Les syndicats européens supervisent la restructuration de l’industrie automobile

A travers toute l’Europe, les syndicats jouent un rôle clé dans l’imposition de licenciements de masse, de réductions de salaires et de fermetures d’usines automobiles

Le syndicat allemand IG Metall a approuvé la fermeture de l’usine GM-Opel à Bochum – la première usine automobile à fermer en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En Belgique, le syndicat ABVV-Metaal (Fédération générale du travail belge – métallurgie) a aussi donné le feu vert pour la fermeture de l’usine Ford de Genk. 

Ce n’est là que le prélude à un ‘dégraissage’ radical et à une restructuration de l’industrie automobile européenne devant être réalisés entièrement aux dépens des travailleurs. Tout comme aux Etats-Unis, où le krach financier de 2008 a été suivi par la faillite et la restructuration forcées par le gouvernement Obama de General Motors et de Chrysler, la crise économique en Europe est utilisée par les géants mondiaux de l’automobile pour supprimer des dizaines de milliers d’emplois, casser le niveau de vie des travailleurs et instaurer une « flexibilité » du travail à l’américaine, c’est-à-dire le droit d’embaucher et de licencier à volonté.

Les ventes de voitures ont encore chuté de 10,2 pour cent le mois dernier, le taux le plus bas au mois de février depuis 23 ans. Les ventes sur l’ensemble du continent devraient dégringoler à 11,4 millions d’unités cette année par rapport au pic de 15,1 millions atteint en 1999.

Les analystes industriels ont dit qu’une capacité de production d’au moins cinq millions d’unités devait être supprimée. Ceci correspond à la fermeture de vingt usines d’assemblage, dix usines de fabrication de moteurs, dix usines produisant des boîtes de vitesse et trente ateliers d’emboutissage et entraînerait l’élimination de 115.000 emplois au total.

Il ne s’est pas passé une semaine depuis sans l’annonce de licenciements massifs en Europe. L’usine PSA Peugeot-Citroën projette de supprimer 8.000 postes, Ford, 6.000 et Opel au moins 2.600. Ces suppressions d’emplois iront de pair avec la disparition de dizaines de milliers d’emplois induits. Les soi-disant prestigieuses marques allemandes BMW et Daimler ont élaboré leur propre plan de réduction d’un milliard d’euros. Iveco, la filiale de Fiat, veut fermer cinq de ses usines de production de camions en Europe.

Les syndicats ont déclaré que les fermetures d’usines, la réduction des heures de travail et des salaires étaient nécessaires et inévitables pour diminuer la « surcapacité » et pour rendre à nouveau compétitive l’industrie automobile européenne. La réalité est que les travailleurs de l’automobile sont contraints de payer pour la crise du système capitaliste de profit qu’ils n’ont pas créée.

Avec le plein appui des syndicats, les entreprises automobiles et les banques, ainsi que les conglomérats financiers, sont en train de transférer la totalité du fardeau de la crise sur le dos des travailleurs, anéantissant les acquis sociaux obtenus grâce à la lutte de générations entières de travailleurs.

Les salaires de misère payés en Europe de l’Est, en Chine et dans d’autres pays asiatiques sont systématiquement exploités dans le but de réduire le coût du travail dans le reste du monde. Aux Etats-Unis, le gouvernement Obama a collaboré avec le syndicat des ouvriers de l’automobile (United Auto Workers, UAW) pour éliminer des dizaines de milliers d’emplois, pour s’attaquer aux droits à la retraite et pour réduire de moitié les salaires des travailleurs nouvellement recrutés. Actuellement, cette même procédure est importée en Europe.

Le démantèlement de l’industrie automobile est indissolublement lié aux programmes d’austérité de l’Union européenne qui a détruit les moyens d’existence de la population laborieuse en Grèce, en Espagne, au Portugal et dans de nombreux autres pays. En Europe, une large portion de la population n’a plus les moyens de se payer une voiture en raison des mesures d’austérité. Le nombre des nouvelles immatriculations a chuté de 37 pour cent en Espagne, de 26 pour cent en Italie et de 18 pour cent en France.

En d’autres termes, la crise de la « surcapacité » est le résultat direct d’une réduction drastique du pouvoir d’achat et du niveau de vie. A son tour, ceci est utilisé pour justifier des attaques encore plus grandes contre les travailleurs.

Le but de la restructuration en Europe, tout comme en Amérique, est de permettre aux entreprises automobiles et aux grandes banques qui se cachent derrière d’engranger des bénéfices énormes sur la base d’un nombre fortement réduit de ventes de véhicules. Ceci exige de brutales attaques contre les emplois et les salaires et un retour aux conditions d’exploitation dans les usines jamais vues depuis les années 1930.

Les travailleurs sont dans l’incapacité de se défendre au moyen des syndicats qui se sont transformés en syndicats patronaux qui opèrent directement pour le compte des entreprises. Les coupes sociales, les licenciements de masse et les fermetures d’usines sont souvent planifiés et élaborés directement avec les états-majors des syndicats.

