Le maire de Marseille ordonne l’expulsion en masse d’un campement Rom

Le 11 août, une centaine de personnes Roms qui campaient sur la place de la Porte d’Aix, à Marseille, ont été expulsées par la police et la police anti-émeute (CRS). Les familles qui campaient sur les pelouses de cette place furent encerclées au petit matin et forcées de la quitter.

La ville de Marseille avait annoncé le 9 août qu’elle avait préparé un arrêté municipal pour faire évacuer de force ces familles, qui comptaient une trentaine d’enfants. Les Roms s’étaient installés dans ce campement de fortune sur la place de la Porte d’Aix, après avoir été délogés de squats il y a un mois.

La décision avait été prise dans une atmosphère fortement imprégnée de préjugés racistes contre les Roms. Vendredi dernier, avant la validation de l’arrêté municipal par le tribunal, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (UMP) les avaient collectivement attaqués : « Ces gens-là, il y en a trop dans cette ville, nous souhaitons qu’ils aillent ailleurs. »

L’arrêté avait été pris à la demande du maire conservateur de Marseille. Le tribunal administratif a validé la requête demandant au tribunal d’« ordonner l’expulsion avec le concours de la force publique sous astreinte de 500 euros par jour de retard. »

Les Roms ont eu un délai de 24 heures pour quitter leur campement dans les jardins entourant la Porte d’Aix (l’emplacement d’un arc de triomphe à Marseille).

L’avocat des Roms expulsé, Dany Cohen, a attaqué la décision de Gaudin : « au lieu d’engager des procédures d’expulsion, on ferait mieux de leur trouver un logement, de quoi manger… on demande au juge administratif de balayer des personnes humaines pour qu’elles aillent ailleurs et qu’on ne les voit plus. »

La centaine de Roms visés par l’expulsion avaient vécu pendant près d’un mois sans eau courante ou électricité après avoir été délogés de leurs squats. L’on estime qu’il y a dans la région de Marseille environ 1.500 personnes Roms qui vivent en permanence dans des campements insalubres.

Le gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy a poursuivi une politique de harcèlement ou d’expulsion de la population Rom de France, comme partie intégrante d’une campagne plus générale de division de la classe ouvrière selon des lignes ethniques et dans le but de détourner, derrière la haine anti-immigré, l’opposition populaire à ses guerres et à ses mesures d’austérité. Ces dernières comprenaient aussi une interdiction manifestement anti-démocratique et anticonstitutionnelle de porter le foulard en public en France.

Il y a tout juste un an, le gouvernement Sarkozy avait déporté plus de 10.000 personnes Roms vers la Roumanie et la Bulgarie après avoir appelé au démantèlement des camps Roms à travers la France. A l’époque, sa politique avait été critiquée par des certains responsables européens et avait même été comparée au traitement imparti aux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. (Voir : « Les dirigeants européens désavouent les critiques sur les déportations de Roms en France »)

Les responsables européens se sont, toutefois, rapidement rétractés et, depuis, le gouvernement a intensifié ses attaques contre les Roms.

La campagne anti-immigration du gouvernement et ses expulsions ciblées de personnes Roms ne sont possibles qu’en raison de la duplicité de la « gauche » bourgeoise – le Parti socialiste et ses alliés, en l’occurrence le PCF (Parti communiste français). Les partis de la « gauche » bourgeoise et les organisations pseudo-gauches tel le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) n’ont pas cherché à défier les mesures anti-démocratiques de Sarkozy et ont même contribué à promouvoir l’interdiction de la burqa. Ils ont créé une atmosphère politique dans laquelle les attaques racistes de Sarkozy pouvaient être poursuivies.

Dans son étude critique de la politique de déportation de Sarkozy, publiée le mois passé, Médecins du Monde (MdM) a dit que la répression avait occasionné une forte augmentation des pressions et intimidations policières, du nombre d’attaques à la bombe incendiaire et de la propagation de maladies au sein de la communauté. Des gens faisant campagne contre les expulsions ont mis en garde contre une intensification des expulsions durant les mois d’été.

En condamnant le traitement inhumain imparti par le gouvernement aux Roms de Marseille, le directeur de l’action humanitaire de Médecins du Monde, Pierre Salignon, a déclaré : « Nos équipes sont particulièrement en difficulté à Marseille par rapport aux situations humaines qu’elles rencontrent. Tout laisse à croire qu’ici il y a un fonctionnement un peu débridé avec un harcèlement policier un peu systématique. »

Ceci a eu un impact dévastateur sur la situation des Roms. En commentant les situations sanitaires les pires auxquelles sont confrontés les Roms, Jean-François Corty, directeur des missions de MdM en France a dit que la tuberculose était fortement présente dans les campements roms, vu que les Roms étaient obligés d’aller de campement en campement dans des conditions de plus en plus sordides. En 2010, 6 cas de tuberculose avaient été enregistrés en Seine/Saint-Denis pour 240 personnes, soit 2,5 pour cent contre 0,03 pour cent en population générale dans le département. Il y a quelques années encore ce taux était proche de la moyenne de la population en France.

Du fait du harcèlement par le gouvernement de la population rom, la minorité ethnique la plus importante d’Europe, les adultes ont perdu leur emploi, la scolarité des enfants a été perturbée et ils ont été privés d’accès aux services de première nécessité.

La politique de Sarkozy visant les Roms, les immigrés et les Musulmans fait partie d’une tentative plus générale de l’UMP de gagner le soutien de l’électorat néo-fasciste du Front national (FN). Gaudin notamment s’est présenté aux élections régionales de Provence-Alpes Côte d’Azur (PACA), la région de Marseille, avec l’appui des responsables du FN.

L’UMP attaque à présent les Roms d’autant plus désespérément que Sarkozy chute dans les sondages d’opinion et que sa politique a entraîné une acceptation plus générale du FN au sein de l’establishment politique et médiatique. A Marseille, Gaudin accélère sa campagne anti-immigration ultra-droitière afin d’éviter d’être dépassé sur la droite par le FN dont les responsables exigent davantage d’attaques à l’encontre des immigrés.

A la pression croissante du FN, Gaudin réagit par des attaques plus brutales encore, notamment en intensifiant les déportations de masse.

Le 9 août, le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, a précisé que le montant total des immigrés expulsés atteindrait 30.000 d’ici la fin de 2011 – 2.000 de plus que le montant de l’objectif précédent de 28.000. Il a dit à l’antenne d’Europe1, « A ce jour, sur les sept premiers mois de l’année, nous avons reconduit 17.500 étrangers, 4 pour cent de plus qu’en 2010. »

(Article original paru le 11 août 2011)

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