Le bilan s’alourdit dans le déraillement et l’explosion d’un train au Québec

L’accident ferroviaire et l’explosion survenus à Lac-Mégantic au Québec s’avèrent l’un des plus mortels déraillements de train au Canada depuis des décennies. Treize personnes ont perdu la vie et les autorités ont averti que le nombre de personnes décédées va probablement augmenter beaucoup plus.

Selon les autorités, 40 personnes ne répondent pas à l’appel. Vu l’intensité du brasier provoqué par le déraillement et les explosions subséquentes, les cadavres des personnes décédées pourraient être très difficiles à identifier.

Les habitants sont sous le choc, attendant de savoir où se trouvent les membres de leur famille et leurs amis. Au plus fort de l’incendie, jusqu’à 2000 des 6000 résidants de Lac-Mégantic ont reçu l’ordre d’évacuation. Cette ville est située dans la région de l’Estrie et borde l’État du Maine.

Un train composé de 72 wagons de pétrole brut opéré par Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) fut mis en arrêt dans la nuit de vendredi afin d’effectuer un changement d’équipe. Il était alors situé à 11 km de Lac-Mégantic, à Nantes, dans la province de Québec. Pour des raisons nécessitant une enquête, le train a commencé à se déplacer après le départ de l’équipe. Il a ensuite continué sa route dans une pente qui descendait jusqu’à Lac-Mégantic, où il a déraillé à très grande vitesse dans une courbe située au centre de la ville.

Certains des wagons, qui contenaient du pétrole brut, ont alors causé une série d’énormes explosions qui ont détruit trente édifices et maisons, incluant la bibliothèque de la ville, une épicerie et un restaurant, le Musi-Café. Des images révèlent des scènes rappelant une zone de guerre. Des arbres ont été déracinés et seulement des cheminées sont toujours en place là où il y avait avant des bâtiments.

Des centaines de personnes ont fui la chaleur intense et les flammes gigantesques, mais au moins 40 personnes manquent à l’appel. Parmi les disparus, il y a les patrons et employés du Musi-Café, qui était très proche du lieu du déraillement et qui était occupé lors de la première explosion. Celle-ci est survenue vers 1 h 15 dans la nuit de samedi.

Cent cinquante pompiers ont été appelés en renfort samedi. Certains venaient du Maine. Ils ont réussi à éteindre le feu seulement dimanche soir.

Le déraillement pourrait avoir un impact environnemental important. En plus des émanations causées par la combustion du pétrole, une quantité non déterminée de pétrole brut s’est déversée dans la rivière Chaudière et a commencé à suivre le courant de la rivière vers d’autres villes.

Une équipe d’enquêteurs et du personnel de MMA étaient sur place pendant le weekend afin d’expliquer les causes de l’événement. Selon un communiqué de presse émis par la direction de MMA samedi, l’ingénieur du train avait immobilisé le train à Nantes : ce qui consiste à appliquer les freins sur la locomotive ainsi que sur plusieurs wagons.

Avant que l’équipe ne quitte, une des cinq locomotives du train a pris feu. Les pompiers sont alors intervenus pour éteindre l’incendie. MMA maintient que les systèmes de freinage et de sécurité du train étaient fonctionnels et n’ont pas eu d’impact sur les développements subséquents.

Dimanche soir, MMA a fourni une mise à jour qui ne mentionnait pas le premier feu, mais déclarait que la locomotive du train pourrait avoir été mise en arrêt seulement après le départ du conducteur «ce qui pourrait avoir causé le relâchement des freins à air sur la locomotive qui maintenait le train en place».

Le premier ministre Stephen Harper a tenu un point de presse à Lac-Mégantic dimanche après-midi après une brève visite du site du désastre. Il a dit que c’est «dur d’expliquer ce qui est arrivé ici», mais a promis que des mesures seraient prises afin de «s’assurer que ceci n’arrive plus».

En fait, le gouvernement Harper a régulièrement défendu des coupes agressives de personnel, de l’entretien et du service dans l’industrie ferroviaire tout en appuyant le développement rapide du transport du pétrole par sur chemin de fer. Ces actions ne peuvent mener qu’à d’autres tragédies. En mai 2012, le gouvernement conservateur de Harper a passé une loi de retour au travail pour mettre fin à une grève de huit jours des travailleurs du Canadian Pacific (CP).

Les travailleurs de CP Rail ont fait grève pour s’opposer aux plans de la direction qui visaient à restructurer radicalement la compagnie ferroviaire afin de faire augmenter les profits des actionnaires. Après la défaite de la grève, CP a procédé à la mise à pied de 3000 de ses 19.500 employés et son directeur général, Hunter Harrison, a dit que les mises à pied pourraient ultimement grimper jusqu’à 6000 ou 30 % de sa main d’œuvre. Les travailleurs de CP ont maintenant de plus longs quarts de travail à des heures plus irrégulières et leurs retraites ont été réduites. CP a combiné des trains pour les faire fonctionner plus longtemps et économiser sur le personnel, a fermé des chantiers ferroviaires et a réduit de manière importante les investissements pour améliorer la voie ferrée.

Les compagnies ferroviaires au Canada sont largement autorégulées et font elles-mêmes l’inspection de leurs infrastructures. Au même moment, les pressions de rentabilité poussent ces compagnies à faire des opérations «minceur» en réduisant leur personnel et en lésinant sur l’entretien des infrastructures.

MMA est un exemple de cette situation. Ses activités s’effectuent sur plus de 800 km de voies ferrées dans le Maine, au Vermont, au Québec et au Nouveau-Brunswick qui ont été vendues par de plus grandes compagnies (comme CP) lorsque les industries du bois d’œuvre, des pâtes et papiers et d’autres industries locales ont commencé à décliner. MMA a vendu une partie de ses voies à l’État du Maine, menaçant de les abandonner si l’État n’investissait pas dans leur entretien, tout en conservant le droit de les utiliser. Le propriétaire de MMA, Ed Burkhardt, a fait campagne pour qu’il y ait des opérations de contrôle télécommandées par un seul homme afin de réduire les coûts. Cela fait en sorte que les conducteurs peuvent déplacer les trains tout en accomplissant un autre travail.

Lors de la dernière décennie, plusieurs déraillements de train à basse vitesse sur des voies mal entretenues ont causé des déversements de produits chimiques. Selon un rapport du Wall Street Journal, les trains de MMA ont renversé des produits chimiques dangereux sept fois depuis 2000.

Le transport du pétrole brut fait partie d’une nouvelle industrie en pleine expansion pour MMA et d’autres compagnies ferroviaires aux États-Unis et au Canada, car le rail est l’option la plus flexible et la moins coûteuse pour le transport du pétrole qui provient de la production par fracturation hydraulique – une activité en rapide développement. Même si les raisons exactes de l’accident à Lac-Mégantic demeurent floues, le transport accru de matières dangereuses et la pression du marché pour réduire les coûts de main-d’œuvre et d’infrastructures risquent de provoquer d’autres catastrophes semblables.

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