Les mineurs sud-africains de Marikana font une grève sauvage.

Des milliers de travailleurs de la société Lonmin à Marikana en Afrique du Sud ont lancé une grève de protestation contre le meurtre, de type exécution, d'un responsable de l'Association du syndicat des mineurs et travailleurs de la Construction (AMCU).

Les gréviste sont adhérents de l'AMCU, bien que le syndicat ait nié avoir organisé cette grève sauvage. La grève devrait durer jusqu'à au moins jeudi, après une cérémonie à la mémoire du responsable syndical. Des travailleurs seraient allés à la mine hier mais auraient refusé d'y descendre. Plusieurs centaines d'entre eux ont bloqué des routes et se sont rassemblés à l'endroit du massacre perpétré par la police, en août dernier, où 34 mineurs grévistes ont été assassinés.

Des travailleurs ont agité des bâtons à proximité des véhicules de la police et ont chanté: « La police ce sont des chiens. Qu'ils dégagent ». Ils ont aussi scandé: « A bas le NUM, nous allons le détruire aujourd'hui. »

Les travailleurs revendiquent la fermeture du local du Syndicat national de mineurs (NUM) de Marikana. Le NUM, affilié au Congrès national africain (ANC), est méprisé parmi les mineurs à cause des longues années où il a imposé les exigences des sociétés minières et de son rôle dans l'instigation et la défense du massacre par la police de l'année dernière. « Nous sommes là pour exiger le départ du NUM de la mine » a dit le gréviste Mandisi Dlamini à l'AFP. « Ils ne sont plus le syndicat majoritaire mais Lonmin les soutient. Ils se servent de fusils pour tuer les nôtres qui sont membres de l'AMCU et Lonmin les protège ».

Samedi dernier, l'organisateur syndical Mawethu Steven a été tué après avoir été attaqué par quatre hommes qui lui ont tiré dessus quatre fois avec un pistolet de 9mm. Il devait témoigner à l'enquête judiciaire qui instruisait le massacre de Marikana. Des représentants de l'AMCU ont dit qu'ils ne savaient pas ce que Steven allait dire à l'enquête, mais ont expliqué qu'il avait reçu plusieurs menaces de mort.

De nombreux travailleurs ont tout de suite accusé le NUM. Deux hommes ayant des connections avec le NUM ont été tués quelques heures seulement après le meurtre de Steven dans ce qui, selon les médias locaux, était une attaque de représailles. Le NUM a nié toute responsabilité dans la mort de Steven. Un porte-parole du syndicat, Lesiba Seshoka, a soulevé le spectre d'un nouveau massacre policier, en déclarant: « Ce qui nous préoccupe le plus, c'est que ceci pourrait accroître la violence. Ca pourrait dégénérer en ce qui est arrivé à Marikana l'année dernière ».

Un représentant du COSATU, (Congrès des syndicats sud-africains), Dumisant Dakile, a demandé publiquement que le Ministre de la Sécurité de l'Etat Siyabonga Cwele intervienne de nouveau pour réprimer les travailleurs de Marikana. « Il faut qu'ils puissent mobiliser toutes les ressources pour assurer le calme dans cette localité. » a déclaré Dakile.

Les principaux syndicats et le gouvernement sont en train de créer les conditions pour un nouveau massacre. Le porte-parole national de l'ANC Jackson Mthembu a déclaré que le gouvernement ne permettrait pas que Marikana « dégénère en une zone de non droit ». Il a insisté pour que « les forces de l'ordre agissent avec détermination et urgence pour que les gens qui sont impliqués dans ces crimes soient traduits en justice ».

Au début du mois, lors d'un rassemblement du premier mai, Cyril Ramaphosa, vice président de l'ANC et ancien dirigeant du NUM, a déclaré que Rustenburg, principale ville de la « ceinture de platine » du nord-ouest d'Afrique du Sud était « territoire de l'alliance, parce que c'est le foyer de l'ANC. »Venant de Ramaphosa, qui a joué un rôle clé dans l'instigation du massacre de Marikana l'année dernière, ces paroles sont hautement provocatrices. Juste avant la tuerie policière, ce bureaucrate multimillionnaire, qui était un actionnaire important de la société Lonmin, a demandé « de l'action » contre les grévistes.

