'embarquaient en acceptant de faire une grève illégale !

Alors qu'il devenait de plus en plus clair pour elles que leur direction syndicale ne voulaient pas défendre leurs revendications, plusieurs infirmières se sont tournées vers France Picarou, la présidente du syndicat à l'Hôpital Sacré-Coeur. Picarou a mené l'opposition contre l'entente pourrie au sein du conseil confédéral, mobilisant avec succès les infirmières de son hôpital pour qu'elles défient la "trêve" de trois jours et demi. Mais aussitôt que les infirmières de la FIIQ eurent rejeté l'entente, Picarou a ramené les infirmières de Sacré-Coeur au travail. Au moment même où le contrôle de la grève menaçait d'échapper au contrôle de la direction de la FIIQ, et où les infirmières commençaient à débattre sur comment élargir leur lutte pour inclure celles des autres travailleurs de la santé et du secteur public, Picarou déclarait que continuer la grève serait "suicidaire".

Le gouvernement va passer à l'offensive

Le torpillage de la grève des infirmières est une défaite majeure, non seulement pour elles, mais pour l'ensemble des travailleurs du Canada. Précisément parce que les infirmières ont pu offrir une prise à la population pour s'opposer au démembrement des programmes sociaux, et que ce faisant, elles ont défié une batterie de lois antisyndicales et refusé de sanctionner la trahison de la direction de la FIIQ, le gouvernement, la grande entreprise et la bureaucratie syndicale vont maintenant tout mettre en uvre pour faire un exemple de leur lutte, un avertissement à tous les travailleurs.

Très conscient que la grève des infirmières inciterait d'autres travailleurs, surtout parmi les 350 000 travailleurs du secteur public présentement en négociation, à défier les lois antisyndicales, le gouvernement péquiste a toujours insisté qu'il ne retirerait aucune des pénalités imposées aux infirmières en vertu des lois 37, 72 et 160.

Selon le Globe and Mail, les adversaires politiques fédéralistes du Parti Québécois sont plutôt satisfaits de la façon dont ce dernier a manuvré durant la grève, parce qu'ils croient que le mécontentement croissant du public en face du démantèlement des programmes sociaux, et celui des travailleurs du secteur public en face de faibles augmentations salariales et d'autres coupures d'emplois, va leur profiter. "Un conseiller hors-Québec important du premier ministre, après consultation de plusieurs représentants officiels à travers le Canada" a dit au Globe que "les gouvernements considèrent en général que le gouvernement du Québec a fait pour le mieux étant donné la situation."

Les dirigeants syndicaux des autres centrales représentant les travailleurs du secteur public n'ont rien dit du résultat de la grève des infirmières, mais leur silence en dit long. Comme les dirigeants de la FIIQ, les chefs de la Fédération des travailleurs du Québec (la FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (la CSN) et de la Centrale de l'enseignement du Québec (la CEQ), se sont depuis longtemps alliés au Parti Québécois et ont appuyé la décision du premier ministre, Lucien Bouchard, de faire de l'élimination du déficit l'axe principal des politiques gouvernementales. Dans les faits, ils ont joué un rôle clé pour assurer la défaite de la grève des infirmières en la gardant en quarantaine. Bien qu'en conférence de presse, les dirigeants de la FTQ, de la CSN et de la CEQ aient fréquemment admis que le dénouement de la grève des infirmières aurait un grand impact sur les négociations qu'ils sont en train de mener, jamais il n'a été question d'organiser la moindre grève en appui aux infirmières.

Les éditorialistes des quotidiens, qui bouillaient de rage tout au long de la grève à cause du grand appui que la population offrait infirmières, veulent maintenant prouver son inutilité.