Un exemple typique d’une telle intégration des syndicats dans la direction de l’entreprise est l’IG Metall. Un article paru dans l’hebdomadaire économique Wirtschaftswoche a documenté les opérations d’affaires de l’IG Metall. L’IG Metall collecte 460 millions d’euros par an de ses adhérents et dispose d’un actif évalué à 2 milliards d’euros. Cet argent est investi dans des actions participatives d’entreprises faisant ainsi du syndicat un acteur de poids ayant ses propres intérêts financiers distincts de et opposés à ceux de ses adhérents.

Pas moins de 1.700 représentants de l’IG Metall siègent au conseil de surveillance d’entreprises allemandes, grandes et petites. Ses responsables sont généreusement indemnisés et leurs revenus sont en fusion avec ceux de la direction. Une partie de leurs rémunérations provenant de leur poste au conseil de surveillance est versée à la Fondation Hans-Böckler de la Confédération allemande des syndicats et elle est déductible des impôts. De cette manière, le syndicat est financé par le patronat et le gouvernement, en plus des cotisations versées par ses membres.

Les 50.000 délégués syndicaux de l’IG Metall jouissent d’une protection juridique contre le licenciement et bon nombre d’entre eux arrivent à éviter de travailler pour se consacrer entièrement aux « activités syndicales. » En plus de ses 80.000 membres des comités d’entreprise, le syndicat constitue au niveau de l’usine une police présente sur les lieux pour réprimer toute opposition des travailleurs.

La politique droitière des syndicats est le résultat direct de leur défense inconditionnelle du système capitaliste de profit et de leur programme nationaliste. Au lieu de lutter pour l’abolition du capitalisme, ils fonctionnent comme des partenaires dans l’exploitation de la classe ouvrière, contribuant à façonner la stratégie capitaliste des entreprises dans le but de défendre leurs propres intérêts de classe moyenne supérieure et de bourgeoisie en herbe.

Le représentant typique d’un cadre syndical est Oliver Burkhard. Ancien président de la fédération de Rhénanie-du-Nord/Westphalie d’IG Metall, Burkhard prendra le 1er avril le poste de directeur des ressources humaines chez ThyssenKrupp. Il siègera également au conseil d’administration du géant allemand de l’acier. A ce nouveau poste, où il sera responsable du démantèlement de milliers d’emplois, il touchera un salaire à sept chiffres.

Sur la base du programme nationaliste de défense de leur « propre » classe capitaliste, les syndicats, bloquent tous les efforts entrepris par les travailleurs pour unir leurs luttes au-delà des frontières nationales. Dans le cadre de la lutte mondiale pour la réduction des coûts de production et l’augmentation de la « compétitivité », ils coopèrent avec les entreprises. Ceci a mené les ouvriers dans une lutte fratricide qui monte les travailleurs de chaque pays, de chaque région et de chaque usine les uns contre les autres pour voir qui travaillera pour les salaires et les conditions de travail les pires.

Plus les syndicats virent ouvertement vers la droite et révèlent au grand jour leur hostilité à vis-à-vis de la classe ouvrière, plus ils sont protégés, en Allemagne par le parti Die Linke, en France par son homologue, le Parti de Gauche, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et d’autres groupes de la pseudo-gauche qui ont tous des liens étroits avec la bureaucratie syndicale corrompue. 

La défense de l’emploi, des salaires et des prestations sociales requiert une lutte incessante pour une rupture avec les syndicats et pour la construction de nouvelles organisations de lutte, dont des comités d’action de la base, totalement indépendants des syndicats, dans les usines.

Les travailleurs doivent rejeter l’argument selon lequel leurs emplois et leurs moyens d’existence dépendent de la rentabilité et de la compétitivité des entreprises. Un emploi bien rémunéré et sûr est un droit fondamental et inaliénable qui doit être défendu coûte que coûte.

Ceci requiert une stratégie internationale. Une lutte à l’échelle européenne doit être lancée pour la défense des emplois de tous les travailleurs. Elle devrait être reliée à la lutte des travailleurs de l’automobile en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique du Sud, qui tous sont confrontés au même combat.

Les travailleurs ont besoin en premier lieu d’une stratégie socialiste. La crise du système capitaliste et de l’industrie automobile mondiale n’est pas une justification pour l’appauvrissement de la classe ouvrière mais pour le renversement du système de profit et pour la réorganisation de l’économie européenne et internationale sur la base d’une planification rationnelle pour la satisfaction des besoins humains et non pas celle des profits.

Les sociétés automobiles – tout comme les grands groupes, les banques et les grosses fortunes – doivent être placées sous propriété publique et sous le contrôle démocratique de la population laborieuse. Le principe directeur de la vie économique doit être la satisfaction des besoins des travailleurs et de la société en général et non pas la promotion des bilans des milliardaires, des banquiers et autres spéculateurs.

La condition préalable la plus importante à la concrétisation d’une telle perspective socialiste est la construction d’un nouveau parti ouvrier révolutionnaire international. Nous appelons instamment les travailleurs en Allemagne, en France et à travers l’Europe à prendre contact avec le World Socialiste Web Site et le Parti de l’Egalité sociale (Socialist Equality Party, SEP) pour mener cette lutte.

(Article original paru le 20 mars 2013)

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