Les grèves à Foxconn et la lutte des classes à l'échelle mondiale

(Article original paru le 10 octobre 2012)

Les manifestations et les grèves de milliers de travailleurs chinois contre les conditions de travail oppressantes qui règnent dans les énormes usines de misère gérées par le plus grand producteur mondial d'électronique, Foxconn, ont soulevé des questions importantes pour la classe ouvrière internationale.

Durant les dernières décennies, les économistes bourgeois ont régulièrement proclamé, pour justifier la croissance monstrueuse du parasitisme financier en occident, qu'avec la montée de « l'économie de l'information, » la création de valeur ne dépendait plus du processus de production réel. En conséquence, affirment-ils, les fondamentaux du marxisme, et en particulier le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière en tant que porteuse des forces productives modernes et d'une forme supérieure d'organisation économique – c'est-à-dire, du socialisme – sont « dépassés ». Apple, actuellement la plus grosse entreprise du monde si on regarde la valeur des actions (600 milliards de dollars), est présentée comme "preuve", parce qu'elle semble réaliser d'énormes profits sans faire fonctionner aucune chaîne d'assemblage.

Les conflits sociaux à Foxconn, qui fabrique l'iPhone5 d'Apple, parmi tant d'autres produits, a effectivement démenti ce mythe. Les groupes comme Apple ne sont en mesure d'amasser des profits qu'en vertu de leur position tout en haut d'une vaste chaîne mondiale pour extraire la plus-value des travailleurs. Tout en bas, il y a les producteurs brutaux utilisant de la main d'œuvre peu chère comme Foxconn, qui emploie 1,1 million de travailleurs rien qu'en Chine. Ses usines géantes, comme celle de Zhengzhou où se trouvent près de 200 000 travailleurs, fabriquent les produits électroniques les plus récents. L'existence même de Foxconn confirme très clairement la validité de la théorie marxiste classique selon laquelle la plus-value et donc le profit proviennent du travail de la classe ouvrière. L'éclatement des manifestations de travailleurs à Foxconn annonce l'émergence de luttes révolutionnaires de la classe ouvrière en Chine faisant partie d'un mouvement grandissant dans tous les pays.

Les dernières grèves vendredi au complexe Foxconn de Zhengzhou ont été le résultat de l'aggravation de la crise économique mondiale. Pour Apple, son futur dépend du lancement réussit de l'iPhone5. Ses exigences sévères pour augmenter la production et la qualité sont transmises aux travailleurs de Foxconn sous la forme de longues journées de travail, d'une discipline de fer et d'une pression constante pour accélérer la production. Les tensions ont éclaté la semaine dernière après que l'imposition de nouvelles procédures de contrôle qualité ait déclenché des contestations, des menaces et des violences physiques contre les contrôleurs qualité qui supervisent ce régime.

Les conditions intenables à Foxconn sont comparables à celles qui ont alimenté les récentes grèves militantes des mineurs Sud-africains et des travailleurs du textile au Bangladesh. Ils font partie d'une réémergence de la lutte des classes au plan international qui a commencé avec les troubles en Tunisie et en Égypte l'an dernier. Les manifestations de masse qui se poursuivent et les grèves en Europe, ainsi que l'éclatement de luttes majeures de la classe ouvrière en Amérique, comme la grève des enseignants à Chicago, ont la même source – la tentative des élites financières d'imposer le fardeau d’une crise mondiale qui s'aggrave à la classe ouvrière.

Les mesures d'austérité qui sont imposées aux travailleurs en Europe, aux États-Unis et au Japon, qui sont les plus grands consommateurs de produits chinois, ont entraîné des difficultés économiques énormes en Chine, les exportateurs tels que Foxconn, fonctionnant avec des marges bénéficiaires très faibles, devant intensifier l'exploitation de leur main d'œuvre. Dans une compétition féroce sur des marchés en régression, les groupes multinationaux considèrent maintenant les salaires chinois comme trop élevés. Foxconn, qui s'est déplacé depuis la côte chinoise vers l'intérieur des terres à la recherche d'une main d'œuvre encore moins chère, déplace maintenant sa production vers les pays d'Asie du Sud-Est comme l'Indonésie, où le salaire moyen est un tiers de celui pratiqué en Chine. En retour, ces conditions établissent de nouveaux standards pour les salaires et les conditions de travail non seulement en Chine, mais dans le monde entier, y compris en occident.

Le seul moyen de mettre fin à ce système d'exploitation toujours plus intense passe par l'unification internationale de la classe ouvrière dans sa lutte pour le socialisme – pour placer les moyens de production, qui sont globaux par nature, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Le rejet du système de ces ateliers de misère en Chine est inextricablement lié aux luttes des travailleurs américains pour mettre fin à la domination de l'oligarchie financière de Wall Street qui est assise au sommet du système global d'exploitation capitaliste.

En Chine, la classe ouvrière ne peut pas défendre ses droits sans une lutte politique pour faire tomber la bureaucratie du Parti communiste chinois (PCC), laquelle courtise activement les multinationales géantes comme Foxconn et Apple et suppriment brutalement toute résistance des travailleurs aux conditions insoutenables qu'ils subissent. L'évolution du PCC en un partenaire vital du capital international est une confirmation puissante des avertissements publiés par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), le mouvement trotskyste mondial, au sujet de la restauration capitaliste en Chine.

Il y a tout juste trente ans, Deng Xiaoping espérait résoudre la crise économique produite par la théorie stalinienne du « socialisme dans un seul pays » en réintégrant ouvertement la Chine dans le système capitaliste mondial. Ce projet a reproduit toutes les contradictions économiques et sociales explosives qui avaient poussé les grands-parents de millions de travailleurs chinois durant les premières décennies du XXe siècle dans certaines des luttes de classes les plus tumultueuses de l'histoire moderne dans l'espoir de se débarrasser de l'exploitation impérialiste.

En entrant en lutte, les travailleurs chinois sont bien conscients de ce que les syndicats d'Etat – la Fédération panchinoise des syndicats (FCS) – défendent les intérêts de la direction des entreprises et du gouvernement. Mais divers activistes syndicaux sont apparus pour faire croire aux travailleurs que leurs intérêts de classe peuvent être défendus en construisant des « syndicats indépendants » ou en réformant le FCS existant pour qu'il mène des négociations collectives avec les employeurs ou fasse pression sur le PCC pour obtenir des concessions.

Le danger de ces perspectives syndicaliste a été exposé très clairement en Afrique du Sud, où le Congrès des syndicats sud-africains et le syndicat national des mineurs ont été loués pendant des décennies comme une alternative viable pour la classe ouvrière. Ce sont ces mêmes syndicats qui ont collaboré avec le gouvernement du Congrès national africain et les grandes sociétés minières dans le meurtre de 34 mineurs de platine en grève en août. Ces organisations, ainsi que l'ANC, sont devenues les oppresseurs des travailleurs sud-africains, et dirigent l'une des sociétés les plus inégalitaires au monde.

Les travailleurs chinois à Foxconn et dans les autres usines de misère ne peuvent défendre leurs intérêts de classe que par une lutte politique indépendante contre le régime du PCC et en se tournant vers les travailleurs des pays capitalistes avancés et du monde entier. Surtout, ce qu'il faut, c'est la construction d'un parti révolutionnaire s'appuyant sur une perspective socialiste globale et les leçons stratégiques de la classe ouvrière internationale au XXe siècle, en particulier la lutte de longue haleine de la Quatrième Internationale contre le stalinisme. Cela signifie la construction d'une section chinoise du Comité international de la Quatrième Internationale.

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