Perspectives

L’économie à bas salaire, sans augmentation

Le gouvernement Obama a salué le rapport sur l’emploi publié vendredi par le Bureau des statistiques du travail (BLS) du département américain du Travail en affirmant que les 163.000 nouveaux emplois créés en juillet représentaient un développement positif au bout de trois mois, d’avril à juin. La progression du nombre d’emplois durant ces trois mois correspond à moins de la moitié de ce chiffre. Les médias américains ont adopté un point de vue identique dans leur couverture médiatique et le marché boursier a réagi favorablement avec sa troisième plus forte hausse de l’année.

Ce qu’ils ont toutefois célébré est loin d’être une véritable reprise du marché du travail. Wall Street a considéré que le rapport sur l’emploi donnait une impulsion suffisante pour éviter un effondrement économique incontrôlé, tout en garantissant que les conditions auxquelles la classe ouvrière était confrontée demeurent suffisamment précaires pour empêcher qu’une pression considérable à la hausse des salaires ne soit exercée sur les entreprises. La Maison Blanche doit certainement être du même avis.

La part effective de la population adulte qui occupe un emploi a chuté en juillet de 58,6 à 58,4 pour cent alors que le taux plus général du chômage, en tenant compte à la fois de ceux qui sont découragés et qui ont cessé toute recherche d’un emploi et ceux qui travaillent involontairement à mi-temps, est passé de 14,9 pour cent à 15 pour cent – près d’un travailleur sur six.

Il y a de bonnes raisons de se demander si le rapport sur l’emploi décrit exactement la situation telle qu’elle se présente sur le marché du travail. Un rapport distinct du département américain du Travail, se fondant sur une étude des ménages, a constaté une baisse de 195.000 emplois en juillet. De plus, le chiffre du BLS qui indiquait une augmentation de 163.000 emplois était basé sur des données brutes affichant une baisse de 1,2 million d’emplois, et qui a subi une correction des variations saisonnières pour anticiper une augmentation. Ceci pourrait bien être surévalué parce que le processus habituel de juillet est fortement influencé par la période de transition traditionnelle de l’industrie automobile, qui n’a pas eu lieu cette année.

Ce qui est nettement plus important que le chiffre exact des emplois créés ou perdus en juillet est la qualité de ces emplois. La vaste majorité des nouveaux emplois créés au cours de 2012 ont été des emplois à mi-temps ou faiblement rémunérés ou bien les deux à la fois. Les emplois à plein temps ont en fait diminué de 750.000 depuis le mois de mars.

Dans le même temps, une augmentation de salaire est pour ainsi dire inexistante. Depuis mars 2010, lorsque les chiffres officiels de l’emploi avaient touché le niveau le plus bas, le salaire des travailleurs non qualifiés a augmenté de tout juste 3 cents l’heure, si l’on tient compte de l’inflation. Ceci est la conséquence de deux processus : l’incapacité des travailleurs de faire pression pour une augmentation de salaire alors qu’ils ne bénéficient pas de la sécurité de l’emploi, et des salaires anormalement bas payés à ceux qui ont obtenu de nouveaux emplois au cours de ces deux dernières années.

Selon un rapport publié récemment par l’Economic Policy Institute (EPI), 28,3 pour cent de tous les travailleurs reçoivent de nos jours des salaires correspondant au seuil de pauvreté et l’on s’attend à que ce chiffre reste inchangé, à 28 pour cent, jusqu’en 2020. Selon des enquêtes menées auprès des employeurs pour savoir où des emplois seront créés dans les prochaines huit années, l’EPI a trouvé qu’un pourcentage étonnant de 25 pour cent ne nécessiterait même pas d’une éducation secondaire, alors même qu’à peine 8 pour cent de la main d’œuvre relève de cette catégorie.

En d’autres termes, malgré les affirmations incessantes que des études universitaires sont essentielles pour obtenir un emploi décent, le capitalisme américain réserve quelque chose de tout à fait différent à la nouvelle génération de la classe ouvrière : des emplois faiblement rémunérés dans la vente au détail, la santé, le travail intérimaire de bureau et la restauration, où la majeure partie des nouveaux travailleurs ne gagnera qu’un salaire minimum ou légèrement plus.

Le département du Travail a rapporté que le ratio des demandeurs d’emploi par rapport aux emplois disponibles se situait à 3,7 pour 1, mieux que 6 pour 1 pendant la pire récession, mais bien pire durant l’actuelle « reprise » que durant les récessions précédentes. Durant la récession de 2001, par exemple, le chiffre le plus élevé des demandeurs d’emploi par rapport aux emplois disponibles avait été de 2,9 pour 1.

Alors que ces chiffres documentent combien le capitalisme américain est incapable de fournir du travail à de vastes sections de la classe ouvrière, les représentants politiques du patronat ne proposent rien pour aborder la crise. Ni le président Obama ni son adversaire républicain Mitt Romney n’offrent une perspective pour créer des emplois, si ce ne sont les inévitables réductions d’impôts pour les grandes entreprises et le monde des affaires.

La Chambre des représentants, dominée par les républicains, et le Sénat, sous la gouverne des démocrates, sont partis pour leurs cinq semaines de vacances en août sans prendre la moindre mesure contre la crise sociale. Et la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, n’a fait que fournir un crédit bon marché aux entreprises pour faire augmenter le cours des actions et les profits.

La présentation enjolivée du rapport par Obama et son mépris à peine masqué à l’égard de la détresse de la classe ouvrière cache une politique délibérée de chômage élevé qui est poursuivie par son gouvernement et la Réserve fédérale, au service du patronat américain. L’élite dirigeante américaine est en train d’appliquer une réduction historique des salaires, des conditions de travail et des niveaux de vie de la classe ouvrière.

En ce qui concerne les politiciens démocrates et républicains, la stagnation et la baisse généralisée des salaires réels ne sont pas une calamité, mais plutôt une chose positive. Ils saluent la dégradation des niveaux de vie des travailleurs parce qu’elle a généré des profits records pour les entreprises américaines en dépit du marasme économique prolongé. En effet, le produit intérieur brut américain est revenu au niveau d’avant le krach financier de 2008, mais cinq millions de travailleurs en moins sont employés.

Une seule campagne électorale pour les élections de 2012 a comme point de départ la défense des emplois, des niveaux de vie et des prestations sociales des travailleurs : le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste, SEP) et nos candidats à la présidence et à la vice-présidence, Jerry White et Phyllis Scherrer. Seule la campagne du SEP lutte sur la base d’un programme socialiste pour la mobilisation politique de la classe ouvrière afin d’effectuer une redistribution de la richesse des ultra-riches vers les travailleurs et afin de réorganiser la vie économique dans le but de satisfaire les besoins humains et pas les profits des grandes entreprises.

Pour de plus amples renseignements sur la campagne menée par le Socialist Equality Party, visitez : www.socialequality.com.

(Article original paru le 6 août 2012)

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