Perspectives

Les leçons politiques à tirer de la grève des employés du métro d’Athènes

La violente répression d’Etat de la grève des employés du métro d’Athènes est un avertissement clair émis à la classe ouvrière internationale.

Jeudi, 24 janvier, le gouvernement grec a décrété la loi martiale contre les grévistes du métro en les obligeant à reprendre le travail sous peine d’emprisonnement. Tôt vendredi matin, des centaines de policiers ont envahi le principal dépôt du métro en arrêtant au moins une dizaine de travailleurs et en en blessant un autre. Des grèves de solidarité de la part d’autres employés des transports publics ont été déclarées illégales dimanche.

La grève des employés du métro a révélé l’intense opposition populaire contre les attaques considérables perpétrées contre le niveau de vie des travailleurs grecs, que dicte l’Union européenne et qui sont appliquées par la coalition gouvernementale dirigée par Nouvelle Démocratie. Le dernier plan de coupes sociales adopté en novembre exige, dans le secteur public, de nouvelles réductions de salaire de l’ordre de 25 pour cent.

La lutte des travailleurs du métro a été largement considérée comme un défi à une série interminable de mesures d’austérité qui sont en train d’appauvrir de vastes sections de la population. C’est ce qui explique l’énorme soutien de la classe ouvrière envers les grévistes.

De par son invocation des pouvoirs exceptionnels et le recours à la violence d’Etat contre les travailleurs du métro, la classe dirigeante grecque a clairement montré qu’elle était déterminée à écraser par la force toute opposition aux dictats de l’UE et des banques. Le premier ministre conservateur, Antonis Samaras, a déjà déclaré qu’il entendait agir de même contre de nouvelles grèves.

Toutes les affirmations selon lesquelles il est possible de faire changer la politique de l’Etat au moyen de protestations et de grèves limitées ont été anéanties.

En 2010 déjà, alors que des plans d’austérité commençaient à être mis en place à l’échelle européenne, plusieurs grandes grèves – des routiers grecs, des contrôleurs aériens espagnols, des travailleurs français des raffineries de pétrole – avaient été terminées par l’intervention de la police et de l’armée.

Ce que l'on voit se produire est une transformation historique des relations de classes. Deux décennies après l’effondrement de l’URSS, la classe dirigeante européenne condamne la classe ouvrière à un avenir de pauvreté et de dénuement social. De plus en plus souvent, l’appareil d’Etat répressif est mobilisé pour criminaliser et briser toute forme de résistance collective de la classe ouvrière.

La capitulation immédiate des syndicats et des forces pseudo-gauches devant l’écrasement de la grève des employés du métro d’Athènes souligne la signification de la lutte menée par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) pour démasquer publiquement ces organisations et briser l’influence qu’elles exercent sur la classe ouvrière. Elles cherchent à restreindre les luttes des travailleurs à des protestations symboliques inoffensives.

La classe ouvrière ne peut réussir à mobiliser sa puissance sociale qu’en construisant de nouvelles organisations et une nouvelle direction pour arracher la conduite des luttes des mains des syndicats et de ses alliés pseudo-gauches. Les grèves et les autres actions de masse doivent viser à renverser le gouvernement pour le remplacer par un gouvernement ouvrier fondé sur une politique socialiste.

Sitôt la loi martiale décrétée, le syndicat des travailleurs du métro grecs, SELMA, a mis fin à la grève et a ordonné aux grévistes de retourner au travail. Dans une tentative de couvrir sa capitulation, il a annoncé des projets visant à défier devant les tribunaux ces mesures de briseur de grève.

En guise de protestation, les autres syndicats des transports ont appelé à des grèves de solidarité limitées. Les principales fédérations syndicales, ADEDY (qui représente les fonctionnaires) et la GSEE (Confédération générale des Travailleurs grecs), ont critiqué les mesures de briseur de grève mais ont limité leur réaction à une grève symbolique de 24 heures prévue pour début février.

Les syndicats ont collaboré à la destruction du niveau de vie des travailleurs. Ils ont rejeté la mobilisation politique de la classe ouvrière visant à renverser une série de gouvernements impopulaires qui ont supervisé le programme social de guerre de classes de l’UE. Ils sont tout au plus prêts à organiser des grèves symboliques intermittentes afin de contenir et de désamorcer l’opposition de la classe ouvrière.

En invoquant la loi martiale, le gouvernement a agi avec l’assurance que les syndicats oeuvreront pour démobiliser l’opposition de la classe ouvrière.

Un autre allié clé du gouvernement est la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) ainsi que d’autres groupes pseudo-gauches en Grèce. Lors des élections de juin dernier, SYRIZA avait cherché à calmer la colère populaire au moyen de critiques restreintes à l’égard des coupes sociales. Elle est apparue comme le plus fort parti d’opposition en obtenant 27 pour cent des votes. Toutefois, même à cette époque, SYRIZA avait renforcé son soutien pour l’Etat bourgeois et l’UE en ne proposant d’apporter que des modifications marginales à sa politique de réduction drastique du déficit.

Depuis lors, SYRIZA a viré encore plus à droite. Au moment même où la grève des employés du métro subissait des attaques de l’Etat, Tsipras se trouvait aux Etats-Unis pour rassurer le Fonds monétaire international (FMI) et la classe dirigeante américaine sur le fait que « son parti était un partenaire fiable. » Lors d’une conférence de presse à New York, il a critiqué les actions entreprises par le gouvernement grec tout en impliquant que les travailleurs du métro portaient aussi une responsabilité pour la crise.

Signalant son hostilité à l’égard des luttes de la classe ouvrière, il a dit, « La dernière chose dont notre pays a besoin c’est une escalade des tensions et des conflits sociaux. »

Son collègue de parti et député parlementaire de SYRIZA, Dimitris Papadimoulis, a même été encore plus direct dans une interview radiophonique en accusant les travailleurs du métro d’avoir, des années durant, joui de privilèges. SYRIZA, a-t-il souligné, n’a rien à voir avec la grève.

La position hostile adoptée par les syndicats et les groupes pseudo-gauches montre que pour la défense de leurs droits les travailleurs sont confrontés non seulement à l’appareil d’Etat mais aussi à ses agences annexes dont font partie les syndicats et leurs alliés pseudo-gauches.

La défense du droit de grève et du droit d’accès à des besoins sociaux fondamentaux requiert une mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans le but d’établir un gouvernement ouvrier engagé à nationaliser les banques et les principaux grands groupes, en les plaçant sous le contrôle démocratique de la population laborieuse.

Une telle lutte ne peut réussir qu’en tant que partie intégrante d’un mouvement européen et international des travailleurs à l’encontre du système capitaliste, son appareil d’Etat et ses partisans au sein de la bureaucratie syndicale et des organisations pseudo-gauches. Ceci requiert la construction du CIQI en tant que parti révolutionnaire s’opposant à l’UE avec la perspective de mettre en place les Etats socialistes unis d’Europe.

(Article original paru le 29 janvier 2013)

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