Election partielle en France: le Front National élimine le Parti socialiste tandis que l’UMP s’impose de justesse

Lors de l'élection législative partielle du 23 juin dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), le Front National (FN) néofasciste a failli obtenir le siège. Le candidat du FN, Etienne Bousquet-Cassagne, a recueilli 46,2 pour cent des suffrages exprimés au second tour tandis que Jean-Louis Costes, le candidat de droite de l’UMP (Union pour un Mouvement populaire de l’ancien président Nicolas Sarkozy) a récolté 53,8 pour cent. Le candidat du Parti socialiste (PS) au pouvoir, Bernard Barral a été éliminé au premier tour.

L'élection partielle de Villeneuve-sur-Lot, un bastion du PS, avait été rendue nécessaire en raison de la démission, suite à un scandale de fraude fiscale, du député PS, Jérôme Cahuzac, ministre du gouvernement. Cette situation a sans aucun doute contribué aux scores élevés du FN et de l’UMP. Toutefois, la situation à Villeneuve-sur-Lot n’est certainement pas un cas isolé. Deux députés FN siègent d’ores et déjà à l’Assemblée nationale et les sondages montrent que sur le plan national le FN de Marine Le Pen est au coude à coude avec l’UMP.

L'élection partielle de Villeneuve illustre de façon claire la manière dont le FN d’extrême droite s’est développé pour devenir un prétendant sérieux au gouvernement. Il est en train d’exploiter le vide politique créé par politique anti-ouvrière menée par le gouvernement PS du président François Hollande. Le FN bénéficie aussi du lâche soutien que de nombreux partis petits-bourgeois de pseudo-gauche accordent au PS.

Le soutien reçu par le FN est beaucoup moins impressionnant que les chiffres initiaux semblent l’indiquer. Au premier tour, alors que 17 candidats s’affrontaient, le FN n’a recueilli que 11,4 pour cent des 75.000 électeurs inscrits. C’est moins que les 12,5 pour cent nécessaires pour passer au second tour, conformément à la loi électorale française. Le FN n’a été en mesure de participer au second tour que parce que le PS qui est arrivé en troisième position avec 10,4 pour cent, avait fait pire encore. Plus de la moitié des électeurs, 54 pour cent, n’avaient pu se résoudre à voter pour un quelconque candidat et étaient restés chez eux.

Au second tour, 14 pour cent de ceux qui sont allés voter, ont voté blanc ou nul. Finalement, le candidat UMP a obtenu le soutien de 24,2 pour cent des électeurs inscrits et le candidat FN 20,1 pour cent.

Ces chiffres montrent les dangers qui menacent les travailleurs français. En l’absence d’une perspective politique indépendante de la classe ouvrière, ces deux partis foncièrement à droite dominent la scène politique bien qu'ils rassemblent moins de la moitié des électeurs derrière eux. Avec d'importantes sections de l'UMP se rapprochant rapidement du FN, des chiffres similaires à l’échelle nationale pourraient se traduire par un gouvernement impliquant le FN, ou même un président issu du FN.

La dirigeante du FN, Marine Le Pen, tire parti du fait que les politiques anti-ouvrières de l’UMP et du PS sont pratiquement identiques. En tous cas, les attaques perpétrées par Hollande contre les acquis sociaux de la classe ouvrière vont même au-delà de celles de son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy. Le jour même du premier tour de l'élection partielle de Villeneuve-sur-Lot, Hollande avait annoncé à la télévision que la durée de cotisation pour la retraite à taux plein serait allongée de 3,5 ans jusqu’à 44 annuités et que le financement de la sécurité sociale serait réduit.

La cote de confiance de Hollande est tombée à 25 pour cent dans les sondages depuis son élection en mai 2012. Le PS a perdu huit sièges de députés d'affilée lors d’élections partielles et a été éliminé au premier tour par le Front National lors de deux de ces élections.

Depuis que Marine Le Pen a succédé à son père, Jean-Marie Le Pen, à la tête du FN, elle a cherché à conférer à son parti un visage plus respectable. Tout en maintenant son racisme coutumier, sa xénophobie, son discours sécuritaire et sa haine du socialisme, le FN essaie de se présenter comme un défenseur des petits patrons et des travailleurs français de souche.

Le lendemain de l’annonce par Hollande de ses attaques renouvelées contre les retraités, Le Pen a appelé « tout le monde, les abstentionnistes, les électeurs de gauche » à voter FN pour protester contre « cette réforme des retraites totalement injuste » et contre « cette destruction des services publics en milieu rural. » Elle joue sur la similitude entre l’UMP et le PS, en les appelant « le système UMPS ».

Cette propagande est renforcée par le fait que le PS et le Front de Gauche, alliance entre le Parti communiste et le Parti de Gauche, ont tous deux appelé à voter UMP au second tour de l’élection partielle de Villeneuve-sur-Lot. L’appel a été lancé au nom de la constitution d’un « Front républicain » qui serait censé défendre les valeurs de la République à l’encontre des fascistes du FN.

