La victoire aux enseignants de Chicago!

La grève déclenchée par 26.000 enseignants des écoles publiques de Chicago est d’une importance vitale pour la classe ouvrière à travers les États-Unis et internationalement. Le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste se tiennent aux côtés des enseignants en grève et pressent les travailleurs et les jeunes partout au pays et dans le monde à appuyer leur lutte.

Les enseignants de Chicago ont courageusement défié les deux partis de la grande entreprise – les démocrates et les républicains – ainsi que les médias et l’élite financière qui se sont ligués contre eux. Ils ne luttent pas seulement pour leurs propres emplois, leurs conditions de vie et leurs conditions de travail, aussi importants soient-ils. Ils luttent pour des principes : la défense des écoles publiques et le droit des jeunes à une éducation décente.

Cette grève est la première confrontation majeure entre la classe ouvrière américaine et l’administration Obama, laquelle coordonne directement ses interventions avec le maire Rahm Emanuel, ancien secrétaire général d’Obama à la Maison-Blanche, avec l’aide du secrétaire à l’Éducation Arne Duncan, ancien directeur des Écoles publiques de Chicago.

Selon un article du Washington Post de mercredi, «les responsables de l’administration suivent les événements de près et font de fortes pressions pour un règlement rapide. Duncan, un ancien directeur général du système d’éducation de Chicago, a fréquemment été en contact téléphonique avec le président de la Fédération américaine des enseignants (American Federation of Teachers, AFT) Randi Weingarten… Et les responsables de l’AFT ont contacté l’équipe du président Obama dimanche afin de la maintenir au courant, alors qu’il devenait clair que la grève allait se produire, selon des personnes qui connaissaient bien la situation.»

Les médias du patronat américain ont présenté les enseignants comme des opposants aux «réformes» exigées pour améliorer les écoles publiques et ont décrit le maire multimillionnaire Emanuel comme le défenseur des enfants et de leurs parents.

L’éditorial de mercredi du New York Times, le journal qui exprime régulièrement les sentiments politiques de l’administration Obama, est typique. L’éditorial porte le titre diffamatoire «La folie des enseignants de Chicago». Il qualifie la grève d’«insensée», tout en dénonçant l’opposition des enseignants aux évaluations basées sur des tests standardisés et leur résistance à l’embauche sans égard à l’ancienneté.

En réalité, ce sont les politiciens de la grande entreprise comme Emanuel et ses homologues au niveau fédéral et étatique, démocrates et républicains, qui ont mené une guerre contre les écoles publiques, particulièrement depuis les trois dernières années. Depuis qu’Obama, un produit de la machine démocrate de Chicago, est entré à la Maison-Blanche, plus de 300.000 emplois ont été supprimés en éducation. Son secrétaire à l’Éducation a mené l’attaque avec des programmes tels Race to the Top, qui incitent les gouvernements étatiques et municipaux à détruire des emplois, à couper les salaires et les avantages sociaux, puis à privatiser les écoles.

Ce que les démocrates et les républicains appellent faussement «réforme» est en fait le démantèlement de l’éducation publique, une des grandes conquêtes de la classe ouvrière, gagnée à travers d’âpres luttes pendant plus d’un siècle.

Les représentants de la grande entreprise affirment que les emplois et les salaires des enseignants devraient être déterminés par les résultats des tests standardisés qui ne tiennent pas compte de l’impact des conditions sociales atroces – la pauvreté, l’itinérance, la faim, la consommation de drogues, la violence – qui sont le produit de la crise du système capitaliste.

Les enseignants sont bien au courant de l’impact de ces conditions sur les capacités de leurs élèves à se développer et à apprendre. Ils font de leur mieux pour aider les enfants à surmonter ces conditions, mais ils refusent justement d’être les boucs-émissaires d’une crise sociale plus vaste qu’ils n’ont pas créée.

L’élite patronale profite de cette crise pour transformer l’éducation publique, comme tous les domaines de la vie sociale, en une source de profit, d’où la volonté de privatiser les écoles et de mettre les enfants à la merci des exploitants d’écoles privés à profit et leurs bâilleurs de fonds, tels les fonds spéculatifs et les milliardaires comme Bill Gates et Eli Broad.

Une question doit être posée à ceux qui prétendent que les professeurs devraient «rendre des comptes» sur la façon dont performent les étudiants lors des examens standardisés : pourquoi cela est-il exigé des travailleurs américains, mais pas de ceux qui dirigent le système capitaliste?

