Francfort : des manifestants protestent contre une intervention occidentale en Syrie

«Arrêtez la guerre! Ne touchez pas à la Syrie» – a été le principal slogan scandé lors d’une manifestation qui s’est déroulée samedi à Francfort. La manifestation a été le principal événement de la journée antiguerre annuelle (1er septembre) à laquelle ont participé un millier de personnes dans le centre-ville.

PosterUne pancarte brandie par un manifestant

Les participants à la manifestation qui a démarré au vieil opéra de Francfort (Alte Oper) pour défiler vers le centre-ville historique de Francfort, brandissaient des bannières disant : «Touchez pas à la Syrie», «Contre le démantèlement du droit international par les impérialistes», «[le premier ministre turc Recep] Tayyip Erdogan: un fantoche américain», «Yougoslavie, Afghanistan, Irak, Libye : ça suffit», «Ne faites pas de la Syrie un deuxième Irak» et «Stop à la guerre médiatique».

Une partie des manifestants étaient des immigrés syriens déterminés à défendre leur pays natal contre l’intensification d’une intervention organisée par les puissances impérialistes et soutenue par la plupart des médias. Ils étaient accompagnés de manifestants allemands qui ont exprimé leur inquiétude et leur indignation au sujet des derniers préparatifs de guerre et de la campagne médiatique tendancieuse.

Des partisans du World Socialist Web Site ont distribué sous forme de tracts, l’article «Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France menacent d’intervenir militairement en Syrie». La déclaration met en garde contre une intervention militaire des puissances occidentales en disant : «Les menaces de guerre contre la Syrie représentent une escalade radicale de cette campagne et auront des conséquences dévastatrices pour les populations de la région et du monde entier. Le bilan des victimes en Syrie en cas d’attaque militaire perpétrée par la Turquie et des alliés régionaux soutenus par les forces aériennes des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, risque fort d’éclipser celui constaté en Libye.»

Un certain nombre de participants a souligné lors d’entretiens que le gouvernement allemand était activement impliqué dans l’envoi d’armes à la région, et qu’il avait envoyé dernièrement des navires de guerre à Israël. Le ministère allemand des Affaires étrangères participe aussi activement à la préparation d’un «changement de régime» en Syrie.

WeberKlaus Weber

Klaus Weber de Karlsruhe a pris part à la manifestation pour protester contre la propagande pro-guerre des médias.

«Tout semble être une répétition de ce que nous avons connu au cours de ces vingt dernières années en Yougoslavie, en Irak et en Afghanistan», a dit Klaus. «Ils essaient toujours de trouver une raison pour une “intervention humanitaire”. Et je n’aime pas du tout ça.»

Klaus a affirmé qu’il n’était pas venu en tant que partisan du président syrien Bachar al-Assad, mais il n’avait pas une mauvaise opinion de la Syrie. Selon lui, le pays semble être un État séculier bien qu’il y existe certainement des injustices. Mais cela ne justifiait en rien l’ingérence extérieure qui a lieu en ce moment.

L’attitude du gouvernement allemand vise directement un changement de régime en Syrie. «Ils veulent y renverser le gouvernement», a remarqué Klaus, «mais ils savent qu’une intervention ouverte dans la région est très dangereuse, plus dangereuse qu’en Libye. C’est pourquoi ils essaient d’autres méthodes pour arriver au même but.»

Contrairement à l’Irak, il n’est pas si évident que les États-Unis en particulier poursuivent des intérêts économiques avec leur implication en Syrie, a précisé Klaus. Comme dans le cas de la guerre en Yougoslavie, les puissances occidentales cherchent à placer la tragédie humaine sur le devant de la scène. Comme ce fut le cas dans le passé, les Verts et les sociaux-démocrates (SPD) sont d’accord avec la campagne officielle.

Alyin, qui vient de Turquie, a pris part à la manifestation avec sa mère «parce que je suis contre une intervention militaire étrangère en Syrie». Sa famille est originaire de Hatay, tout près de la frontière syrienne et elle a des racines syriennes. La situation en Turquie est très confuse, a déclaré Alyin. «Le gouvernement turc cherche évidemment à profiter de la situation. Ceci ne devrait pas se faire toutefois aux dépens de la population syrienne.»

La situation en Syrie n’est en rien comparable aux soulèvements de l’année dernière en Égypte, a-t-elle poursuivi : «De nombreux rebelles en Syrie sont des milices étrangères, et maintenant tout est décidé sur la base de la foi religieuse… La situation est très différente en Égypte.» Elle a ajouté : «Tant qu’il n’y a pas d’alternative viable pour les gens, alors ni la guerre ni le renversement du régime Assad ne résoudront quoi que ce soit.»

Hakan a décrit le gouvernement allemand et le président turc Erdogan comme des «marionnettes» et a critiqué le président socialiste français, François Hollande, pour son rôle dans l’armement des rebelles en Syrie. «Je me serais attendu à quelque chose de ce genre de la part de son prédécesseur [Nicolas Sarkozy], mais pas de lui», a dit Hakan. En Syrie, les grandes puissances sont en train d’agir selon le mot d’ordre «diviser pour mieux régner», a-t-il poursuivi. Il y a des soulèvements populaires qui se passent dans de nombreux pays et «si des forces étrangères y sont acheminées par avion alors une guerre civile comme celle en Syrie est inévitable».

«Je ne lutte pas pour Assad, ou pour n’importe qui d’autre, mais plutôt pour la vérité», a déclaré Hakan. «Et la vérité c’est que ceux qui sont au pouvoir ne s’intéressent pas le moins du monde à la démocratie et aux droits humains. Ils n’ont d’intérêt que pour le pouvoir et l’argent et comment sauvegarder leur influence. Si des enfants meurent dans l’opération, ça les laisse complètement indifférents.»

La manifestation a été appelée par un «Comité de solidarité avec la Syrie» (Solidaritätskomitee für Syrien) qui est composé de membres de l’association germano-syrienne, de la Fédération des associations de travailleurs et de jeunes turcs (DIDF) et de l’association allemande de la libre pensée (Deutsche Freidenkerverband) et qui est soutenu par divers groupes syriens, turcs, russes et allemands. La demande commune exprimée était «la fin de l’interférence agressive et illégale par les pays de l’OTAN et les monarchies arabes en Syrie».

Les organisateurs étaient nettement divisés sur la question du soutien au régime Assad. Salim Tas, le président des jeunes alaouites allemands, a dit au journal Junge Welt que les partisans d’Assad seraient les bienvenus à la manifestation. Il était personnellement convaincu «que les idéaux et les valeurs de laïcité et de patriotisme que Bachar al-Assad représentait étaient l’unique base pour la paix et la stabilité».

Un certain nombre de partisans du régime d’Assad figuraient parmi les manifestants. Un bloc de Syriens scandait «Nous voulons Bachar al-Assad.» La plupart des manifestants de la région ont toutefois exprimé leur accord avec la déclaration du WSWS qui disait : «Non seulement Assad, mais tous les régimes réactionnaires et despotiques de la région méritent de tomber. Mais ceci est la tâche de la classe ouvrière en mobilisant derrière elle les ruraux pauvres et toutes les couches sociales opprimées.»

Afin de pouvoir combattre les efforts des puissances impérialistes qui sont en train de fomenter des divisions religieuses et ethniques, la déclaration du WSWS soutient que l’unité internationale de la classe ouvrière est nécessaire pour mettre fin à la domination impérialiste et à l’exploitation capitaliste et pour établir des gouvernements ouvriers partout au Moyen-Orient.

(Article original paru le 5 septembre 2012)

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