Perspectives

Le premier ministre britannique Cameron s’attaque aux immigrants

L’attaque menée cette semaine par le premier ministre David Cameron contre des migrants bulgares et roumains n’est que la dernière en date des diatribe lancées contre les immigrants dans le but de polluer l’atmosphère politique en Grande-Bretagne et en Europe.

Cameron a annoncé des mesures à l’encontre des immigrants en Grande-Bretagne (Voir en anglais: « UK Prime Minister Cameron plays the anti-immigrant card ») et qui, a-t- il affirmé, visent « le tourisme social ». En vertu des nouvelles lois, les immigrants n’auront plus droit, en tant que droit fondamental, aux allocations chômage. Ils seront également soumis à la déportation en cas de mendicité ou s’ils dorment dehors.

L’intervention du premier ministre a eu lieu alors que les règles de l’Union européenne imposant des restrictions aux Bulgares et aux Roumains travaillant au Royaume-Uni étaient sur le point d’expirer. Ces mêmes restrictions vont également perdre leur validité en Autriche, en Belgique, en France, en Allemagne, au Luxembourg, à Malte, en Espagne et aux Pays-Bas.

L’expiration des restrictions de l’UE a déclenché une campagne de presse hystérique au Royaume-Uni avec des mises en garde sinistres selon lesquelles la Grande-Bretagne était en train d’être submergée par les Européens de l’Est. La presse s’est concentrée sur le fait que le niveau dérisoire des prestations sociales en Grande-Bretagne atteignait encore au moins deux fois le salaire moyen en Bulgarie.

Le jour même de l’annonce des nouvelles mesures anti-immigration, Cameron a publié une rubrique dans le Financial Times intitulée « La libre circulation au sein de l’Europe doit être moins libre. » Il écrit : « Il est temps qu’un nouveau règlement reconnaisse que la libre circulation est un principe fondamental de l’UE, mais il ne peut s’agir d’un principe inconditionné… Nous devons traiter de la même façon le domaine social. Par exemple : une libre circulation ne devrait pas concerner les allocations familiales. »

Les déclarations de Cameron ont entraîné une légère réprimande de la part du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a remarqué avoir dit à Cameron que « la libre circulation est un principe fondamental du traité et doit être maintenue. »

Venant de la part d’une telle figure, c’est de la pure hypocrisie. Il y a peu de chose qui sépare l’approche de l’immigration qui est celle de Cameron de celle de n’importe quel autre dirigeant européen important.

Les propositions avancées par Cameron pour empêcher les migrants de recevoir des prestations sociales jusqu'à ce qu’ils aient résidé trois mois au Royaume-Uni existent déjà aux Pays-Bas. Le nouveau gouvernement de grande coalition chrétien-démocrate/social-démocrate en Allemagne s’est engagé à réprimer les migrants pour « des demandes injustes de prestations sociales. » Le gouvernement PS (Parti socialiste) en France est en train de proposer des contrôles répressifs à l’encontre de travailleurs migrants intérimaires frontaliers.

D’innombrables mesures de restrictions concernant le travail migrant ont déjà été mises en place en Europe. En raison toutefois de la raison d’être de l’Union européenne en tant que zone de libre-échange, une libre circulation de la main d’œuvre est inscrite dans les traités de l’UE. Elle profite aux grandes entreprises en quête d’une main-d’œuvre tant qualifiée que non qualifiée.

C’est la raison pour laquelle l’attention de Cameron s’est portée sur une limitation du droit aux prestations sociales plutôt qu’au droit de résidence. En invoquant ceci, le vice-premier ministre, Nick Clegg, le dirigeant des libéraux-démocrates, partenaires de coalition des conservateurs, a insisté pour que les propositions du gouvernement soient compatibles avec la loi communautaire.

Les appels alarmistes de Cameron sont répercutés dans tout le spectre politique officiel. Sur la droite, la rhétorique anti-immigration constitue la base du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (United Kingdom Independence Party) et de tendances identiques partout en Europe. Mais c’est le parti d’opposition, le Parti travailliste britannique (Labour) qui incarne l’unanimité régnant au sein de toutes les sections de l’élite dirigeante pour faire des immigrés les boucs émissaires pour les conséquences des coupes sociales en train de détruire les services sociaux et de précipiter des millions de personnes dans la pauvreté.

