Premier congrès national du SEP (Australie)

Résolution 4 : Contre l’accord militaire États-Unis-Australie

Voici la quatrième de sept résolutions adoptées à l’unanimité lors du premier congrès national du Socialist Equality Party (Australie) qui s’est tenu du 6 au 9 avril 2012 à Sydney.

1. Le présent congrès du Socialist Equality Party appelle la classe ouvrière australienne à s’opposer à l’accord militaire conclu avec l’administration Obama par le gouvernement travailliste Gillard en novembre 2011. Le Parti travailliste a offert le nord et l’ouest de l’Australie comme têtes de pont pour la tentative téméraire de l’impérialisme américain de renverser son déclin historique par une confrontation militaire avec la Chine. Ce faisant, il a accru le risque que les travailleurs de toute la région et à l’échelle internationale soient plongés dans une nouvelle guerre mondiale.

2. Cet accord qui prévoit le stationnement de 2 500 marines américains à Darwin d’ici 2016, de même qu’un accès accru aux ports et aux bases aériennes d’Australie pour les navires de guerre et les aéronefs des États-Unis, y compris les drones militaires opérant actuellement depuis les îles Cocos, est hautement provocateur. Les opérations militaires interarmées des États-Unis et de l’Australie font peser la menace d’un blocus des voies maritimes clés entre les océans Indien et Pacifique, coupant ainsi l’accès de la Chine à des ressources énergétiques et de matières premières essentielles. Le prétexte réactionnaire de la « protection des frontières », visant à empêcher les réfugiés d’atteindre les côtes australiennes, a déjà été utilisé pour maintenir un vaste système de surveillance contre tous les navires circulant dans l’océan Indien oriental à partir des bases de l’île Christmas. L’attitude agressive des États-Unis et de l’Australie entraînera inévitablement des contre-mesures de la Chine, déstabilisant ainsi les relations dans tout le Sud-est asiatique.

3. L’alignement du gouvernement travailliste sur le programme militariste de l’administration Obama découle de la dépendance historique de l’alliance de l’Australie avec les États-Unis pour défendre ses intérêts économiques globaux et stratégiques. Avant 1941, la défense de ces intérêts était menée sous l’égide de l’Empire britannique. Lorsque la puissance britannique en Asie a commencé à s’effondrer à la suite de l’entrée du Japon dans la Deuxième Guerre mondiale, Canberra s’est alors tourné vers les États-Unis.

Depuis plus de 120 ans, la classe dirigeante australienne considère que les îles situées au nord du continent et au sud-ouest du Pacifique relèvent de sa sphère d’influence, pillant impitoyablement leurs ressources et exploitant leurs peuples. Maintenant, en dépit des écrasants liens économiques de l’Australie avec l’Asie, en particulier les relations commerciales lucratives avec la Chine, l’élite dirigeante craint l’influence croissante de Beijing dans la région, et reste stratégiquement dépendante de l’appui des États-Unis.

4. L’alliance États-Unis-Australie est une relation mercenaire, entretenue aux frais de la classe ouvrière australienne et des masses opprimées de la région. Les gouvernements australiens successifs ont payé pour le soutien américain en accueillant des bases américaines et en approuvant inconditionnellement la politique étrangère des États-Unis, envoyant des troupes pour combattre et mourir dans chaque grande guerre menée par Washington depuis 1945 – depuis la Corée et le Vietnam, en passant par la guerre du Golfe de 1991 contre l’Irak, et l’invasion de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003. En contrepartie, Washington a soutenu les interventions militaires/diplomatiques australiennes au Timor oriental, aux iles Salomon, au Tonga, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, à Fidji et au Vanuatu pour réprimer des troubles sociaux ou prévenir les gouvernements de ces pays de passer sous l’influence d’autres puissances.

5. L’accord militaire Obama-Gillard marque une nouvelle expansion qualitative de l’alliance américano-australienne, sans même avoir recours au prétexte d’un débat parlementaire, pour ne pas parler d’un vote populaire. En cela, le gouvernement travailliste Gillard poursuit le rôle que le Parti travailliste a toujours joué en tant que parti prééminent de l’impérialisme et de la guerre. À chaque moment de crise et de transition, qu’il s’agisse de la Première Guerre mondiale, de la Grande Dépression, de la Deuxième Guerre mondiale, des bouleversements sociaux et politiques des années 1970 et 1980, ou encore de maintenant, la classe dirigeante s’est appuyée sur le Parti travailliste, son soutien le plus ancien et le plus essentiel, pour présider à ses changements majeurs de politique et d’orientation.

6. Le présent congrès condamne la militarisation de la société qui accompagne les préparatifs en cours pour la guerre. Pour la première fois depuis le Vietnam, les stratèges militaires discutent de la mise en place du service militaire obligatoire pour remédier à la pénurie de personnel dans les forces armées et fournir de la chair à canon pour les conflits à venir. À l’école, les jeunes sont soumis à une propagande nationaliste glorifiant le militarisme australien ; depuis 2008, le Parti travailliste a désigné trois nouveaux jours comme autant d’occasions pour commémorer des conflits à l’échelle nationale. L’Armée est régulièrement mobilisée pour renforcer les opérations de police lors de supposées « urgences nationales », tandis que des pouvoirs draconiens sont concentrés entre les mains des agences de renseignement et de la police, sous les auspices de la frauduleuse « guerre au terrorisme », et sont utilisés au pays pour mener une surveillance sans précédent de toute dissidence politique alléguée.

