La défense de Bradley Manning termine sa plaidoirie

Mercredi, la défense de Bradley Manning a terminé sa plaidoirie devant la cour martiale. Manning est le soldat de l'armée américaine qui a plaidé coupable pour avoir publié 700 000 documents révélant au site WikiLeaks, en avril 2010, les crimes de l'impérialisme américain.

Le procès qui a commencé le 3 juin a mis à nu le caractère foncièrement anti-démocratique du gouvernement Obama, qui est arrivé au pouvoir en promettant la transparence et l'ouverture mais qui a inculpé davantage de personnes pour espionnage (c'est-à-dire pour avoir révélé les méfaits du gouvernement et de l'armée) que tous les précédents gouvernements américains réunis. L'élite politique et militaire cherche maintenant à faire un exemple de Manning pour intimider quiconque serait tenté de suivre son courageux exemple.

Manning est jugé pour des actes politiques devant une cour martiale et un juge militaire qui a un pouvoir pratiquement illimité. De plus, le juge militaire, Colonel Denise Lind, a décidé que les motivations politiques de Manning étaient sans rapport avec l'affaire et qu'on ne pouvait donc en tenir compte, faisant de cette procédure une parodie de justice et d'équité.

Dans une déclaration préliminaire de 35 pages, Manning a clairement indiqué la nature politique de ses actions. Il a fait remarquer, « En tentant de mener des opérations anti-terroristes et contre-insurrectionnelles, nous sommes devenus obsédés par la capture et le meurtre de cibles humaines sur des listes ; et nous avons ignoré les effets secondaires et tertiaires de la réussite des objectifs et des missions à court terme.

« Je crois que si le grand public, en particulier le public américain, avait accès à l'information, cela pourrait déclencher un débat dans le pays sur le rôle de l'armée et sur notre politique étrangère en général, par rapport à l'Irak et à l'Afghanistan.

« Je croyais également que l'analyse détaillée des données sur une longue période de temps par différents secteurs de la société pourrait faire que la société réévalue le besoin ou même le désir de s'engager dans des opérations d'anti-terrorisme et de contre-insurrection qui ne tiennent pas compte de la dynamique complexe des gens qui vivent au quotidien dans l'environnement concerné. »

Plus loin dans sa déclaration, Manning a expliqué, « Plus je lisais, plus j'étais fasciné par la manière dont nous traitions les autres pays et les autre organisations. J'ai également commencé à penser que les accords secrets et les activités apparemment criminelles figurant dans les documents ne semblaient pas correspondre au pays, de fait, le plus puissant du monde libre. »

Manning avait particulièrement à coeur cette question de diplomatie secrète, élément central des communications diplomatiques divulguées par WikiLeaks : « Plus je lisais les communications et plus j'arrivais à la conclusion que c'était le type de renseignements qui devraient être rendus publics » Il a fait remarquer qu'il avait lu des choses sur la question de la diplomatie ouverte en lien avec la Première Guerre mondiale, et il était arrivé à la conclusion que « Le monde serait meilleur si les Etats évitaient de passer des accords et des pactes secrets entre eux et contre d'autres. »

Pourtant, au lieu d'utiliser ce procès pour révéler davantage encore les crimes du gouvernement américain rendus publics par les actions de Manning, la défense, dirigée par l'avocat militaire David Coombs, a admis que Manning est coupable d'avoir publié des informations classifiées et il n'a essayé de lutter que contre la déclaration que ses révélations avaient aidé des ennemis comme Oussama Ben Laden et al Qaïda.

En février, Manning a plaidé coupable pour 10 accusation mineures, y compris celles de possession non autorisée, communication volontaire et stockage inadapté d'informations classifiées, pour lesquelles il risque une peine de prison allant juqu'à 20 ans. Cependant, il a plaidé non-coupable de violation de la Loi sur l'espionnage et le piratage informatique, qui aurait pu lui valoir la peine de mort. Il a également plaidé non coupable de vol, d'aide à l'ennemi et d'usage inadapté des systèmes de renseignement du gouvernement.

Négligeant largement les convictions politiques et les inquiétudes sincères de Manning, Coombs a choisi de décrire son client comme un individus inepte et insatisfait.

Pourtant, un certain nombre de témoins de la défense, dont les responsables de Manning durant son service en Irak, ont dressé un portrait très différent du jeune homme.

L'adjudant Joshua Ehresman, qui était responsable de Manning près de Bagdad, a déclaré qu'il « était notre meilleur analyste et de loin. Il arrivait avec exactement ce dont vous aviez besoin. C'était notre référence. » Il a également déclaré que les rapports de renseignement de Manning étaient « très détaillés et qu'il avait la productivité la plus élevée de leur unité. »

Un autre témoin, également amie de Manning, Lauren McNamara, a donné des indications sur les facteurs politiques qui l'ont motivé. Apportant le texte de plusieurs mois de discussions sur internet entre elle-même et Manning, elle a expliqué que Manning était fortement bouleversé et troublé par la manière dont les civils étaient traités en Irak durant son service. « Il considérait la vie humaine comme valant plus que tout, » a-t-elle expliqué, déclarant qu'il « faisait passer les gens d'abord. »

Au cours de leur échange, Manning a révélé à Mc Namara son désir de faire de la politique dans le but de sauver des familles dans d'autres pays et de s'assurer que les non-combattants seraient en mesure de rentrer chez eux en toute sécurité.

Alors que l'accusation a utilisé 80 témoins sur une période de cinq semaines, la défense n'en a présenté que dix en défense de Manning sur une seule semaine.

Coombs devrait montrer que si Manning a effectivement révélé des informations classifiées, cela n'a causé aucun tort à la sécurité nationale. Le témoin de la défense, le colonel Morris Davis, ex-procureur militaire en chef à Guantanamo, a commenté dans un entretien accordé à l'émission Democracy Now ! que Manning « devrait se voir infliger une peine assez importante pour les faits qu'il a reconnus. » L'unique sujet de discorde, selon ce type de personnes, est de savoir si Manning voulait aider, ou a aidé, des groupes terroristes comme al Qaïda.

(Article original paru le 12 juillet 2013)

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