Les Etats-Unis lancent une nouvelle attaque de drones au Yémen

Mercredi et jeudi matin, les Etats-Unis ont lancé au Yémen leur cinquième et sixième frappe de drone en l’espace de deux semaines, tuant sept militants présumés d’al Qaïda lors de la première attaque et au moins trois autres lors de la seconde. L’attaque de mercredi a ciblé les membres d’une tribu de bédouins de la province de Shabwa. Celle de jeudi a touché une voiture transportant de présumés membres d’al Qaïda dans la région d’Erq al Shabwan dans la vallée Abeidah au Marib.

Mardi, cinq missiles tirés par un drone américain ont touché un véhicule qui circulait dans la province de Marib, tuant jusqu’à six personnes.

Les Etats-Unis ont mené les attaques de drone dans un intervalle très rapproché sur ordre du gouvernement Obama, mettant fin à une interruption de sept semaines des frappes contre le Yémen. Il devient de plus en plus évident que l’alerte terroriste mondiale annoncée vendredi dernier est liée tout autant à des objectifs étrangers que domestiques.

Sur le plan intérieur, la menace terroriste est avancée pour justifier les programmes de surveillance d’Etat policier divulgués par le lanceur d’alerte Edward Snowden. Le gouvernement Obama comme les députés démocrates et républicains affirment que les opérations massives d’espionnage visent exclusivement des personnes soupçonnées de terrorisme et qu’elles sont essentielles à la « guerre contre le terrorisme. » L'évocation permanente d'une attaque imminente, vague et totalement sans fondement, sert à créer un climat de peur de façon à intimider et à dissiper le soutien populaire pour Snowden et l’opposition populaire contre les programmes de surveillance de type Big Brother.

Entre-temps, de nouvelles révélations concernant des programmes d’espionnage et basées sur des documents divulgués par Snowden exposent l'ampleur générale des opérations et montrent que les déclarations officielles sur leur caractère soi-disant juridique et étroitement ciblé sont des mensonges.

Sur le plan international, la menace terroriste est utilisée pour couvrir une intensification de la violence militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient. Frustré par son incapacité à ce jour de mettre fin au régime de Bachar al-Assad en Syrie au moyen d'une milice d’opposition agissant à sa place, Washington semble déterminé à démontrer la puissance destructrice de sa technologie militaire en lançant un avertissement tant au régime syrien qu'aux alliés de Damas, notamment l’Iran et la Russie.

Un journaliste de l’Associated Press se trouvant dans la capitale du Yémen, à Sanaa, a dit qu’un drone américain avait survolé la ville durant une bonne partie de la journée de mercredi. Le New York Times a rapporté que des barricades de l’armée se dressaient dans de nombreuses rues de Sanaa et que des avions de combat les survolaient. Des équipes des forces spéciales américaines ont été placées en état d’alerte maximum en prévision d’incursions dans la péninsule arabe.

Des responsables yéménites ont déclaré mercredi avoir déjoué un complot terroriste contre les installations portuaires, gazières et pétrolières. Les combattants d’al Qaïda auraient projeté de s’emparer du contrôle du port maritime d’Al Mukalla et du terminal pétrolier de Mina al-Dhaba. Ces affirmations ont été reçues avec beaucoup de scepticisme parmi les Yéménites. Celles-ci semblent s’inscrire dans une perspective de renforcer la crédibilité de l’alerte terroriste décrétée par les Etats-Unis.

Selon la fondation américaine New America Foundation sis à Washington DC, « A la date du 6 août 2013, les frappes américaines par des avions et par des drones ont tué entre 610 et 849 personnes au Yémen… 99 pour cent de ces morts sont survenues durant la présidence d’Obama. »

Une étude faite par l’organisation suisse de défense des droits de l’homme l’Alkarama Foundation et intitulée « La guerre des Etats-Unis au Yémen : attaque de drones, » a trouvé qu’entre 2002 et 2013, jusqu’à 226 opérations militaires américaines avaient eu lieu au Yémen, dont des frappes lancées à partir d’avions avec et sans pilote et de navire de guerre, causant la mort d’au moins 390 civils.

Le Yémen est situé le long du Golfe d’Aden qui présente un intérêt stratégique crucial car il contrôle le détroit de Bab el-Mandeb, qui à son tour contrôle l’accès à la Mer rouge. Comme le World Tribune l’avait rapporté en janvier, les Etats-Unis disposent de projets à long terme pour construire au moins trois bases militaires au Yémen dans le cadre de l’initiative du gouvernement Obama de renforcer la présence militaire américaine dans ce pays. Un article paru le 27 mai dans le Yemen Times a dit que 35 entreprises internationales sont en train de se positionner pour avoir accès à vingt nouveaux sites d’exploitation pétrolière dans le pays. 

Dans la mesure où il existe une menace d’attaques terroristes contre des Américains, elle trouve son origine dans la politique brutale et réactionnaire pratiquée par les Etats-Unis au Moyen-Orient et en Asie centrale. Celle-ci combine la violence et les meurtres gratuits au soutien de régimes despotiques en Arabie saoudite et dans d’autres pays pétroliers et appuie l’oppression israélienne des Palestiniens. Les Etats-Unis soutiennent aussi la junte militaire en Egypte.

Comme le journaliste yéménite Farea al-Muslimi l’a raconté au sénat américain en 2012, « Les frappes de drone sont pour beaucoup de Yéménites le visage de l’Amérique. » Al-Muslimi a décrit une attaque commise en décembre 2009 contre al-Majala et qui a coûté la vie à au moins 40 civils, dont des enfants et des femmes enceintes.

Larry Lewis, du Centre pour l’analyse navale, qui a réalisé une étude sur l’usage des drones dans la guerre en Afghanistan, a constaté que les frappes de drones ont tué dix fois plus de civils afghans que les frappes exécutées par des avions opérés par un pilote, contrairement aux affirmations du président Obama que « les avions ou les missiles conventionnels sont beaucoup moins précis que les drones et risquent de causer plus de victimes civiles et davantage d’indignation locale. »

En février, le sénateur Lindsey Graham de la Caroline du sud avait reconnu que les Etats-Unis avaient tué près de 5.000 personnes à l’aide de drones et remarqué avec suffisance que « parfois on tue des gens innocents. »

Dans une interview donnée mercredi soir à l’émission de télévision américaine « Tonight Show » animée par Jay Leno, le président Obama a continué à défendre les programmes de surveillance de la NSA (National Security Agency) les qualifiant de « dispositif crucial de l’anti-terrorisme. » Malgré les documents divulgués qui montrent que la NSA collecte les relevés des communications téléphoniques de chaque Américain et des communications par Internet effectuées dans le monde entier, il a déclaré de façon absurde: « Nous ne disposons pas d'un programme de surveillance intérieure. »

Obama n’a fourni aucune nouvelle preuve pour justifier la menace de terrorisme, disant simplement qu’il « était suffisamment significatif que nous prenions toutes nos précautions. »

(Article original paru le 8 août 2013)

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