7. Le présent congrès dénonce la tentative du gouvernement travailliste de faire revivre la xénophobie sur la base que le pays est confronté à une menace d’invasion d’un agresseur non précisé au nord. Cette demande, qui sera de plus en plus utilisée pour justifier la marche vers la guerre, renvoie à la rhétorique raciste des années 1950 et 1960 : l’Australie était alors menacée par le « péril jaune » du nord incarné par les « communistes chinois ». Mais en fait, le danger de guerre naît de l’agression américano-australienne.

8. Les personnalités politiques et du monde des affaires qui expriment des divergences quant à l’alignement inconditionnel du Parti travailliste sur les États-Unis et qui proposent plutôt un accommodement paisible avec la Chine, n’incarnent en aucun cas une opposition au militarisme. Elles expriment plutôt des inquiétudes au sein des sections de l’élite dirigeante que l’alignement vers un conflit menace les super-profits découlant des exportations vers la Chine. En dépit de leurs hésitations, ces personnalités s’aligneront derrière l’option de la confrontation militaire. L’ancien premier ministre australien Kevin Rudd parlait pour eux tous en mars 2009, quand il a dit à la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton que les efforts pour s’entendre avec Beijing devraient également s’accompagner de « préparatifs à déployer la force si jamais cela tourne au vinaigre ».

9. Les Verts australiens, en dépit de leurs prétentions pacifistes et anti-guerre, agissent en complices directs au gouvernement travailliste et de son ordre du jour militariste. Les Verts ont critiqué la participation australienne à la guerre en Irak sous le motif que l’Armée devrait plutôt se concentrer sur la défense des intérêts stratégiques australiens dans le Pacifique Sud et en Asie du Sud-Est. Avec cette nouvelle concentration des forces armées dans le nord, ils ont largement atteint leurs objectifs. Révélant clairement le rôle que les Verts joueront dans la légitimation du militarisme, leur chef, Bob Brown, a exprimé son accord avec la justification de l’attitude agressive de l’administration de Barack Obama contre le régime chinois en raison de ses violations des droits de l’homme. En 1999, les Verts ont déjà utilisé de tels prétextes « humanitaires » pour appeler à une intervention militaire au Timor oriental afin d’assurer la domination de l’Australie sur ce jeune État nouvellement formé, puis à nouveau en 2011 pour soutenir la guerre aérienne meurtrière menée par les États-Unis contre la Libye.

10. Les organisations de la pseudo-gauche, telles que Socialist Alliance et Socialist Alternative, jouent un rôle particulièrement pernicieux. Elles cherchent à bloquer le développement d’un mouvement socialiste indépendant en dissimulant à la classe ouvrière les dangers qu’elle affronte. Elles nient les forces objectives qui sont le moteur de la guerre impérialiste et font la promotion de l’illusion que la classe dirigeante australienne peut renoncer au militarisme sous la pression des manifestations de masse. Leur attitude face aux tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine a été résumée par Tom Bramble de Socialist Alternative, qui a conclu dans un essai l’an dernier qu’« une guerre entre la Chine et les États-Unis est peu probable dans un avenir prévisible ».

11. La pseudo-gauche parle au nom d’une couche aisée de la classe moyenne totalement intégrée dans l’establishment politique et l’appareil syndical officiels. Elle a joué un rôle clé dans la facilitation de l’intervention militaire australienne au Timor oriental en 1999, le premier déploiement outre-mer militaire de l’Australie depuis le Vietnam, en appelant activement à l’« envoi de troupes ». Tout comme les Verts, la pseudo-gauche a donné son plein appui à l’occupation militaire australienne subséquente de ce petit État pauvre, fournissant ainsi un soutien crucial à la classe dirigeante lorsque ses intérêts stratégiques et économiques les plus vitaux ­– pour ne pas les nommer, les vastes réserves de gaz et de pétrole lucratives du Timor oriental – étaient en jeu. Il ne fait aucun doute qu’elle va faire la même chose au fur et à mesure que les tensions internationales vont aller en s’aggravant, et utilisera sa fausse rhétorique de « gauche » pour encore une fois justifier le néo-colonialisme et la guerre.

12. Les principes politiques qui doivent guider la classe ouvrière dans sa lutte contre le militarisme ont été établis par le mouvement marxiste au début du XXe siècle. Ils sont fondés sur la compréhension que l’ennemi principal est dans notre pays, incarné par le gouvernement australien et l’élite financière et des entreprises qu’il sert. Les plus grands alliés des travailleurs et des jeunes australiens sont la classe ouvrière et les masses opprimées de la région Asie-Pacifique, des États-Unis, d’Europe et du monde entier. L’unité internationale de la classe ouvrière doit être forgée par une lutte constante contre toute forme de nationalisme, de chauvinisme et de collaboration de classe.

13. Le présent congrès affirme que la seule réponse à la menace de guerre impérialiste est la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière pour renverser le système capitaliste du profit et d’établir un gouvernement ouvrier basé sur un programme socialiste et internationaliste. Seul un gouvernement ouvrier peut démanteler les appareils État et militaire et réorienter les ressources pour satisfaire les besoins sociaux pressants de la classe ouvrière en Australie et dans toute la région.

14. Le présent congrès exige la répudiation de toutes les alliances militaires et accords d’accès, la fermeture de toutes les bases américaines et le renvoi de tout le personnel militaire américain du pays. Nous exigeons le retrait immédiat et inconditionnel des troupes, de la police et des représentants australiens de l’Afghanistan, du Timor oriental, des îles Salomon, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de tout autre pays où ils sont déployés. Nous nous opposons à toute action militaire à venir de l’Australie dans le Pacifique ou ailleurs, et dénonçons leurs motivations prédatrices.

15. Le présent congrès affirme que le Socialist Equality Party, en collaboration étroite avec ses copenseurs du Comité international de la Quatrième Internationale, place la lutte contre le militarisme et la guerre au cœur même de son travail politique.

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