Des protestations de masse ont éclaté en Egypte contre le régime de Morsi, soutenu par les Etats-Unis

L’Egypte est témoin d’une nouvelle recrudescence de luttes massive de la classe ouvrière. Pour le premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir du président islamiste Mohamed Morsi, des millions de gens ont envahi les rues et les places du pays pour exiger son éviction et celle des Frères Musulmans (FM) de Morsi.

Dans des scènes rappelant les luttes qui, il y a près de deux ans et demi, ont entraîné la chute du dictateur de longue date de l’Egypte, les travailleurs et les jeunes se sont rassemblés sur les places emblématiques de la Révolution égyptienne, en scandant : « Dégage ! » et « Le peuple veut la chute du régime ».

Au Caire, plusieurs défilés ont convergé vers la Place Tahrir. La foule a grossi au point d’être évaluée en début de soirée à un million, jurant de rester jusqu’au départ de Morsi. Une autre manifestation a eu lieu dans la capitale devant le palais présidentiel lourdement gardé à Ittihadia où des centaines de milliers s’étaient retrouvés.

Des protestations de masse ont eu lieu dans toutes les principales villes des 27 gouvernorats du pays. Dans la cité portuaire méditerranéenne d’Alexandrie, des centaines de milliers de gens ont afflué sur la place Sidi Gaber, déterminés à faire partir Morsi.

Dans la ville industrielle de Mahalla, l’un des centres de la révolution égyptienne, des dizaines de milliers se sont rassemblés sur la Place Al-Shoun, scandant des slogans révolutionnaires contre Morsi. Environ 90 pour cent des travailleurs de la société de filature et de tissage Misr Spinning and Weaving company qui appartient à l’Etat, l'usine la plus grande d’Egypte qui emploie plus de 25.000 travailleurs, ont débrayé pour rejoindre les manifestations.

D’autres protestations de masse ont eu lieu à Mansoura, Damanhour, Minya, Tanta, Sharqia et dans les villes de la région du canal de Suez, à Port Saïd, Suez et Ismaïlia. Une source de l’armée citée par le quotidien égyptien Al-Shorouk a dit que 17 millions de personnes étaient descendues dans la rue pour former l’une des plus importantes manifestations depuis le début de la révolution.

« Les scènes des manifestations sont sans précédent en taille et en portée et semblent dépasser celles observées durant le soulèvement qui a duré 18 jours pour renverser Moubarak, » a dit au Guardian britannique, Michael Hanna, membre de la Century Foundation de New York et spécialiste de l' Egypte.

Dans certains endroits, les protestations présentaient un caractère insurrectionnel et de violents affrontements entre des manifestants anti-gouvernement et des partisans de Morsi ont éclaté. Au Caire, des manifestants ont attaqué avec des cocktails Molotov le quartier général national des FM tandis que des activistes islamistes se sont défendus de l’intérieur du bâtiment à l’aide de fusils.

Dans la ville d’Assiut, dans la haute Egypte, des assaillants ont tué trois manifestants alors que des milliers de protestataires anti-Morsi défilaient vers les quartiers généraux locaux du parti Liberté et Justice (FJP, Freedom & Justice Party).

Comme en 2011, les protestations de masse sont motivées par l’inégalité sociale stupéfiante en Egypte, et qui s’est accentuée sous le régime de la junte militaire et des Frères musulmans, et le caractère répressif de l’appareil d’Etat appuyé par les Etats-Unis.

Mohamed Ramadan Badawy, un manifestant du gouvernorat de Qena dans le Sud du pays et qui avait rejoint une délégation de Haute Egypte se rendant au Caire pour se joindre aux protestations sur la Place Tahrir a dit à Ahram Online : « Les besoins fondamentaux des Egyptiens ne sont pas satisfaits, nous avons un problème de chômage de masse, notamment parmi les jeunes, les meurtres continuent sous le régime [de Morsi] et puis il y a l’effondrement de l’Etat, des accidents de trains et des coupures d’électricité. La pauvreté ne cesse de croître en Egypte au point que les gens se nourrissent dans les poubelles. »

Comme en 2011, la colère de masse vise une fois de plus les Etats-Unis, principale puissance à soutenir le régime islamiste répressif de Morsi. Après l’éviction révolutionnaire de son laquais de longue date, Moubarak, Washington a tout d’abord soutenu une junte militaire en donnant ensuite son appui aux FM pour défendre ses intérêts économiques et stratégiques partout au Moyen-Orient. Morsi a souscrit à la guerre en cours menée par les Etats-Unis en Syrie dans le but de faire chuter le président Bachar al-Assad, en promettant de soutenir « matériellement et moralement » les milices islamistes d’opposition appuyées par l’Occident.