Le président Obama déclare qu’il ne peut être tenu responsable du chômage de masse et la pauvreté grandissante aux États-Unis parce qu’il a hérité de la crise financière de l’administration Bush. Pas un seul banquier, gestionnaire de fonds spéculatif ou spéculateur financier n’a été tenu responsable des manœuvres financières criminelles qui ont produit le krach de Wall Street. Pas un seul administrateur de BP n’a été tenu responsable du déversement de pétrole dans le Golfe du Mexique et aucun politicien n’a été tenu responsable des crimes tels que la guerre en Irak, l’utilisation de la torture par la CIA ou les attaques contre les droits constitutionnels sous les administrations Bush et Obama.

Mais lorsque les professeurs font grève à Chicago, tout l’establishment politique aux États-Unis les dénonce d’une seule voix, réagissant comme des maîtres d’esclaves face à une rébellion de la base longtemps redoutée. Le candidat à la vice-présidence pour le Parti républicain, Paul Ryan, a fait la déclaration extraordinaire que malgré ses différences politiques avec Rahm Emanuel – coprésident du comité de réélection d’Obama jusqu’à ce qu’il démissionne afin d’être à la tête du principal superPAC (super comité d’action politique) d’Obama – il était totalement solidaire du maire de Chicago contre les professeurs en grève.

Les professeurs ont provoqué la haine et l’opposition de tout l’establishment politique parce que leurs luttes défient la fantaisie des médias d’un monde parallèle dans lequel les multimillionnaires prennent soin de l’éducation des pauvres et des enfants issus des minorités, et où les professeurs, qui dédient leur vie professionnelle à aider les enfants à apprendre, sont cupides et égoïstes.

Derrière l’arrogance et le mépris de Rahm Emanuel ne se trouve pas seulement une personnalité violente, mais la peur réelle, de la part des pouvoirs en place, que la grève des professeurs de Chicago donne une voix à un esprit de résistance de plus en plus grand dans la classe ouvrière américaine. Cela a été exprimé massivement l’an passé au Wisconsin, lors de la vague de grèves et de protestations contre la législation antiouvrière mise en oeuvre par le gouverneur républicain Scott Walker.

La lutte au Wisconsin a été sabotée et ultimement défaite par les politiques des chefs syndicaux, qui ont bloqué le mouvement vers une grève générale et ont subordonné les travailleurs au Parti démocrate. La leçon pour les professeurs de Chicago est claire : il est impossible de mener une lutte réussie sans une nouvelle stratégie politique.

Les professeurs et leurs partisans doivent reconnaître qu’ils font face à une lutte politique non seulement contre Rahm Emanuel, mais aussi contre l’administration Obama et tout l’establishment politique américain, démocrate et républicain. Pour que les enseignants l’emportent, il faut la mobilisation la plus vaste possible des travailleurs à Chicago et nationalement et défier directement la domination de l’élite financière sur les ressources du pays.

Dans des conditions où la grève crée inévitablement des problèmes pratiques pour la classe ouvrière, l’appui populaire initial à la grève risque d’être érodé sous l’impact d’attaques incessantes des médias et des politiciens, à moins qu’un appel plus large soit fait à la classe ouvrière et que les questions de classe et politiques fondamentales soient expliquées clairement.

Les syndicats officiels, le Syndicat des enseignants de Chicago (Chicago Teachers Union, CTU) et son organisation mère, l’AFT, s’opposent à une telle lutte. Les chefs syndicaux prétendent que les droits des professeurs et l’éducation publique peuvent être défendus pendant que les professeurs et les travailleurs en général sont subordonnés au Parti démocrate et au système capitaliste qu’il défend. Cette perspective n’est absolument pas viable et, si les enseignants ne s’y opposent pas eux-mêmes, elle mènera la lutte à la défaite.

Les attaques sur les professeurs et l’éducation publique font partie d’une contre-révolution sociale qui est menée par l’élite dirigeante américaine contre la classe ouvrière en entier. Pour s’y opposer, il faut le développement d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière basée sur un programme socialiste.

Comme première étape dans cette lutte, le Parti de l’égalité socialiste propose l’organisation de comités de travailleurs de la base composés de professeurs, de parents, d’étudiants et des membres du personnel de soutien pour prendre en charge la conduite de la grève et les négociations avec le système scolaire. Ces comités doivent susciter un tournant vers toutes les sections des travailleurs et des jeunes à Chicago, dans les banlieues de la ville et à travers le pays.

(Article original paru le 13 septembre 2012)

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