Perspectives

La crise européenne entraîne un glissement vers une récession mondiale

La crise financière européenne est en train de créer un tourbillon économique qui menace d’entraîner le reste de l’économie mondiale dans un marasme grandissant.

Trois ans après qu’on ait officiellement déclarée finie la soi-disant Grande récession aux Etats-Unis – un temps au bout duquel une expansion économique était déjà bien en route lors de reprises précédentes – les plus récentes données montrent que le secteur manufacturier américain a commencé à se contracter.

Contrairement aux prédictions de nombreux économistes, l’étude de l’Institute for Supply Management (ISM) sur les activités économiques a montré un déclin de son indice de 53,5 en mai à 49,7 en juin, le niveau le plus bas depuis mi-2009. Avec un résultat inférieur à 50 indiquant une contraction, le chiffre a été décrit comme un « résultat déplorable » révélant que l’économie américaine était négativement touchée par la crise financière de la zone euro.

En Europe, l’activité manufacturière a décliné tous les mois depuis août 2011. Il est à noter qu’en Allemagne, la plus grande économie de la zone euro et la moins affectée par la crise jusque-là, les chiffres de juin ont montré que l’activité manufacturière avait baissé le plus rapidement depuis juin 2009.

Lundi, on a indiqué que le taux de chômage de la zone euro était passé à 11,1 pour cent en mai, le niveau le plus haut de l’histoire de la monnaie unique. Une fois de plus, le chômage a augmenté en Espagne où le taux de chômage atteint presque de 25 pour cent. En Grèce et en Espagne le chômage des jeunes avoisine 52 pour cent.

L’aggravation de la situation de l’économie européenne – on s’attend à ce qu’elle entre officiellement en récession plus tard dans l’année – a suscité des prévisions de toutes parts comme quoi la Banque centrale européenne (BCE) abaissera son principal taux d’intérêt directeur en dessous de 1 pour cent lors de sa réunion cette semaine. La Banque d’Angleterre pourrait elle aussi pratiquer l’« assouplissement quantitatif» et injecter davantage de liquidités dans le système financier, vu que la perspective tant de l’économie du Royaume-Uni que celle de l’économie mondiale est pire qui était prévu il y a quelques mois seulement.

Mais, de telles mesures ne feront rien ou très peu pour remédier à la situation. Malgré l’injection de plus d’un millier de milliards d’euros par la BCE dans le système bancaire européen au cours des six derniers mois, les chiffres montrent que pratiquement rien de ces fonds n’est allé dans de nouveaux projets d’investissement. Ils ont été presque exclusivement été utilisés par les banques pour des opérations de marchés financiers impliquant le plus souvent l’acquisition d’obligations gouvernementales.

Compte tenu du rôle crucial joué par la Chine pour soutenir la croissance mondiale au cours de ces quatre dernières années, le ralentissement économique dans ce pays n’a pas une importance moindre que la récession qui s’annonce en Europe et l’aggravation de la perspective aux Etats-Unis.

Les commandes à l’exportation seraient à leur niveau le plus bas depuis mars 2009 et l’indice PMI manufacturier (Purchasing Manager’s Index) a reculé le mois dernier à 50,2, contre 50,4 en mai, se situant tout juste au-dessus du seuil de 50, ce qui signale une stagnation. L’étude privée qui a été réalisée par le conglomérat bancaire HSBC a montré que son PMI pour la Chine était tombé à 48,2 après un ajustement saisonnier, son niveau le plus bas depuis novembre dernier.

Autre indice de contraction économique, le National Bureau of Statistics (NBS) de Chine a rapporté que la production d’électricité n’avait augmenté que de 1,7 pour cent en avril et en mai contre un taux de croissance annuel moyen de 12 pour cent au cours de la décennie passée. 

Le gouvernement chinois subit des pressions pour introduire de nouvelles mesures de relance en plus de celles qui jouent un rôle crucial pour soutenir l’économie depuis le début de la crise financière mondiale en 2008. Mais, il ne peut y avoir une répétition de telles mesures. Ceci est dû au fait que l’expansion massive de crédit décrétée par le gouvernement central a entraîné une bulle immobilière et la construction de projets d’infrastructure à grande échelle qui font à présent leur apparition dans les bilans des banques d’Etat sous forme de mauvaises créances ou de créances douteuses.

Les dernières tendances de l’économie mondiale confirment l’analyse faite par le World Socialist Web Site que le capitalisme mondial n’est en train de vivre un ralentissement suivi d’une « reprise », mais qu’il se trouve au début d’un effondrement.

Dans cette situation, rien n’a une plus grande importance politique pour la classe dirigeante que l’entretien d’illusions dangereuses selon lesquelles il y aurait une alternative au chômage de masse et à la dépression, à condition que soit adoptée la bonne politique. C’est là la signification du « Manifeste pour le bon sens économique » publié par le chroniqueur du New York Times et l’économiste keynésien influent, Paul Krugman, et qui fut reproduit la semaine passée dans le Financial Times.

Selon Krugman, les « économies mondiales les plus avancées restent profondément déprimées dans un contexte qui rappelle par trop les années 1930. » La raison de cet épouvantable état de chose est que la mauvaise politique de cette décennie est de nouveau employée. « En raison de leurs idées fausses, » écrit Krugman, « de nombreux décideurs politiques occidentaux infligent des souffrances massives à leurs peuples. »

C’est une version économique de la théorie sur l’histoire selon laquelle « l’homme est mauvais » et que les idéologues de l’élite dirigeante emploient chaque fois que les crises historiques et les contradictions du système capitaliste, qu’ils défendent, risquent de plonger l’humanité dans une catastrophe.

L’idée que l’économie mondiale pourrait être sauvée si seulement les gouvernements et les puissances financières existantes voulaient écouter le judicieux conseil de M. Krugman est rapidement réfutée si l’on considère ce qui arriverait si ses propositions étaient adoptées.

Tout retour à de véritables mesures incitatives d’augmentation des dépenses – et pas de renflouements bancaires – aux Etats-Unis ou dans une autre économie capitaliste avancée provoquerait immédiatement une crise monétaire et financière en occasionnant davantage de chômage et une aggravation des attaques contre la classe ouvrière. Dans les années 1930, le « New Deal » (Nouvelle donne) de Roosevelt n’a pas engendré de « reprise » -- celle-ci n’a débuté qu’avec le début de la deuxième Guerre mondiale. Mais, de nos jours, même l’expérience économique limitée de Roosevelt est exclue en raison du déclin historique de la position économique mondiale des Etats-Unis.

Pour la classe ouvrière internationale, l’issue de l’aggravation de la crise économique mondiale commence par le rejet des illusions mises en avant par Krugman et d’autres. Pour empêcher une répétition des catastrophes des années 1930 et même pire, la classe ouvrière de chaque pays doit engager un lutte politique pour le renversement du système de profit et établir des gouvernements ouvriers afin d’entreprendre la reconstruction de l’économie mondiale sur des fondations socialistes.

(Article original paru le 4 juillet 2012)

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