Votez « Non » au référendum sur le pacte budgétaire en Irlande

Les partis Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste, SEP) de Grande-Bretagne et d’Allemagne appellent à voter « Non » en République d’Irlande au référendum du 31 mai sur le traité fiscal de l’Union européenne.

Le référendum a lieu dans les conditions d’une crise historique du capitalisme européen et mondial qui reproduit les conditions de chômage de masse, de pauvreté, de militarisme et de guerre qui ont gangréné la première partie du 20ème siècle.

Le traité fiscal représente la solution de l’élite dirigeante européenne à la crise. Au moyen de ce mécanisme antidémocratique, le continent a été transformé en une vaste zone d’austérité. Tous les Etats membres de l’Union européenne doivent baisser à 0,5 pour cent leur ratio du déficit public par rapport au PIB, ou voir des bureaucrates non élus prendre les commandes pour imposer les dictats de la « troïka » – l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire International. Pour satisfaire ces obligations il faudra, en plus des mesures brutales déjà imposées, réduire les dépenses publiques et d’autres mesures d’austérité s’élevant à plus de 160 milliards d’euros (200 milliards de dollars) à travers l’Europe.

La politique de la « discipline fiscale » est un euphémisme utilisé pour une contrerévolution sociale où les salaires, les niveaux de vie, la protection des droits des travailleurs et les acquis sociaux gagnés après des luttes de classes acharnées sont repris pour servir à financer de vastes plans de sauvetage et augmenter les profits des entreprises.

Le véritable caractère de l’Union européenne se voit maintenant clairement. Une institution qui, des années durant, a proclamé être un moyen de surmonter les divisions nationales et créer une « Europe sociale » s’avère être un instrument des banques et du patronat pour mener une guerre de classes contre les travailleurs.

La Grèce montre clairement qu’il n’y a pas de fin aux exigences voraces de l’oligarchie financière. Depuis cinq ans les travailleurs sont assujettis à des mesures d’austérité qui ont appauvri des millions de gens tout en ne faisant qu’aggraver la crise économique. L'opposition populaire grandissante à ces mesures a pu se voir lors des élections du mois dernier où l’on a assisté à l’effondrement du soutien aux partis dirigeants traditionnels, PASOK et Nouvelle Démocratie, et qui a résulté dans l’impossibilité de former un gouvernement stable.

En réaction, la troïka, en partenariat avec la bourgeoisie grecque, a averti que soit les travailleurs cessent de s’opposer à la rigueur et votent « correctement » lors des nouvelles élections fixées au 17 juin, soit la Grèce sera mise à la porte de l’euro et son économie sera dévastée tandis que l’armée prendra le contrôle de ses frontières pour venir à bout des désordres civils.

Alors même qu'ils présentent cette perspective apocalyptique, ces mêmes forces reconnaissent que la Grèce, qu’elle fasse ou non partie de l’euro, ne peut s’attendre qu’à la misère économique.

De la même manière, l’Irlande est également prise en otage par l’élite financière avec les principaux partis – la coalition gouvernementale composée des travaillistes et du Fine Gael, ainsi que Fianna Fáil – jouant le même rôle que leurs homologues grecs.

D’abord, ils commencent par affirmer que la situation dans la République est tout à fait différente de celle en Grèce et se targuent du « succès » de l’Irlande d’avoir imposé une réduction des dépenses de 30 milliards d’euros. De telles déclarations interviennent dans le contexte d'un gel de trois ans des salaires, d’un chômage atteignant officiellement 15 pour cent et de l’émigration – notamment des jeunes – affichant le plus haut niveau jamais atteint depuis la Grande Famine des années 1840. Ces déclarations ne font que souligner le mépris que ces partis ont pour les travailleurs et leur famille.

Et juste après, ils disent que les mesures déjà appliquées ne suffiront pas.

L’aggravation de la crise de la zone euro a déjà forcé le gouvernement à revoir à la baisse ses prévisions de la croissance économique de cette année et a fait rebondir les rendements sur les obligations en Irlande, rendant ainsi probable que l’Irlande devra prévoir un nouveau plan de sauvetage l’année prochaine, une fois l’actuel plan de 85 milliards d’euros arrivé à terme.

Tout comme en Grèce, l’admission que des années de « sacrifice » ont été vaines n'est utilisée que comme une mise en garde funeste que, en cas de rejet du traité, le résultat n'en sera que plus cauchemardesque.

