France: l’UMP pourrait se scinder après l’élection d’une nouvelle direction

Pour le principal parti de droite en France, l’UMP (Union pour un mouvement populaire), se pose l’éventualité d’une scission après l’élection contestée du 18 novembre qui devait déterminer son nouveau président. Des partisans de l’ancien premier ministre François Fillon et du secrétaire du parti, Jean-François Copé, les deux candidats à la présidence du parti, se sont mutuellement accusés de fraude électorale.

Copé a mené une campagne faisant ouvertement appel au FN (Front national), le parti néo-fasciste qui gagne actuellement en influence, s’appuyant davantage sur du personnel venu à l’UMP depuis le FN. Défendant l’idée d’une « droite décomplexée », il a fait la critique d’un prétendu « racisme anti-Blanc » et de mesures proposées par le président François Hollande et le Parti socialiste (PS) au pouvoir, comme la légalisation du mariage homosexuel et un droit de vote pour les étrangers aux élections municipales.

Alors qu’il était premier ministre, Fillon avait soutenu les appels de l’ex-président Nicolas Sarkozy aux sentiments d’extrême-droite – comme l’interdiction du port de la burqa, le débat sur l’« identité nationale » et l’expulsion de masse des Roms – qui ont tous renforcés le FN. Il a cependant basé sa campagne sur les parties de l’UMP plus proches de partis de droite comme l’Union des démocrates et indépendants (UDI) de Jean-Louis Borloo qui préféreraient passer des marchés avec les PS. L’absence de différence politique notable entre Fillon et Copé ne fit que rendre la confrontation qui suivit l’élection plus explosive et plus acerbe.

Le moment de l’élection avait été choisi pour coïncider avec des manifestations au niveau national auxquelles avaient appelé des organisations catholiques et néo fascistes contre le mariage homosexuel et qui rassemblèrent des dizaines de milliers de manifestants.

Le lundi 19 novembre, les partisans de Fillon envoyèrent une lettre à la Cocoe (Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales), la commission électorale interne de l’UMP, portant des accusations détaillées de fraude électorale dans quinze départements.

Le lundi soir, Copé fut déclaré vainqueur, la différence donnée entre les deux candidats n’étant que de 98 bulletins, sur un total de 174 678. Fillon avait tout d’abord accepté la défaite dans une lettre ouverte à ses partisans et dans laquelle il écrivait : « Je n'ai voulu engager aucun contentieux, car je veux respecter les militants et je ne veux pas détruire leur foi et l’engagement qui est le leur. »

L’ancien ministre de la Justice Pierre Méhaignerie démissionnait de l’UMP le lendemain dénonçant les « tentations du populisme, de la démagogie ». Il a rejoint l’UDI qui affirme à présent recruter des membres de l’UMP qui changent de bord après la victoire de Copé.

Dans l’après-midi du 20 novembre, les partisans de Fillon ont porté plainte en bonne et due forme, affirmant que leur leader avait gagné l’élection et demandant que l’ancien premier ministre Alain Juppé prenne temporairement la direction de l’UMP. Ils ont déclaré avoir soudain découvert que des responsables de l’UMP avaient oublié l’ensemble des 1304 bulletins en provenance de Nouvelle-Calédonie, de Mayotte et de Wallis et Futuna.

Le directeur de campagne de Fillon, Eric Ciotti, ex-responsable de l’UMP pour la Sécurité et la Police, a dit que « le président de la Cocoe [avait] lui-même reconnu cette erreur lors d’un échange téléphonique avec François Fillon en fin de matinée. Il s’agit d’une erreur manifeste et grave. »

Les partisans de Copé se sont opposés à une nomination de Juppé. Henri Guaino, ex-« plume » de Sarkozy, a dit : « Les résultats ont été proclamés, il y a un président. Pour ceux qui ne veulent pas les respecter, la porte est ouverte. »

Le 20 novembre au soir, Fillon est apparu à la télévision disant qu’il renonçait à la présidence de l’UMP mais qu’il n’excluait pas de contester la victoire de Copé devant les tribunaux. Copé, dont les partisans contrôlent la commission en charge des contestations électorales, avait demandé à Fillon de faire appel devant cette commission, insistant sur sa « disponibilité » à rencontrer celui-ci.

