Non à l'intervention impérialiste en Libye !

Le World Socialist Web Site s'oppose catégoriquement à toute intervention militaire en Libye. La poussée vers la guerre, qui a reçu le feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi, n'a rien à voir avec les prétextes humanitaires présentés par les grandes puissances. Il représente plutôt la soumission violente d'une ancienne colonie par l'impérialisme.

 

Le bombardement de la Libye par les avions français, britanniques et américains ne protégera pas les vies humaines, il transformera ce pays en champ de bataille avec des milliers de victimes innocentes. C'est une guerre impérialiste, la Libye est une ex-colonie opprimée. Le WSWS refuse fondamentalement et en toutes circonstances les attaques militaires des puissances impérialistes contre ces pays.

 

De plus, cette guerre aura lieu sans aucune légitimité démocratique. Il n'y a pas la moindre indication qu'elle soit soutenue par les populations des pays concernés. Une fois de plus, des sommes astronomiques sont dépensées pour une guerre alors même que les gouvernements déclarent qu'il n'y a plus d'argent pour les programmes sociaux.

 

Ceux qui disent qu'une attaque militaire contre les bases de Kadhafi renforcerait le mouvement d'opposition démocratique contre une dictature sanglante doivent répondre à cette question : Pourquoi les grandes puissances n'appliquent-elles pas le même critère en Afghanistan et au Pakistan, où les régimes qu'ils soutiennent emploient la violence brute contre toute forme d'opposition ? Et qu'en est-il du Bahreïn, quartier général de la Cinquième flotte américaine, où le cheikh al Khalifa a fait tirer sur des manifestants non armés avec le soutien des Saoudiens ? Qu'en est-il de Gaza, où ces mêmes puissances ne bougent pas pendant que les Israéliens massacrent les Palestiniens. Qu'en est-il du Yémen, où le président soutenu par les occidentaux Ali Abdullah Saleh a fait tuer 50 manifestants vendredi ?

 

Aucun gouvernement ou journal qui soutienne l'attaque militaire contre la Libye ne s'est donné la peine d'expliquer ces contradictions manifestes. Cependant, la véritable cible des violences contre la Libye est claire, si l'on considère la logique des récents événements.

 

Cela ne fait que deux mois que le dirigeant tunisien Zine El Abidine Ben Ali, a été renversé par un soulèvement populaire. Un mois plus tard, il était suivi par le président égyptien Hosni Moubarak. En conséquence, les puissances occidentales ont perdu deux de leurs meilleurs alliés dans la région.

 

Tout comme avec Kadhafi, les États-Unis et l'Europe ont collaboré étroitement avec ces dictateurs jusqu'à la dernière minute. La France, qui crie maintenant le plus fort pour une action militaire contre la Libye, a même offert à Ben Ali l'assistance de la police lorsque le soulèvement contre lui battait son plein.

 

Et tout juste quelques semaines plus tard, les grandes puissances se préparent à une intervention militaire en Afrique du Nord. Coïncidence ? Seul un aveugle politique pourrait ne pas voir le lien entre ces deux événements.

 

L'opposition, à l'intérieur du pays, envers Kadhafi, tyran brutal et proche allié des puissances occidentales, a pu initialement exprimer les vrais griefs du peuple libyen. Mais dans un pays du désert, sous-développé, comme la Libye, des forces se sont rapidement matérialisées, prêtes à faire le sale boulot des grandes puissances. Ces forces se trouvaient parmi les personnalités composant le prétendu Conseil national de transition, et ne faisaient pas que garantir aux compagnies pétrolières une exploitation sans entrave de la richesse minérale du pays, mais ont également appelé au bombardement de leur propre pays. Le Conseil de transition est composé de responsables officiels du vieux régime qui ont tourné le dos à Kadhafi en réaction au ré-alignement des puissances impérialistes.

 

L'intervention militaire en Libye, dont les ressources énergétiques font l'objet d'intrigues impérialistes depuis des dizaines d'années, sert à la fois à sécuriser l'accès au pétrole et à contenir les mouvements révolutionnaires de la région, qui sont de plus en plus dirigés contre les intérêts des puissances impérialistes et la propriété capitaliste. Une présence militaire en Libye, qui est bordée par l'Égypte à l'Est et la Tunisie à l'Ouest, aiderait les grandes puissances à intimider les mouvements révolutionnaires dans tout le monde arabe.

 

La référence dans la résolution des Nations Unies à l'exclusion de l'occupation militaire du pays par les troupes étrangères est une ânerie. La nécessité militaire a sa propre logique. Officiellement, ni l'Afghanistan ni l'Irak ne sont « occupés » par les troupes américaines, mais cela n'empêche pas des dizaines de milliers de soldats américains d'y résider de manière permanente.

 

Il est significatif que ce soit la Ligue arabe qui ait appelé à une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, donnant aux États-Unis et à leurs alliés impérialistes un alibi de « soutien régional » pour une intervention militaire. Les représentants de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn et d'autres émirats, qui sont en train d'arrêter, de torturer et d'abattre des opposants à leur propre régime, ont voté en faveur d'une intervention militaire afin, prétendent-ils, de renforcer la démocratie en Libye !

