Après Chypre, encore plus d'austérité pour la Grèce

Le pillage financier de Chypre par l'Union européenne marque un tournant qualitatif dans les mesures d'austérité brutales imposées à tout le continent.

Les 10 milliards d'euros de l'UE pour renflouer les banques sont conditionnées à la destruction du secteur bancaire de l'île dans l'intérêt des sections les plus puissantes du capital financier.

Les dépôts bancaires supérieurs à 100 000 euros ont été razziés, et des contrôles stricts des capitaux sont en place. Le ministre des Affaires étrangères de Chypre Ioannis Kasoulides a dit que ceux-ci pourraient durer « jusqu'à un mois. » Bien que des commentateurs disent qu'ils s'attendent à ce que ces contrôles restent en place pendant des années.

Le renflouement est lié à des coupes drastiques dans les dépenses et à des privatisations. Des représentants de la troïka – l'UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – sont à Chypre depuis le début du mois, dressant une liste de privatisations possibles, y compris dans les principaux services publics.

En même temps, des exigences d'une austérité plus grande sont présentées à la Grèce, qui est en récession depuis cinq ans, suite aux mesures de l'UE.

Des représentants de la Troïka vont retourner à Athènes au début du mois prochain pour compléter ce que le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble décrivait cette semaine comme une « dure mission de supervision. »

Répondant au journal Grec Ta Nea, Schäuble a réfuté toute idée que la population ne pourrait pas supporter davantage d'austérité, disant « En ce moment, tous les indicateurs macroéconomiques signalent que la recette porte ses fruits. Mais il faudra plus de temps que ce que beaucoup en Grèce voudraient. »

En décembre, la troïka a accepté de remettre 50 milliards d'euros faisant partie de l'accord de prêt actuel dont le total porte sur 130 milliards. En échange, elle exigeait que la Grèce impose de nouvelles réductions des effectifs, des augmentations d'impôts et d'autres mesures d'austérité extrêmement pénalisantes. L'argent est versé en tranches qui dépendent strictement des mesures d'austérité qui leur sont attachées, avec des inspections régulières de leur « progrès ».

Mais le mois dernier, les représentants de la troïka ont quitté les négociations avec le gouvernement grec, retardant le versement d'un prêt de 2,8 milliards d'euros de ce qui avait été accepté auparavant.

Au cœur de la crise, il y avait l'insistance de la troïka pour que la Grèce adhère pleinement aux promesses de réduction de 25 000 emplois dans le secteur public avant la fin de 2013. Craignant une montée de la crise sociale dans un contexte de chômage record, le gouvernement a proposé à la place d'éviter les licenciements obligatoires et de transférer les employés vers une « réserve de travail spéciale » d'ici 2014. Même si ceci entraînerait la réduction de 40 pour cent des salaires pour un an, et le licenciement de 150 000 employés d'ici 2016, cela a été rejeté par la troïka qui considère la mesure insuffisante.

En s'appuyant sur son adhésion loyale aux diktats de l'UE, le gouvernement de coalition, qui réunit Nouvelle démocratie, le PASOK social-démocrate et la Gauche démocratique, avait affirmé que recevoir la prochaine tranche serait une formalité. Le ministre des finances Yannis Stournaras commentait à l'époque, « Cette fois-ci ça va être facile. S'ils [la troïka] restent quelques jours de plus, ce sera pour aller voir quelques antiquités. »

Au lieu de cela, la troïka a passé deux fois plus de temps que prévu à Athènes, puis a mis fin aux négociations et retenu sa promesse de prêt en invoquant l'argument que le gouvernement ne peut pas revenir sur des mesures pour lesquelles il s'est déjà engagé, y compris pour la suppression de milliers d'emplois dans le secteur public.