Il s’agit là d’une escroquerie totale. L’UMP et le PS, tout comme le FN, sont tous des partis bourgeois répondant aux besoins du capital et de l’impérialisme. Sous l’impact de l’aggravation de la crise économique et sociale, tant l’UMP que le PS sont en train de rapidement abandonner leurs prétentions démocratiques et se tournent vers des formes autoritaires de régime. Le « front républicain » n’est pas un front contre le fascisme, mais un front contre la classe ouvrière visant à empêcher une lutte indépendante de la classe ouvrière contre le fascisme.

La majorité de l’UMP, dont l’ancien président Nicolas Sarkozy, son conseiller Patrick Buisson et le dirigeant du parti, Jean-François Copé, adopte ouvertement la politique anti-immigration, d’identité nationale et islamophobe du FN. Ils se préparent à réaliser des alliances électorales et gouvernementales avec le parti de Le Pen au niveau municipal, régional et national. Seule une minorité au sein de l’UMP, notamment l’ancien premier ministre de Sarkozy, François Fillon, reconnaît encore du bout des lèvres le « front républicain. »

Jean-Louis Costes, candidat victorieux de l’UMP à Villeneuve-sur-Lot, se situe depuis longtemps à la droite extrême de l’UMP. Ceci n’a toutefois pas empêché le PS d’appeler à le soutenir. Hollande, Harlem Désir, premier secrétaire du PS, et la majorité de la direction du PS ont exhorté leurs partisans à voter pour Costes. Rémi Branco un fidèle de Hollande a déclaré : « Ce n’est pas parce que le sens du ‘front républicain’ est brouillé par les postures de certains UMP qu’il faut y renoncer. Au contraire. »

Un rôle crucial est joué par le Front de Gauche (FdG) de Jean-Luc Mélenchon pour promouvoir la fraude du « front républicain ». Le FdG considère que sa mission principale est de fournir une caution de gauche au PS en entretenant l’illusion que ce dernier peut être persuadé d'appliquer une politique plus favorable à la classe ouvrière.

Après avoir présenté son propre candidat au premier tour de l'élection de Villeneuve-sur-Lot, qui a obtenu 5 pour cent des suffrages, le FdG a soutenu le candidat UMP Costes au second tour. Le Parti communiste, de loin la principale composante du FdG, a célébré dans son quotidien l’Humanité la victoire de Costes comme une victoire de « toutes les forces démocratiques ». L’Humanité s’est plaint de ce que le front républicain « ne paraît plus en mesure de contenir durablement le FN » et qu’« on cherche vainement les débuts d’analyse, dans la bouche des dirigeants du PS et du gouvernement. » Il a averti le gouvernement qu’il « va dans le mur s’il persiste à n’être à l’écoute que de ceux qui veulent l’échec de la gauche. »

Alors que le Front de Gauche fournit une caution au PS, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) fournit une couverture au Front de Gauche. Il y a onze ans, lors d’une situation similaire au deuxième tour de l'élection présidentielle et alors que le candidat du FN, Jean-Marie Le Pen, affrontait Jacques Chirac de l’UMP, le prédécesseur du NPA, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avait appelé à voter pour Chirac.

Cette fois-ci, le NPA a conclu qu’un appel ouvert à voter Costes discréditerait totalement ses références de pseudo-gauche. La déclaration du comité NPA de Villeneuve s'était, pour la forme, opposé au « front républicain » en disant que le « NPA ne choisira pas entre le populisme sécuritaire de Costes… et l’ambition fascisante de Bousquet-Cassagne… Ces deux individus sont des ennemis irréductibles de notre camp social. »

La déclaration continue toutefois en lançant un appel à l’unité avec le Front de Gauche qui a, tour à tour, soutenu le PS puis l’UMP : « Le NPA considère que la seule ligne viable aujourd’hui c’est de reconstruire une véritable unité de tous les travailleurs et de toutes les organisations qui souhaitent en découdre avec l’austérité et la politique du gouvernement. »

En réalité, l’unique ligne viable est la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur un programme socialiste international. Ceci requiert une rupture totale avec le PS, le Front de Gauche, les syndicats, le NPA et les autres organisations de pseudo-gauche.

L’adaptation du NPA au Front de Gauche et au PS n’est pas une erreur tactique. Elle découle de sa position de classe et de sa perspective politique. Représentant une couche aisée de la classe moyenne, le NPA est profondément hostile à un mouvement indépendant de la classe ouvrière et s’est largement adapté à la politique de l’impérialisme français.

Ceci s'est révélé le plus clairement dans les guerres contre la Libye et la Syrie où le NPA a insisté pour une intervention impérialiste en assumant le rôle de pom pom girls pour l’impérialisme français. L’année dernière, il avait appelé à voter pour Hollande au second tour de l'élection présidentielle, endossant l’entière responsabilité de sa politique.

Le blocage, par le Front de Gauche, le NPA et les autres organisations de pseudo-gauche, d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière crée le climat pourri dans lequel le Front National peut prospérer. Telle est la principale leçon à tirer des élections de Villeneuve-sur-Lot. Une lutte sérieuse contre le fascisme requiert une rupture déterminée avec ces organisations.

(Article original paru le 2 juillet 2013)

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