Des émeutes éclatent à Trappes après l’interpellation par la police de la famille d’une femme voilée

Des émeutes se sont produites à Trappes (Yvelines) dans la banlieue sud-ouest de Paris durant les nuits de vendredi et de samedi après que la police a brutalement arrêté une famille musulmane, dont une femme portant le voile intégral.

La loi réactionnaire de 2011 interdisant, dans l’espace public, le port du voile intégral, dont la burqa, le niqab ou les cagoules, a intensifié les préjugés raciaux et religieux en France, donnant lieu à de nombreux affrontements entre la police et des musulmans. Jeudi dernier, la police de Trappes avait demandé à une femme voilée de retirer son voile, en interpellant par la suite son mari pour avoir soi-disant tenté d’étrangler un policier durant son arrestation.

Plusieurs centaines de manifestants ont attaqué vendredi soir un commissariat de police à Trappes pour essayer de le libérer, incendiant des abribus et des voitures. Six personnes ont été placées en garde à vue et plusieurs ont été blessées, dont quatre policiers et un garçon de 14 ans qui a été atteint au visage par une balle en caoutchouc et qui risque de perdre l’œil touché.

L’homme placé en garde à vue a été relâché samedi par la police, car le témoignage de sa femme concernant l’arrestation a été rendu public et contredisait directement la version de la police. Le procès de l'homme est tout de même prévu pour septembre.

S’exprimant devant le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), elle a dit, « Ils ont voulu nous contrôler à cause de mon voile intégral. Comme d’habitude, j’ai coopéré. J’allais lever mon voile lorsque j’ai vu l’un des agents pousser violemment ma mère. »

La police a menacé son mari lorsqu’il a demandé aux agents d’arrêter. Alors, a-t-elle poursuivi, « Une fois que le policier en a fini avec ma mère, il vient vers moi et fait de grands gestes devant mon visage en me tenant un langage agressif. Apeurée, je lui ai demandé de se taire. Il m’a alors attrapée par le voile au niveau de la tête et traînée avec une force monstrueuse, avant de me plaquer sur le capot de la voiture en me criant : ‘C’est à moi que tu parles ? C’est à moi que tu parles, hein ?’ »

« Je me suis retournée, puis j’ai aperçu mon mari maintenu à terre par deux policiers qui le menottaient. Une fois dans la voiture, ils nous criaient dessus comme si on était des chiens. Ils menaçaient mon mari en disant ‘Qu’est-ce que tu vas faire maintenant p’tite tafiote, hein ?’ Tout cela avec les poings serrés et en donnant des coups dans la voiture. »

Les émeutes se sont poursuivies durant la nuit de samedi à dimanche, se propageant dans les villes voisines, dont Guyancourt, Maurepas et Elancourt où un véhicule de police a brûlé après avoir été touché par un cocktail Molotov. Plusieurs véhicules de police ont été stationnés devant le commissariat de police à Trappes où la police s’est de nouveau heurtée à plusieurs dizaines d’habitants de la ville qui auraient tiré des feux d’artifice en direction de la police.

Quatre jeunes ont été arrêtés hier et accusés d’avoir participé aux émeutes de vendredi alors que plus de 150 CRS étaient toujours postés à Trappes.

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a dit, « Un dispositif de sécurité conséquent sera maintenu jusqu’à ce que le calme revienne de manière pérenne. » Il a aussi écarté le témoignage de la femme voilée de Trappes en disant être sûr que la police l’avait traitée avec respect.

Les émeutes de Trappes révèlent clairement le caractère réactionnaire et raciste de l’interdiction de 2011 du niqab ou de la burqa. Cette interdiction, qui avait été proposée par le président droitier, Nicolas Sarkozy, et André Gerin du Parti communiste français (PCF) stalinien, jouit de l’appui de l’ensemble de l’establishment politique français.

Cette loi qui avait été votée en violation flagrante du principe de laïcité de la Constitution française, qui stipule la neutralité de l’Etat en matière de religion, rendant donc impossible l’interdiction de pratiquer une religion particulière, est devenue un prétexte pour terroriser les communautés musulmanes de la classe ouvrière

A présent, alors que la colère monte face à la décision du président PS (Parti socialiste), François Hollande, de réduire les droits à la retraite et de perpétrer d’autres attaques contre les droits sociaux des travailleurs, la police est en train de lancer de nouvelles opérations musclées, attisant ainsi un climat sécuritaire. L’objectif plus large de telles opérations est de diviser la classe ouvrière selon des lignes ethniques et religieuses tout en créant les conditions pour imposer de nouvelles coupes sociales.

Ceci souligne le rôle réactionnaire joué par les groupes de pseudo-gauche tels Lutte Ouvrière (LO) ou le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) qui tous deux avaient accepté l’interdiction de la burqa. L'année dernière, lors de l'élection présidentielle, ces deux groupes avaient promu la candidature de Hollande comme une alternative plus à gauche, face à Sarkozy. Ces groupes ont créé un climat politique dans lequel l’unique source d’opposition apparente à Hollande émane de forces racistes d’extrême-droite. Ces forces profitent ensuite du climat raciste incité par le PS et ses mesures sécuritaires.

La principale bénéficiaire de la situation actuelle est Marine Le Pen, dirigeante du Front national néo-fasciste (FN). Son taux de popularité augmente et a atteint 31 pour cent. Elle a réagi aux émeutes de Trappes en qualifiant les habitant de « voyous déchaînés. » Elle a dit, « Il est plus que temps de taper du poing sur la table en organisant la reconquête par la loi et l’ordre de chaque mètre carré du territoire national ».

En début de semaine dernière, deux suspects avaient été arrêtés pour avoir, le 14 juillet, soi-disant en état d’ébriété, menacé d’un couteau une femme voilée. Certains articles de presse indiquaient qu’il s'agissait de membres de groupes d’extrême droite.

Les habitants de Trappes qui ont parlé aux médias ont clairement fait état de la profonde colère sociale qui s’est développée, tant sous Sarkozy que sous Hollande, provoquée par les conditions sociales et la brutalité policière et qui ne trouve aucune expression au sein de l’establishment politique. Une personne a dit, « Nous, on en a marre des policiers bandits qui jouent à ‘qui interpellera le mieux une femme voilée’ »

Une habitante de Trappes, dont la voiture a été endommagée durant les émeutes, a dit au journal Le Monde, « C’est sûr que ça va reprendre. Mais c’est cinquante-cinquante, la police cherche aussi. Quand on est contrôlé cent fois, la 101ème fois, ça pète ! »

Une autre personne a dit, « Toute la ville est énervée ! Vous pensez qu’on se révolte juste pour un contrôle qui tourne mal ? C’est toute l'atmosphère de Trappes qui nous donne des envies de révolution. »

(Article original paru le 22 juillet 2013)

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