En réaction, un responsable anonyme du gouvernement a déclaré au Guardian que la réception de tout argent de la troïka était à présent gravement compromise : « Il y a des inquiétudes très sérieuses sur le fait qu'à l'été, le prochain versement [du prêt] ne sera pas effectué. Rien n'est sûr. »

Au cœur de l'action de l'UE, il y a une politique visant à diminuer les salaires et les conditions de travail des travailleurs dans tous les pays européens à un niveau comparable à ceux de l'Europe de l'Est, de la Chine et de l'Inde.

Dans des commentaires révélateurs avant la dernière visite de la troïka à Athènes, un représentant de la Grèce à la commission européenne, Maria Damanaki, avait dit à la radio FM To Vima, « La stratégie de la Commission européenne au cours de l'année et demie ou deux écoulée a été de réduire les coûts du travail dans tous les pays européens afin d'améliorer la compétitivité des compagnies européennes sur leurs rivales d'Europe de l'Est et d'Asie. »

C'était le cadre des réunions qui se sont tenu à la fin mars entre Kostas Hatzikadis, le ministre de l'Economie et du développement Grec, et les directeurs exécutifs de 11 des plus grandes compagnies internationales opérant en Grèce. Un rapport de GR Reporters notait que, « huit des onze dirigeants ont soutenu l'idée qu'un salaire [mensuel] de 250 à 300 euros pour des emplois à temps partiel pourrait créer de nouveaux emplois. »

Ce rapport citait les commentaires du directeur exécutif de Barilla Hellas, George Spiliopoulous, qui disait, « Je ne vois pas pourquoi un niveau minimal de salaire devrait être maintenu dans un pays où le chômage des jeunes a atteint des niveaux incroyables. »

C'est cette volonté de détruire les salaires et les conditions de vie des travailleurs qui explique la brutalité avec laquelle l'UE a traité Chypre et d'autres pays, ainsi que la vénalité du gouvernement de ces pays pour aider ses actions.

L'élite dirigeante avance à grands pour exploiter le niveau maintenant catastrophique de chômage en Grèce, qui se monte à près de 30 pour cent pour les adultes et plus de 60 pour cent pour les jeunes. Avec de telles exigences, l'élite dirigeante cherche à s'enrichir encore plus, quelques mois seulement après que le gouvernement, sur l'insistance de la troïka, a réduit le salaire minimum pour tous les moins de 25 ans de 25 pour cent, à 510 euros par mois au lieu de 740. Pour un travailleur de plus de 25 ans, le salaire minimum a été réduit de 22 pour cent à tout juste 586 euros par mois.

Cette semaine, l'agence fédérale allemande des statistiques Destatis a publié des enquêtes montrant qu'en 2012, la Grèce était le seul pays de l'UE à voir une baisse du coût moyen du travail dans le secteur privé. D'après l'étude, le coût d'une heure de travail, y compris les éléments qui ne font pas partie du salaire, dans le secteur privé grec était de 15,50 euros l'an dernier, soit une baisse de 6,8 pour cent par rapport à 2011.

Aucun domaine des services sociaux n'a été épargné, les conditions de vie dans le pays ont été ramenées au niveau de ce qui existait sous l'occupation nazie durant la seconde guerre mondiale. Des attaques allant encore plus loin sont même en préparation sous les mesures de réduction des coûts qui ont été conclues avec la troïka, dont la fermeture des hôpitaux régionaux dans un service de santé déjà décimé et la suppression du droit à l'enseignement supérieur par le « plan Athéna. »

L'objectif du plan Athéna est de fermer de nombreux établissements de l'enseignement supérieur et d'abolir le droit à cet enseignement, qui est pour le moment garanti par l'article 16 de la constitution grecque. Sous son égide, les établissements devront rechercher des partenariats privés et lier leurs programmes éducatifs aux demandes du marché.

Cette voie est présentée comme la seule possible dans un contexte où les mesures d'austérité successives ont laissé la Grèce embourbée dans sa sixième année de récession. La banque centrale grecque a prévu que la récession devrait s'aggraver, et que l'économie devrait se contracter de plus de 5 pour cent cette année, contre une projection de 4,5 pour cent faite par la troïka.

(Article original publié le 30 mars 2013)

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