Les protestations se propagent à travers l’Irak

Les protestations se sont étendues la semaine dernière à différentes villes à travers l’Irak, les manifestants exigeant des emplois et des services sociaux et exprimant leur opposition à l’encontre de certaines autorités locales corrompues appuyées par le régime soutenu lui, par les Etats-Unis. Il s’agit des plus récentes parmi une série de journées de protestations inspirées par les luttes de masse révolutionnaires qui ont renversé le président Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et le président Hosni Moubarak en Egypte.

Des préparatifs seraient engagés pour un rassemblement de la « révolution de la rage irakienne », le 25 février à Bagdad, la capitale irakienne. Ceci souligne l’opposition de masse grandissante contre les conditions sociales atroces créées par le régime d’occupation mis en place par Washington après l’invasion de 2003. Ces conditions comprennent le manque d’électricité et d’eau potable, le chômage de masse et les hausses soudaines du prix des denrées alimentaires – ainsi que la conduite dictatoriale des nouveaux dirigeants mis au pouvoir par Washington.

Il y eut des protestations dans les régions majoritairement kurdes situées dans le Nord de l’Irak, à Suleimaniyah et à Kirkuk, et qui ont abouti à l’incident jusque là le plus sanglant de la vague de protestations qui a déferlé sur le Moyen Orient.

A Suleinmaniyah, le personnel de santé a dit que neuf personnes avaient été tuées et plus de 47 blessées lorsque les forces peshmerga kurdes ont tiré sur une foule d’au moins 3.000 personnes qui manifestaient devant le siège du Parti démocratique du Kurdistan (KDP) dirigé par Massoud Barzani. Les manifestants avaient protesté contre la corruption du KDP, le manque d’emploi et de services de base. Ils ont scandé « Gouvernement démission, » « du travail pour les chômeurs » et « les corrompus doivent être passés en justice. »

L’AFP a rapporté que, dans la soirée, des forces de sécurité avaient pris position dans les rues de Suleimaniyah, autour du quartier général du KDP et de l’Union patriotique du Kurdistan (PUK). Le PUK est le parti du président irakien Jalal Talabani.

A Kirkuk, quelque 400 personnes ont protesté devant les bâtiments du gouvernement en réclamant de meilleurs services pour les veuves et les orphelins. Un journaliste local a dit au New York Times qu’ils avaient scandé, « Nous voulons la justice. Où sont nos droits ? Protégez les orphelins contre les voleurs. Nous avons faim dans un pays plein de pétrole. »

Il y eut aussi des protestations dans le Sud de l’Irak, à dominance chiite. A Basra, un port et un pivot pétrolier qui est la deuxième ville d’Irak, 600 manifestants avaient organisé une grève avec occupation de locaux, érigeant des tentes devant les bâtiments gouvernementaux gardés par la police.

Les manifestants ont promis de rester devant les bâtiments jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites – y compris des projets d’approvisionnement en électricité et en eau potable. Ils ont également réclamé le renvoi de responsables locaux. Mohammed Ali Jasim a dit à l’AFP, « Nous exigeons que le gouverneur de Basra soit licencié parce qu’il n’a rien fait de bien à Basra. »

A Nasir, une petite ville au Nord de la capitale provinciale de Nassiriyah, les manifestants se sont rassemblés devant le bâtiment municipal pour revendiquer des emplois et des services publics. Ils ont jeté des pierres contre le bâtiment et y mis le feu au milieu d’affrontements avec la police. Les autorités de Nasir ont imposé un couvre-feu et interpellé plusieurs personnes.

A Kut, une ville de 850.000 habitants dans la province de Wasit, les manifestants se sont rassemblés et ont érigé des tentes devant le bâtiment gouvernemental, exigeant de rencontrer les autorités provinciales et centrales. Ils ont réclamé des subventions sur le prix des produits alimentaires de base, un approvisionnement en électricité et des emplois.

Des manifestants ont aussi scandé des slogans contre l’occupation américaine et les autorités nationales : « A bas [le premier ministre Nouri] al-Maliki, à bas les voleurs. » Se référant aux années qui se sont écoulées depuis l’invasion américaine en 2003, une banderole disait : « Huit ans de souffrance, où sont vos promesses ? »

Les protestations d’hier sont survenues après des heurts violents, la veille, à Kut lorsque trois personnes ont été tuées et 27 autres blessées au cours d’affrontements avec la police alors que les manifestants exigeaient la démission du gouverneur de la province de Wasit, Latif Hamad al-Tarfa. Al-Tarfa aurait fui par la porte de derrière avec ses garde du corps au moment où les opposants s’emparaient du bâtiment.

Les manifestants ont se sont moqués de al-Tarfa en écrivant « gouverneur » sur le flanc d’un âne. Ils ont réclamé son renvoi, l’accusant d’avoir volé des fonds publics. Akel Salah, un manifestant de 27 ans, a dit au New York Times : « Nous resterons ici dans la rue jusqu’à ce que le gouverneur quitte ses fonctions. Tout est mauvais dans cette province. Pas d’essence. Pas d’électricité. Pas d’emplois. Rien. »

Salah a aussi rapporté que plusieurs manifestants avaient été arrêtés, dont son frère et qu’il était sans nouvelle d’eux. Il a dit, « J’essaie de le joindre sur son téléphone, mais il est débranché. Sa femme et son fils sont en train de devenir fous. »

Ces manifestations ont suivi une série de protestations identiques qui se sont passées ces derniers jours dans d’autres parties du pays. Mardi, selon des rapports de la chaîne de télévision Al-Sumaria, des manifestants s’étaient rassemblés à Fallujah – une ville que l’armée américaine avait attaquée à plusieurs reprises en 2003 et en 2004, en recourant à des armes chimiques dont le phosphore blanc. Leurs revendications comprenaient des emplois, la fourniture de services sociaux, le renvoi des étrangers du gouvernement irakien et la démission de responsables locaux.

A Fallujah, une banderole protestait contre les tensions sectaires acerbes entre Chiites et Sunnites et que l’occupation américaine de l’Irak avait exacerbées : « Non au sectarisme, oui à l’unité, à bas le gouvernement al-Maliki. » Une autre pancarte disait, « Pas de restriction à la liberté d’expression, non aux détentions arbitraires et aux rafles, non aux politiciens corrompus et aux voleurs. » Sur une troisième : « Nous voulons de meilleurs services de base : électricité, pétrole et de meilleures rations alimentaires. »

Il y avait également eu des manifestations à Sadr Ville, un énorme bidonville de Bagdad. Des bulletins d’information mentionnent que les manifestants y avaient scandé, « Non à la corruption du gouvernement » et « Nous avons voté pour vous, où sont vos promesses ? »

(Article original paru le 18 février 2011)

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