Cette dispute souligne le virage à droite d’ensemble de la politique bourgeoise en France depuis le début de la crise économique mondiale en 2008. Cette orientation s’est intensifiée depuis l’élection de Hollande à la présidence avec le soutien des alliés du PS dans la bureaucratie syndicale et de la « gauche » petite bourgeoise tels que le PCF (Parti communiste français) et le NPA (Nouveau parti anticapitaliste.).

Hollande, en discussion avec la bureaucratie syndicale, détruit des emplois et coupe les dépenses sociales, tout en poursuivant la guerre en Syrie et en Afghanistan et en menant une politique de « loi et d’ordre » comme les attaques ethniques contre les Roms.

La poursuite sans répit d’une politique similaire pro-guerre et pro-austérité dans toute l’Europe est en train de produire un changement majeur dans les rapports de classe. Comme en Grèce, où le groupe fasciste Aube dorée a grandi après des années de politique austéritaire dévastatrice menée par des régimes sociaux démocrates collaborant avec l’Union européenne, la classe dirigeante française se tourne vers des fascistes pour en faire des figures dirigeantes de la vie politique.

Il est de plus en plus difficile à l’UMP de dépasser le PS sur sa droite sans lancer des appels aux néo fascistes. D’autre part, la classe dirigeante ne croit plus que les syndicats et la « gauche » petite bourgeoise seront capables de contrôler les luttes de la classe ouvrière et envisage la promotion de mouvements ouvertement droitiers.

Ivan Rioufol, chroniqueur du quotidien de droite Le Figaro, écrit que le peuple français « ne se reconnaît plus dans ce président ‘socialiste’ tout juste élu, qui parle mieux aux agences de notation qu’à la classe moyenne. Une sourde colère fermente. Elle va au-delà des mobilisations syndicales. Les réactions sont imprévisibles, mais le terreau est prêt à accueillir un ‘printemps français’ qui libérerait les interdits qui brident la pensée, musellent la parole, obscurcissent la vue. »

C’est-à-dire qu’en anticipation d’une montée de luttes de masse contre le gouvernement Hollande, comme les grèves de masse révolutionnaires de l’année dernière en Tunisie et en Egypte ayant initié le soi-disant « Printemps arabe », Rioufol envisagerait de renforcer et de promouvoir des forces néo fascistes. Les « tabous » que Rioufol veut éliminer comprennent l’hostilité à l’Islam, à l’immigration et à la « dépendance de l’Etat social ». C'est-à-dire qu’ils correspondent à un soutien fasciste de la politique pro-guerre et anti-sociale de la bourgeoisie et à une hostilité violente à la classe ouvrière.

Cette situation confirme l’opposition principielle du World Socialist Web Site au Parti socialiste et à ses satellites de la « gauche » petite bourgeoise, et son appel à la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière contre ces forces et contre l’ensemble de l’establishment bourgeois.

Quant à l’UMP, elle est confrontée à la question de savoir comment gérer ses liens politiques avec le FN. Elle a pris la décision d’accueillir dans ses instances dirigeantes une couche de responsables de la droite dure ou venant du Front national et comme on le rapporte, c’est Copé qui a soutenu cette politique de la façon la plus agressive.

Le commentateur politique Thomas Guénolé a dit au journal Le Monde que Copé serait un dirigeant qui pourrait tolérer plus volontiers une coopération significative entre les responsables de l’UMP et ceux du FN au niveau local et régional : « Certes, Jean-François Copé a déjà exclu tout accord avec le FN, mais qu’en sera-t-il quand des élus locaux UMP, et il y en aura, passeront outre la consigne? »

C’est le groupe de la « droite forte » qui a obtenu, et c’est significatif, le plus fort pourcentage de voix (28 pour cent) dans la compétition entre les six courants internes de l’UMP. Celle-ci s’est déroulée simultanément à la bataille menée pour la direction. Soutenu par d’ex- responsables plus à droite du gouvernement Sarkozy, il est officiellement dirigé par deux hommes dans la trentaine – Geoffroy Didier, un aide de l’ex-ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux et Guillaume Peltier, un ancien membre du FN.

(Article original publié le 22 novembre 2012)

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