 

Les grandes puissances agissent avec une extrême imprudence. Mis à part la soif de pétrole et de domination, elles ne semblent avoir aucune stratégie prédéfinie. Le président Sarkozy, qui a accueilli Kadhafi il y a quatre ans en grande pompe à Paris pour négocier des accords commerciaux valant des milliards, a reconnu le Conseil de transition national comme le représentant officiel de la Libye sans même consulter son propre ministre des Affaires étrangères, et encore moins ses alliés de l'OTAN.

 

Personne ne semble avoir envisagé les implications économiques, géopolitiques et de sécurité d'une guerre prolongée en Libye, pays méditerranéen immédiatement voisin de l'Europe. Ceux qui émettent des mises en garde sur les conséquences d'une action militaire sont principalement issus des cercles conservateurs de l'armée, qui, après l'Afghanistan et l'Irak, ne souhaitent guère une nouvelle aventure militaire.

 

Le président Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont tous deux leurs propres raisons internes pour intervenir. A un an des prochaines élections présidentielles, Sarkozy est en chute libre dans les sondages et espère reprendre du terrain par une politique étrangère agressive.

 

Cameron est confronté à une opposition à ses mesures d'austérité et – reproduisant le modèle de la guerre des Malouines déclenchée par Margaret Thatcher en 1982 – espère qu'une guerre contre la Libye pourra faire diversion. L'armée britannique ayant été affaiblie par les guerres d'Irak et d'Afghanistan et ne pouvant pas réellement intervenir seule, Cameron a travaillé dur pour faire participer les États-Unis.

 

L'aventure impérialiste contre la Libye réveille les vieilles divisions en Europe. La Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Europe est une fois de plus réduite en loques. L'Allemagne s'est abstenue dans le vote sur le Conseil de sécurité de l'ONU, insistant sur le fait qu'elle ne ferait partie d'aucune intervention militaire. Elle s'est retrouvée ainsi dans le même bloc que la Russie, la Chine, l'Inde et le Brésil contre ses alliés de l'OTAN, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis – un développement aux implications profondes.

 

Ces divisions résultent du caractère impérialiste de la guerre. Il est significatif que pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, la Grande-Bretagne et la France soient toutes deux alliées dans un conflit armé et aient adopté une position à laquelle l'Allemagne s'oppose. Il faut également se rappeler que la dernière guerre entre les armées allemandes et britanniques a connu des batailles majeures en Afrique du Nord.

 

L'Allemagne ne rejette pas, par principe, une action militaire contre la Libye, et le gouvernement allemand a poussé pour que soient prises des sanctions économiques très fortes. Cependant, il s'est jusqu'ici appuyé moins sur la présence militaire que sur des facteurs économiques pour asseoir son influence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et il craint de se disperser dans une aventure militaire. « L'Allemagne soutient entièrement les sanctions économiques, parce que le régime de Mouammar Kadhafi est fini et doit être arrêté, » a déclaré l'ambassadeur à l'ONU Peter Wittig pour justifier l'abstention allemande. « Mais l'usage de l'armée est toujours extrêmement difficile et nous y voyons de grands risques. »

 

S'il y a des désaccords au sein des classes dirigeantes américaines et européennes au sujet d'une offensive militaire contre la Libye, parmi les impérialistes « humanitaires» il y a une approbation entière et enthousiaste. Cette catégorie comprend également les tendances politiques qui soutiennent les opérations militaires au nom d'une « humanité » abstraite, ignorante des questions de classe et d'histoire – tels les Verts, les socio-démocrates, le Parti de gauche, etc.

 

Depuis que les Verts allemands ont soutenu le bombardement par l'OTAN de la Yougoslavie en 1999, ils sont devenus des partisans enthousiastes de la guerre et jouent un rôle irremplaçable dans la propagande de guerre impérialiste. C'est aussi le cas pour les préparatifs d'une intervention militaire contre la Libye.

 

Les Verts ont attaqué le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle parce qu'il n'a pas soutenu la résolution du conseil de sécurité des Nations Unies. « Nous avons la responsabilité de défendre les droits de l'homme, » a dit le dirigeant de leur faction parlementaire, Renate Kuenast. Les socio-démocrates ont également attaqué Westerwelle parce qu'il n'est pas favorable à l'effort de guerre.

 

Le représentant des Verts au Parlement européen Daniel Cohn-Bendit, figure majeure du mouvement étudiant de 1968, a fait une campagne agressive pour la reconnaissance du Conseil national de transition et l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne. Le Parlement a finalement adopté cette résolution le 10 mars à une écrasante majorité.

 

Outre les Verts, diverses organisations soi-disant de gauche en France ont demandé la reconnaissance du Conseil national de transition. Une résolution à cet effet, de la part du Comité de Solidarité avec le peuple libyen, porte les signatures du Parti communiste, du Parti de gauche, et du Nouveau parti anticapitaliste. Le Président Sarkozy accède maintenant à leur requête en lançant une offensive militaire.

 

Le World Socialist Web Site appelle les travailleurs et les jeunes à refuser la propagande de guerre déguisée en préoccupation humanitaire avec tout le dégoût qu'elle mérite. La lutte contre l'oppression politique, l'exploitation sociale et la guerre sont inséparables de la construction d'un mouvement socialiste qui unifie la classe ouvrière internationale dans la lutte contre le capitalisme et l'impérialisme.

 

Le comité de rédaction du World Socialist Web Site.

 

 

(Article original paru le 19 mars 2011)

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