Il y a à peine quelques jours, l’ambassadrice américaine en Egypte, Anne Patterson, a dénoncé les protestations contre Morsi en émettant quasiment un chèque en blanc aux islamistes pour réprimer brutalement les protestations.

« Certains disent qu’une action dans la rue produira de meilleurs résultats que des élections. Pour être honnête, mon gouvernement et moi-même sommes profondément sceptiques », a-t-elle dit en ajoutant : « L’Egypte a besoin de stabilité pour mettre de l’ordre dans sa maison économique et davantage de violence dans la rue ne contribuera qu’à ajouter de nouveaux noms à la liste des martyrs. »

« Reflétant la haine généralisée contre l’impérialisme américain en Egypte, des manifestants brandissaient des affiches à l’effigie de Patterson et de Morsi barrées d’un « X ». Sur une bannière anti-Patterson on pouvait lire « Vieille sorcière, rentre chez toi. »

Le palais présidentiel, les bâtiments gouvernementaux et d’autres sites clé à travers le pays étaient gardés par l’armée égyptienne subventionnée par les Etats-Unis. Des chars et des soldats étaient spécialement stationnés dans les villes avoisinant le stratégique canal de Suez où des manifestations anti-Morsi avaient déjà revêtu un caractère insurrectionnel après le second anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier dernier.

Comme aux premiers jours de la révolution, des hélicoptères de l’armée ont survolé le Caire en surveillant la foule se trouvant sur la Place Tahrir et devant le palais présidentiel. Selon des sources de l’armée, le ministre de la Défense et commandant en chef des forces armées égyptiennes, le général Abdul Fatah Khalil Al-Sisi, a suivi les protestations depuis une salle de contrôle spéciale.

Dimanche dernier dans un discours Al-Sisi a proféré la menace que si les partis politiques ne réussissaient pas à arriver à un consensus et si la situation venait à déraper, l’armée interviendrait. Spiegel Online a rapporté que des milliers d’Islamistes organisant un sit-in dans le quartier de Nasr au Caire avaient formé des brigades armées. Les FM et d’autres groupes d’islamistes, tels Gamaa Islamiyya et diverses organisations salafistes ont à maintes reprises juré de défendre la « légitimité » de Morsi.

Essam al-Erian, vice-président du parti de la Liberté et de la Justice (FJP), le bras politique des FM, a qualifié les protestations anti-Morsi de « tentative de coup d’Etat ». Il a accusé l’opposition de « tout simplement rassembler des masses de gens dans des protestations violentes, de recourir à des méthodes de voyous et de faire couler le sang précieux des Egyptiens. »

Les leçons de ces deux dernières années de lutte révolutionnaire sont cruciales au moment où la classe ouvrière entre une fois de plus en lutte. La lutte pour les droits démocratiques et sociaux des travailleurs ne peut être confiée à une quelconque faction de la bourgeoisie égyptienne, qu’il s’agisse de l’armée, des islamistes ou des forces d’opposition de tendance laïque, elle requiert une lutte révolutionnaire indépendante pour le pouvoir, fondée sur une perspective socialiste.

Le programme mis en avant par la campagne « Tamarod » (« rébellion ») qui a appelé ces manifestations, soutenu par le Front de Salut national (NSF) et des groupes pseudo-gauches comme les Socialistes révolutionnaires (SR), est une tentative de plus de la bourgeoisie égyptienne de remodeler son régime, de désamorcer la colère massive de la classe ouvrière et de défendre par la force le pouvoir et la richesse de l’élite dirigeante.

Mercredi, lors d’une conférence de presse, Tamarod a présenté son programme politique. Son co-fondateur, Mohamed Abdel Aziz, a réclamé un « premier ministre indépendant » pour « diriger un gouvernement technocratique dont la principale mission est d’élaborer un plan économique d’urgence pour sauver l’économie égyptienne. » Ses commentaires ont clairement fait comprendre qu’il s’agirait d’une dictature non élue servant les intérêts du capital financier international et imposant la politique d’austérité exigée par le Fonds monétaire international.

Il a dit que « le président de la Cour constitutionnelle suprême (CCS) serait investi des droits du président conformément au protocole tandis que les pouvoirs exécutifs seront attribués au premier ministre pour une période transitoire de six mois, qui s'achèvera par des élections présidentielles encadrées judiciairement et supervisées internationalement, et qui sera suivie par des élections parlementaires. »

(Article original paru le 1er juillet 2013)

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