La menace droitière en Grèce

Les tentatives de Nouvelle Démocratie (ND), le plus grand parti au pouvoir en Grèce, pour gagner les voix du parti fasciste Aube dorée – en proposant d’interdire aux immigrés d’entrer dans la police et l’armée et en s’en prenant aux lois de naturalisation concernant des centaines de milliers d’enfants d’immigrés – sont un avertissement clair lancé à la classe ouvrière.

Les tribunaux grecs ont invalidé la loi Ragousis de 2010, concernant l’octroi de la nationalité grecque, après une campagne menée contre elle par ND et Aube dorée. 85 des 125 députés de ND ont soutenu l’exclusion de l’armée, qui a maintenant été reportée, et qui vise à créer des services de sécurité d’extrême-droite, « racialement purs ».

Ces décisions font partie d’une vaste campagne de la classe dirigeante grecque visant à intégrer Aube dorée dans la politique officielle. Le parti qui attaque et terrorise quotidiennement les immigrés et les adversaires politiques a été systématiquement développé ces dernières années. Il est financé par des sections influentes de la bourgeoisie grecque et soutenu par la police. Il atteint actuellement 14 pour cent dans les sondages.

Les actions du gouvernement grec qui, en plus de ND comprend aussi le PASOK social-démocrate et la Gauche démocratique (DIMAR), ne sont que l’expression la plus marquée d’une tendance qui affecte toute l’Europe. Les classes dirigeantes comptent de plus en plus sur l’appui des forces d’extrême-droite ou anti-immigration pour consolider une base pour sa politique d’austérité imposée contre la classe ouvrière aux quatre coins de l’Europe.

L’expulsion et la déportation des Roms par le président français, François Hollande ; l’incitation aux pogromes anti-Roms et l'encouragement de forces fascistes de la part du gouvernement hongrois ; la récente incitation à la haine contre des immigrés venus de l’Europe de l’Est de la part du ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, ne sont que quelques-uns des exemples de cette politique profondément réactionnaire.

Les gouvernements européens qui constituent l’Union européenne (UE) se fondent sur une telle politique sur le plan national et l’appuient en Grèce, où l’UE non seulement ordonne des coupes sociales, mais contribue à financer des rafles policières de masse pour traquer et déporter des réfugiés, approuve la répression des grèves et endosse les manoeuvres d’Aube dorée.

Près de 68 ans après la fin du régime nazi en Europe, des organisations fascistes font de nouveau partie de la politique officielle et des groupes ethniques entiers sont déportés et humiliés. Dans le contexte d’un grave déclin social, la barbarie du capitalisme européen refait une fois de plus surface.

Les attaques sociales perpétrées dans chaque pays ne sont plus compatibles avec les oripeaux du régime démocratique. Rien qu’en Grèce, les coupes sociales de ces récentes années ont occasionné une baisse moyenne de salaire de 38 pour cent. Le chômage ne cesse d’augmenter et atteint déjà 27 pour cent.

L’offensive droitière de la bourgeoisie européenne n’est possible que dans un climat où la résistance des travailleurs à l’égard de cette politique est étouffée et où aucune force politique de masse ne s’oppose aux fascistes. La responsabilité première de cette situation incombe aux syndicats européens et aux partis pseudo-gauches qui sont basés sur des sections favorisées de la classe moyenne. Ils contribuent à appliquer la politique d’austérité de l’UE, à saborder les luttes des travailleurs et à bloquer le développement d’un parti ouvrier luttant politiquement pour détruire l’influence d’Aube dorée.

En Grèce, ce genre de parti, en l’occurrence DIMAR, fait déjà partie du gouvernement, contribuant à assurer une majorité à ND et au PASOK social-démocrate. Il est conjointement responsable de toutes les attaques commises contre les travailleurs et la chasse aux sorcières menée contre les immigrés. Même après les manoeuvres entre ND et Aube dorée, DIMAR est resté dans la coalition.

Le rôle clé dans l'étouffement de la résistance des travailleurs est toutefois joué par le plus grand parti d’opposition, la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) – dont DIMAR a fait scission il y a trois ans.

Ces dernières années, la Grèce a connu des protestations sociales massives, des grèves et des manifestations. Mais les syndicats ont étroitement collaboré avec le gouvernement pour isoler les protestations et les orienter vers des canaux inoffensifs. Lorsque cela ne réussit pas comme ce fut le cas lors des récentes grèves des travailleurs du métro et des marins, alors le gouvernement impose la loi martiale pour obliger les travailleurs à reprendre le travail. Les syndicats ont, à leur tour, fait le nécessaire pour que la loi martiale soit immédiatement appliquée.

SYRIZA a non seulement soutenu les syndicats lorsque ces derniers étouffaient les luttes des travailleurs mais a aussi soutenu le gouvernement à chacun des moments critiques. En novembre dernier, lorsque le cinquième plan d’austérité de l’UE a été voté et que des centaines de milliers de travailleurs sont descendus dans la rue pour protester, le président de SYRIZA, Alexis Tsipras, a promis que son parti n’aurait pas recours aux moyens parlementaires dont il dispose pour renverser le gouvernement. Lors de ses visites à l’étranger, il a souligné que SYRIZA défendrait l’UE et son régime de dette.

Les couches sociales pour lesquelles SYRIZA parlent sont organiquement hostiles aux intérêts sociaux du prolétariat. Leur soutien en faveur des mesures d’austérité les pousse, tout comme les gouvernements d’Europe, encore davantage à droite.

Quelques jours à peine après que ND a engagé ses manoeuvres parlementaires avec Chrysi Avgi (Aube dorée), Tsipras prenait la parole lors des festivités marquant le 15ème anniversaire de la mort du fondateur de ND, Konstantinos Karamanlis, comblant d’éloges ce vieux réactionnaire. SYRIZA s’est aussi prononcé contre une réduction de la taille de l’armée et pour un financement de la modernisation de l’armement de la police.

Cette orientation politique est la raison pour laquelle ni SYRIZA ni le Parti communiste grec (KKE), plus petit, n'engage la moindre lutte contre le danger fasciste ni pour prendre la défense des immigrés. Ils craignent bien plus un mouvement de la classe ouvrière que les bandes fascistes.

Pour contrer le danger d’une dictature, les travailleurs ont besoin de leur propre perspective indépendante. Tout dépend de l’unification des travailleurs par-delà les frontières nationales dans une lutte contre les attaques sociales et pour un programme socialiste qui place les besoins sociaux au-dessus de la cupidité et de la recherche de profit. Ceci requiert une lutte intransigeante de la classe ouvrière contre la bureaucratie syndicale et toutes les tendances pseudo-gauches.

(Article original paru le 13 mars 2013)

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