Les politiciens influents du Labour ont décidé de dépasser par la droite le gouvernement en faisant un appel au sentiment anti-immigrant. L’ancien ministre britannique de l’Intérieur, Jack Straw, a dit que la décision prise par Labour en 2004 de ne pas imposer de restrictions aux migrants d’Europe de l’Est avait été une « erreur monumentale. »

Un autre ancien ministre travailliste de l’Intérieur, David Blankett, avait insisté dernièrement pour dire « Nous devons changer l’attitude et la culture » de la communauté rom au Royaume Uni si ont voulait éviter un violent retour de bâton contre eux.

David Goodhart, le fondateur du magazine pro-Labour Prospect et un directeur du groupe de pression Demos, a prétendu sans fondement, que 1,5 million de migrants étaient arrivés sur le marché du travail en GB – un chiffre qui est 50 pour cent plus élevé que celui cité par Cameron. Il a proposé que la Grande-Bretagne n’accepte que des immigrés venant de pays dont le revenu par habitant correspond à 75 pour cent de la moyenne de l’UE – une proposition qui exclurait la Grèce, la Pologne, le Portugal, la Lituanie, la Lettonie et bien sûr la Bulgarie et la Roumanie.

Pour ne pas être en reste, la ministre travailliste du gouvernement fantôme travailliste, Yvette Cooper, a réagi à la diatribe de Cameron en déclarant que le premier ministre était encore « en train de faire du rattrapage » avec le parti travailliste qui avait avancé ces mêmes propositions il y a huit mois.

Le discours politique officiel est en train de virer encore plus vers la droite non pas parce que l’extrême droite est en train de capter le sentiment public, mais parce que celle-ci est en train d’ouvrir une voie où les principaux partis politiques sont plus que disposés à s’engager.

L’impulsion majeure tant pour la migration internationale que celle ayant lieu au sein de l’UE – notamment d’Europe méridionale et orientale – est donnée par la dégradation dévastatrice des conditions sociales. L’UE a joué un rôle décisif dans ce processus, par la mise en vigueur de mesures d’austérité et par diverses mesures des principaux gouvernements et grands groupes européens pour tirer vers le bas les salaires et supprimer les programmes sociaux.

Maria Damanaki, une commissaire européenne de Grèce, avait dit au début de l’année : « La stratégie de la commission européenne au cours des 18 ou 24 mois écoulés a été de réduire les coûts du travail dans tous les pays européens afin d’améliorer la compétitivité des compagnies européennes face à leurs rivales d’Europe de l’Est et d’Asie. »

Damanaki est une figure influente, députée parlementaire du PASOK, le parti social-démocrate grec, qui a joué un rôle crucial pour imposer au cours de ces quatre dernières années les dictats des créanciers des banques grecques.

Suite à des années d’austérité brutale, les salaires des travailleurs d’Europe de l’Est ont chuté à des niveaux de misère. La Bulgarie est le plus pauvre pays de l’UE avec un salaire mensuel moyen d’à peine 350 euros.

Mais il ne s’agit pas là uniquement d’un phénomène qui se retrouve en Europe de l’Est. Les attaques incessantes menées depuis le krach financier mondial de 2008 contre les travailleurs, tant pas le gouvernement travailliste que par l’actuelle coalition, ont fait chuter le niveau de vie durant une période plus longue qu’à n’importe quel autre moment depuis 1870.

Le Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP) défend le droit des travailleurs de vivre et de travailler où bon leur semble ainsi que la libre circulation sur tout le continent et au plan international. Les conditions préalables à la défense des droits des travailleurs dans n’importe quel pays sont la solidarité et l’unité de leur lutte avec les travailleurs des autres pays. Au cœur de l’agitation anti-immigration il y a un effort calculé de la part des classes dirigeantes pour détourner d’eux la colère sociale et pour diviser la classe ouvrière selon des lignes nationales, raciales, ethniques et religieuses.

L’UE n’est en aucun cas un instrument pour défendre les droits démocratiques et sociaux des travailleurs, qu’ils soient nés dans le pays ou immigrés. L’UE existe uniquement pour faciliter ce que le patronat exige pour engranger des profits aux dépens des salaires, des emplois et des moyens d’existence de la population laborieuse. La défense du niveau de vie des travailleurs et de leurs droits sociaux requiert le lancement d’un mouvement de masse de la classe ouvrière sur tout le continent contre l’Union européenne, pour le renversement du capitalisme et l’établissement de gouvernements ouvriers dans le cadre d’Etats socialistes unis d’Europe.

(Article original paru le 30 novembre 2013)

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