Forte du soutien vigoureux d’entreprises telles Glen Dimplex et GlaxoSmithKline, la campagne en faveur du « Oui » fait poindre la menace qu’un vote « Non » aura comme conséquence que l’Irlande perde l’accès au fonds de sauvetage permanent (European Stability Mechanism, ESM, mécanisme européen de stabilité) et qu'elle subisse une « grève des investisseurs » avec le départ des principales multinationales qui emploient un tiers de la main-d’oeuvre irlandaise et qui comptent pour plus des trois quarts de ses exportations.

La préoccupation des multinationales n’est pas la catastrophe économique qui s’abattra sur la population mais la perspective que la bourgeoisie irlandaise soit contrainte, pour lever des fonds, d’augmenter son impôt de 12,5 pour cent sur les sociétés.

Le recours à un tel chantage non dissimulé est rendu encore plus extraordinaire par le fait que le résultat du référendum n’aura aucun impact sur les autres Etats-membres de l’UE qui le ratifieront de toute façon.

Ce que craint l’oligarchie financière c’est qu’un « Non » ne rende par trop apparente la vaste hostilité des travailleurs contre l’UE et sa politique et n'attise la résistance des travailleurs en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie et ailleurs contre la dictature des banques et du patronat.

Le principal problème auquel la population laborieuse est confrontée est toutefois que les partis qui mènent la campagne du « Non », Sinn Fein et l’Alliance de la Gauche unie (United Left Alliance, ULA), n’ont nullement l’intention de mener une telle lutte. Tout en définissant leur politique comme étant une répudiation du « traité d’austérité », ils affirment qu’un « Non » peut servir à faire pression sur l’UE pour renégocier certains éléments de ce même traité.

Sinn Fein a laissé tomber son opposition précédente à l’UE et affirme maintenant que la « priorité est en ce moment de stabiliser l’euro » au moyen d’un « pacte de croissance » et d’une « restructuration de la dette » qui permettra à l’Irlande de « revenir sur les marchés avec des taux d’intérêts normaux. »

Tout en affirmant qu’un vote « ‘Non’ pourrait être le début d’une lutte à l’échelle européenne contre l’austérité et pour une Europe socialiste, » l’ULA – conduite par le Parti socialiste et le Socialist Workers Party – promeut la même dangereuse illusion qu'il serait possible de réformer l’UE dans l’intérêt des travailleurs.

La majeure partie de la campagne de l’ULA se déroule en insistant sur le fait que l’Irlande sera toujours en mesure d’accéder au fonds de renflouement de l’UE en cas d’un vote « Non » et qu’il existe un mécanisme juridique pour empêcher que l’Irlande ne soit « expulsée de l’euro ou de l’UE. »

Confrontée à un effondrement systémique du système capitaliste de profit, l’ULA propose qu’une grève générale de 24 heures soit organisée par les syndicats européens de façon « à semer la terreur au sein des classes capitalistes d'Europe. »

Il s’agit là des mêmes syndicats qui se sont partout opposés à la moindre lutte authentique contre la politique d’austérité de l’UE et des gouvernements nationaux. En Irlande, ils ont joué un rôle déterminant pour permettre aux gouvernements successifs d’imposer une réduction des dépenses publiques et de geler les salaires au moyen de l’accord Croke Park qui interdit de faire grève. En droite ligne avec cette politique, la Fédération des Syndicats irlandais (Irish Congress of Trade Unions, ICTU) a refusé de prendre position officiellement sur le référendum.

Tout comme la coalition SYRIZA en Grèce qui comprend l’organisation soeur du Parti Socialiste, l’ULA présente le président français, François Hollande, comme son allié dans la lutte contre l’austérité et les dictats de l’UE. Ceci confirme le rôle de défenseur du régime bourgeois joué par ces groupes soi-disant de gauche et leur hostilité à la lutte pour le pouvoir ouvrier.

La lutte contre l’austérité ne peut être victorieuse que par la mobilisation des travailleurs dans une lutte sociale et une grève de masse contre le système capitaliste de profit. Le rejet du traité fiscal communautaire doit devenir un point de départ pour se tourner vers la classe ouvrière de l'Europe toute entière afin de mettre en place les Etats socialistes unis d’Europe et d'utiliser les vastes richesses et ressources du continent pour fournir à tous des emplois, des logements, l’éducation, des soins de santé et une retraite décents. Le Comité international de la Quatrième Internationale propose aux travailleurs et aux jeunes d'Irlande une authentique direction socialiste et internationaliste dont ils ont en ce moment un besoin urgent.

(Article original paru le 30 mai 2012)

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