Ce qui excite leur colère, c'est qu'ils ont pu voir dans la grève des infirmières l'émergence d'un mouvement socio-politique de la classe ouvrière qui s'opposerait au démantèlement des programmes sociaux gouvernementaux. L'éditorialiste en chef de La Presse a écrit: "Il est clair que la direction du syndicat a été débordée par sa base. Certains vouent un culte sans bornes aux mouvements spontanés de la base. Mais l'expérience montre, qu'en général, ces expressions populaires sont confuses et incohérentes. Les humains, dans leurs comportements collectifs spontanés, exhibent rarement les traits les plus fins de leur personnalité."

"Ce n'est pas aux 47 000 membres de la FIIQ de décider qui dirige le Québec" a-t-il aussi écrit.

Nécessité d'une nouvelle stratégie politique

Si la grève des infirmières s'est terminée dans la confusion et la désorientation, si, malgré le potentiel, un vaste mouvement social n'a pas pris forme, c'est premièrement parce que la bureaucratie syndicale s'est fait, consciemment et brutalement, le représentant du gouvernement. Un deuxième facteur, en dernière analyse tout aussi important, a été le manque de compréhension de la part des infirmières des implications de leur lutte pour améliorer les soins à la population et leurs conditions de travail.

Les infirmières ont été scandalisées et consternées de voir, qu'en dépit du fait que leurs demandes soient fondamentalement raisonnables et que la population les appuient largement, elles ont dû mener une lutte à finir avec le gouvernement, défier les lois antisyndicales et ultimement affronter leur propre direction syndicale. Alors que les infirmières ont rejeté l'entente pourrie, elles n'ont compris ni les causes politiques de la trahison des dirigeants de la FIIQ, ni n'ont offert une stratégie politique alternative aux offres réactionnaires de la bureaucratie et à la perspective d'en appeler au gouvernement Bouchard pour qu'il fasse une entente séparée avec elles parce qu'elles sont "un cas spécial".

Mercredi dernier, le sentiment qu'il fallait élargir la lutte, qu'elles ne pouvaient combattre seules le gouvernement, était puissant chez plusieurs infirmières. Mais ce sentiment ne s'est pas matérialisé dans la conscience des infirmières en la perspective alternative de mobiliser toute la classe ouvrière, à commencer par les travailleurs du secteur public. Tout au plus, il a engendré la notion qu'elles devraient s'unir cet automne aux autres travailleurs du secteur public et à leur "front commun". Mais l'unité de la classe ouvrière pour le combat ne pourra pas et ne sera pas réalisée par les appareils que contrôlent les bureaucraties syndicales. La direction de la FIIQ, quant à elle, a déjà réitéré la fin de semaine passée au conseil confédéral qu'il n'était pas question pour elle de mobiliser les infirmières conjointement avec les autres travailleurs du secteur public.

Même si les syndicats étaient menés par des militants authentiques, au lieu des alliés politiques du PQ et des défenseurs déclarés du capitalisme qui y sont actuellement, les justes demandes des travailleurs du secteur public pour défendre et améliorer les programmes sociaux ne peuvent être satisfaites dans le cadre des luttes syndicales. Il faut plutôt la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière pour ce faire.

Partout à travers le monde, les gouvernements de toutes tendances politiques ont le même but : détruire les programmes sociaux gouvernementaux, pour réduire le fardeau fiscal des grands investisseurs et rendre la grande entreprise plus compétitive dans la lutte pour les marchés et les profits. Même si la société dans son ensemble devient plus riche et plus productive, l'accès à une éducation et à des soins de qualité, ainsi qu'aux autres services publics vitaux, devient de plus en plus fermé à la majorité. Pour répondre à ce programme social réactionnaire, les travailleurs doivent baser leurs luttes sur un nouvel axe : le développement, par l'action dans les lieux de travail et sur le terrain politique, d'un mouvement de masse luttant pour l'établissement d'un gouvernement ouvrier qui réorganiserait radicalement l'économie pour qu'elle réponde aux besoins humains, pas aux impératifs du marché capitaliste.

Voir aussi :

 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés