Chute mondiale des marchés due aux craintes causées par la crise de la dette espagnole

Les marchés boursiers ont vu un bradage significatif d'actions le 24 juillet sur fond de craintes causées par l'aggravation rapide de la crise en Espagne et la possibilité que la Grèce soit bientôt forcée de quitter l'eurozone, déclenchant une nouvelle tourmente financière.

 

Il y a moins d'un mois, les leaders européens sortaient d'une réunion au sommet exprimant leur confiance dans le fait qu'on avait trouvé le moyen d'injecter de l'argent dans le système bancaire espagnol sans accroître la charge de la dette souveraine pour le gouvernement. Cette solution s'est depuis avérée être une fiction. La dernière crise s'est produite dans la foulée de l'accord signé vendredi dernier sur le versement de 100 milliards d'euros aux banques espagnoles et qui stipule clairement que le gouvernement se porte garant pour la totalité de la somme.

 

En Europe, les marchés ont perdu entre 2 et 3 pour cent, le marché espagnol chutant de plus de 5 pour cent. Les pertes auraient été encore plus lourdes si les autorités espagnoles et italiennes n'avaient interdit temporairement les ventes à découvert. Aux Etats-Unis, le Dow Jones a plongé de 200 points à l'ouverture pour finir la journée avec une perte de 100 points.

 

Plus significatives encore furent les fluctuations sur les marchés obligataires. Reflétant la crainte croissante quant à la crise en Europe, le rendement des emprunts du Trésor américain à 10 ans ont subi une baisse record et sont tombés à 1,396 pour cent au cours de la journée boursière.

 

Le taux d'intérêt des emprunts espagnols à 10 ans a atteint un nouveau record depuis l'existence de l'euro pour arriver à 7,56 pour cent, bien au-delà des 7 pour cent généralement considérés comme intenables à long terme. Mais ce fut l'évolution des emprunts à court terme qui montra de la façon la plus spectaculaire que la crise est en train de s'intensifier.

 

Jusqu'à présent, le gouvernement espagnol a été incapable de contrecarrer la hausse des rendements à long terme en empruntant de l'argent à travers la vente d'obligations à court terme, dont les taux d'intérêt étaient moindres. Mais il ne sera peut être bientôt plus possible de recourir à cette tactique. Le 24 juillet, les rendements des emprunts espagnols à 2 ans ont grimpé de 78 points – l'augmentation journalière la plus importante depuis le commencement de la crise -- atteignant un record de 6,54 pour cent depuis l'existence de l'euro.

 

Comme le notait un récent article du Financial Times, "l'aplatissement de la courbe des rendements" où les taux à long et à court terme tendent à converger, a des "implications effrayantes pour l'Espagne" . Des analystes cités par ce journal disent qu'il existait le "sentiment qu'en Espagne la situation est hors de contrôle".

 

La tourmente financière a été renforcée par la demande urgente d'assistance adressée par la région de Valence au gouvernement central de Madrid la semaine dernière. On s'attend à ce qu'elle soit suivie de demandes semblables de la part de six autres régions espagnoles, parmi elles la Catalogne dont l'économie a la taille de l'économie portugaise. Les dix-sept régions espagnoles ont près de 16 milliards de dettes à refinancer pour la seconde moitié de cette année.

 

L'Espagne est prisonnière d'un cercle vicieux: la récession économique exacerbe la crise de la dette, qui entraîne à son tour de nouvelles coupes budgétaires et celles-ci poussent l'économie plus avant dans la récession. La Banque d'Espagne annonça ainsi que l'économie s'était contracté de 0,4 pour cent au cours du second trimestre de cette année par rapport au premier trimestre et que l'Espagne resterait dans la récession au moins jusqu'en 2014.

 

L'intensification de la crise implique la forte probabilité que l'Espagne encourra un soi-disant "renflouement" et sera placée sous le contrôle direct de la "Troïka" composée de la Commission européenne, de la Banque centrale Européenne (BCE) et du Fonds Monétaire international (FMI). Cela signifiera d'autres coupes et d'autres mesures d'austérité en sus de celles stipulées dans le train des coupes à hauteur de 65 milliards d'euros annoncées par le gouvernement espagnol la semaine dernière.

 

Des pourparlers sont prévus sous peu entre le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble et son homologue espagnol , Luis de Guindos sur l'"avenir de l'Espagne". De Guindos a dit au parlement espagnol le 24 juillet que, dans la situation actuelle d'"incertitude et d'instabilité" la seule façon possible d'agir se trouvait "bien au delà des capacités d'un gouvernement".

 

L'agence de notation Moody's considère qu'une opération de renflouement de l'Espagne est de plus en plus probable. Elle a révisé la note de crédit de l'Allemagne, des Pays-Bas, et du Luxembourg à la baisse du à ce qu'elle appelle une "incertitude grandissante" quant à la crise européenne de la dette. Mentionnant une "probabilité croissante" de la nécessité d'un soutien collectif pour des pays comme l'Espagne et l'Italie, Moody's a modifié son estimation pour les économies les plus fortes du continent parce qu'il était "probable que cette charge pèserait très lourdement sur les Etats membres les mieux notés si la zone euro doit être préservée sous sa forme actuelle. "

 

En plus de la crise espagnole, la tourmente sur les marchés est attisée par les signes croissants indiquant que la Grèce sera bientôt exclue de l'eurozone. L'hebdomadaire allemand Der Spiegel a écrit que le FMI n'était plus disposé à fournir d'aide financière, alimentant la crainte que le gouvernement grec pourrait se trouver à court d'argent au mois de septembre.

 

L'information a été démentie par le FMI qui a dit qu'il continuait à soutenir la Grèce. Une équipe de la Troïka entame cette semaine des discussions avec le gouvernement grec et les autorités financières à Athènes sur l'application du programme de coupes et de mesures d'austérité liées au plan de renflouement du pays.

 

Si le FMI a officiellement démenti l'information parue dans le Spiegel, il y a néanmoins d'autres signes indiquant que la Grèce pourrait être exclue de l'obtention de fonds. Le 20 juillet, la BCE a dit qu'elle n'accepterait plus les obligations grecques en tant que garanties pour des prêts jusqu'à ce qu'elle ait obtenu un rapport complet de la Troïka. Celui-ci n'est pas du avant le mois de septembre.

 

Durant le week-end du 21-22 juillet, le ministre allemand de l'Economie, Philipp Rösler dit à la station de radio ARD que la Grèce ne serait probablement pas en mesure de respecter ses engagements vis-à-vis de ses créanciers internationaux. Si cela était le cas, dit-il, Athènes ne pourrait plus obtenir d'argent. "Ce qui est clair", dit Rösler, c'est que "si la Grèce ne remplit pas ces conditions, il n'y aura plus d'autres versements".

 

A la question de savoir quelles seraient les conséquences d'une telle décision, il répondit que pour lui, comme pour d'autres, "une sortie de la Grèce de l'eurozone n'est plus depuis longtemps une vision d'horreur".

 

Si Rösler n'exprime pas la vue officielle du gouvernement allemand – il est membre du FDP (Parti libéral) petit partenaire de la coalition gouvernementale – ses vues reflètent une modification de l'attitude de l'élite politique européenne. Ayant pendant les deux dernières années fait en sorte que la plus grande partie de la dette grecque soit transférée des banques et d'instituts financiers privés aux autorités gouvernementales, elle serait prête à couper les ponts avec la Grèce.

 

Le chaos financier et social que cela déclencherait aurait, du point de vue des banquiers, l'avantage de donner un exemple à la population espagnole, comme à celle d'autres pays, de ce qui arrive si elle résiste aux exigences de l'Union européenne et des banques.

 

(Article original publié le 24 juillet 2012)

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