Les travailleurs de Goodyear protestent contre la fermeture de l’usine d’Amiens nord

Devant le siège de Goodyear Dunlop

Mardi, 12 février, quelque 800 travailleurs du groupe Goodyear Tires d'Amiens Nord, soutenus par plus d’un millier d’autres venus d’autres coins de France, ont protesté devant le siège français de l’entreprise à Rueil-Malmaison près de Paris. La manifestation a été appelée pour coïncider avec une réunion lors de laquelle l’entreprise a présenté aux responsables syndicaux les détails de ses plans de fermeture de l’usine d’Amiens, dans le nord de la France, avec la suppression de 1.173 emplois.

Les travailleurs de Goodyear ont mené une bataille juridique de cinq ans pour maintenir en activité l’usine après avoir rejeté les exigences de l’entreprise de passer à un système inhumain de quatre huit (quatre équipes se relayant toutes les huit heures) ou de risquer la fermeture. Dans l’usine sœur Dunlop, à côté de la rue, les travailleurs ont accepté une accélération des cadences de travail après la capitulation des syndicats devant les menaces de fermeture de l’entreprise. Depuis 2009, il y a eu dans cette usine un suicide et quatre tentatives de suicides.

Le gaz lacrymogène remplit l’air

Goodyear a cherché à vendre au groupe américain Titan son activité de pneus agricole d’Amiens Nord mais les pourparlers ont échoué en septembre dernier après que la CGT (Confédération générale du Travail) a demandé une garantie de production de cinq ans. Mardi matin, les travailleurs ont appris qu’Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif du gouvernement du Parti socialiste (PS) avait annoncé que Titan se retirait définitivement de la table des négociations avec Goodyear, au sujet de l’usine.

De nombreux travailleurs portaient des tee-shirt où était inscrit dans le dos « Goodyear patrons voyous ». Sur une bannière on pouvait lire : « Hollande… Qu’est-ce que tu glandes ? Cette loi: tu nous la dois! » Le slogan inscrit sur cette bannière reflète la perspective de la direction CGT du site d’Amiens nord qui consiste à faire pression sur le gouvernement PS du président François Hollande pour qu’il promulgue une loi interdisant les licenciements.

Une des bannières que l'on pouvait voir à Amiens nord

De petits contingents de travailleurs venus d’un certain nombre d’autres entreprises étaient aussi présents, dont du géant pharmaceutique Sanofi, de PSA, de Ford et d’Arcelor Mittal. Il était évident que malgré un appel de la section CGT de Goodyear en faveur d’une mobilisation nationale, la direction nationale du syndicat n’a rien entrepris pour rassembler un grand nombre de travailleurs. Aucun dirigeant syndical national n’était présent malgré une vaste couverture médiatique plusieurs jours durant de l’annonce de fermeture qui provoquera une catastrophe sociale dans la région.

Conformément aux récentes directives imposées par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, de réprimer les travailleurs luttant contre la crise sociale (Voir : « Le gouvernement français prépare la répression contre les travailleurs »), des points de contrôle avaient été établis dans toutes les rues menant au siège social et que les gens n'étaient autorisés à franchir qu’après une fouille de leurs sacs par des CRS munis de leur équipement anti-émeute. Les manifestants ont été empêchés de s'approcher du bâtiment par des rangées de policiers retranchés derrière de hautes barrières. Leurs visières et leurs boucliers étaient éclaboussés du jaunes des oeufs lancés sur eux. Ils ont tenu les manifestants à distance avec des bombes de gaz lacrymogène et des coups de matraque.

Mickaël Wamen

Le délégué syndical CGT de l’usine d’Amiens Nord, Mickaël Wamen, a affirmé en sortant des négociations qu’il était encore possible de se battre dans les tribunaux contre la fermeture. Il a dit, « On va sortir l’artillerie lourde devant les tribunaux. On n’a pas encore sorti dix pour cent de notre attirail juridique… si le gouvernement tremble aujourd'hui, il continuera à trembler.»

Des travailleurs qui ont parlé au World Socialist Web Site ont dit accorder peu de crédibilité à ces affirmations. « Psychologiquement je n'en peux plus d'être dans le flou. Je veux juste savoir la décision. » Un autre a dit: « Nous sommes sonnés, c'est le sentiment général. » Certains travailleurs ne parvenaient pas à exprimer ce qu'ils ressentaient.

Un contingent d'étudiants venus soutenir la manifestation

Lorsque le WSWS a demandé à Jean-François, jeune travailleur de Goodyear, s'il pensait que le gouvernement du Parti socialiste sauverait les emplois des travailleurs, il a répondu: « J'ai voté pour Hollande. Il n'est pas responsable de la situation à Goodyear, qui dure depuis 6 ans. Mais il est comme Sarkozy. Les deux, ils défendent le système capitaliste. La section CGT de l'usine se bat, mais je ne crois pas à la loi qui interdit les licenciements que [l'avocat de la CGT Fiodor] Rilov et Mickaël Wamen prônent. Une loi ne fournit pas d'investissements pour les sociétés. »

« Au niveau national la CGT n'a rien fait pour nous. Thibault [secrétaire général de la CGT] a voulu que nous acceptions le licenciement avec €50,000 d'indemnité. C'est à peine deux ans de salaire. Où est-il aujourd'hui? »

Jean-François

Un autre travailleur a dit: « Je suis amer. Pendant 9 mois la direction n'a eu rien à nous proposer. La proposition d'achat de Titan, c'était de la fumisterie. C est tous les emplois ou rien. Thibault a voulu que nous signions. C'est un fumier »

Jean-Yves a dit: « Je travaille à Goodyear depuis 42 ans. Je prends ma retraite dans quelques mois, mais il n'y a rien pour les jeunes. Ils n'ont pas investi dans l'usine – ils l'ont laissée se détériorer. L'argent domine tout. Ils veulent faire concurrencer les travailleurs des différents pays. Les travailleurs chinois ont des syndicats maintenant et ils se battent pour des salaires décents. »

« Il n'y a que la finance. Il faut que les travailleurs aient leur part, un meilleur partage de l'argent. Regarde les milliards de Total. Les politiques ont un haut niveau de vie. Ils ne peuvent pas être à notre niveau. La gauche et la droite sont les mêmes. On nous fait passer pour des fainéants. Nous avons besoin de gens qui comprennent les choses du point de vue des travailleurs. »

(Article original paru le 14 février 2013)

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