Les sociétés minières et les syndicats se préparent actuellement à des négociations pour de nouveaux accords sociaux biennaux. Soutenus à fond par le gouvernement et ses alliés syndicaux, les dirigeants des sociétés minières ont expliqué avec clarté qu'ils ne toléreront pas des revendications des travailleurs pour des hausses de salaire significatives ni pour l'amélioration de leurs conditions de travail. Les principales sociétés minières sont en train de restructurer leurs activités en Afrique du Sud, diminuant les coûts et licenciant les travailleurs, en réponse à la baisse mondiale des prix des minéraux. Pas plus tard que la semaine dernière, Anglo American Platinum (Amplats) a annoncé qu'il allait licencier 6 000 travailleurs, un des aspects de son programme d'économies, ce qui a déclenché des menaces de grève dans ses mines.

Le Financial Times de Londres a commenté: « Des représentants de l'industrie minière disent que les discussions sur les salaires, qui toucheront les secteurs de l'or, du platine et du charbon et qui devraient commencer vers juin, seront les plus cruciales pour le secteur depuis la fin de l'apartheid, il y a 19 ans[...] Dans le même temps, les représentants syndicaux risquent d'avoir beaucoup de mal à vendre des accords à des travailleurs qui, l'année dernière, ont fait preuve d'une combativité accrue dans leurs revendications pour de meilleurs salaires et conditions de travail. Et les entreprises entameront les négociations au moment où il y a des avertissements selon lesquels un certain nombre de puits de mine de platine et d'or opèrent à perte ou avec des marges infimes. »,

Lundi, Lonmin, troisième producteur mondial de platine, frappé par la grève sauvage de Marikana avait annoncé de nouveaux chiffres de bénéfices faisant état d'une hausse des profits sur 6 mois à $54 millions. Cependant, le PDG de la société, Simon Scott a averti que « ce n'est toujours pas une industrie qui fournit aux actionnaires d'énormes bénéfices. » Il a dit que les prochaines négociations salariales posent un « défi significatif. » Le prix des actions de l'entreprise a plongé de 7 pour cent à l'annonce de cette dernière grève.

Des représentants de la société ont essayé d'intimider les mineurs de Marikana pour qu'ils mettent fin à leur grève. Un message envoyé par la direction aux travailleurs a qualifié la grève d'« illégale » et a affirmé qu'un refus de reprendre immédiatement le travail conduirait à davantage de licenciements et aurait « un impact sévère sur la viabilité de Lonmin et poserait des risques pour votre emploi et la vie de vos familles. »

L'AMCU, qui vient d'être reconnu comme syndicat majoritaire des mines de platine sud-africaines, a hâte de démontrer sa capacité à s'adapter aux exigences des employeurs et du gouvernement.

Le site internet du quotidien sud-africain Daily Maverick a fait remarquer que « Dans l'oeil du probable cyclone à venir, on trouve le dirigeant de l'AMCU Joseph Mathunjwa lui-même. » Le journal a expliqué: « Le NUM est capable de contrôler ses adhérents. Il peut faire en sorte qu'un certain nombre de gens soit dans un certain lieu pendant un certain temps. Il peut aussi leur dire de se disperser, et ils le feront. Mathunjwa....eh bien, n'en est pas capable...Donc il va devoir faire du cinéma. Comme l'a dit l'analyste du monde du travail indépendant Gavin Brown, «la vraie question ici, c'est comment trouver un soupape pour évacuer toute la pression des ouvriers sans créer l'apocalypse? » Il suggère que Mathunjwa pourrait faire un peu de cinéma. Il y aura des propos durs, des promesses faites avec prudence, et puis la marche arrière toute à la dernière minute...Ainsi, cher lecteur, si vous êtes enclin à l'indulgence, celui pour qui vous devriez en avoir un peu, c'est Joseph Mathunjwa. Il en aura grand besoin. »

 

(Article original paru le 15 mai 2013)

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