La France menace d’intervenir militairement en République centrafricaine

Profitant de l’aggravation de la crise humanitaire et de la violence sectaire qui persistent en République centrafricaine (RCA) après le soutien de la France au coup d’Etat de mars, le président français, François Hollande, s'apprête à lancer une intervention militaire dans cette ancienne colonie.

Après sa visite de trois jours en Israël où il avait adopté face à l’Iran une position belliqueuse sur son programme d’armes nucléaires, Hollande a appelé la communauté internationale à « agir » en RCA en dénonçant les « exactions » commises. Le 20 novembre, lors d’un conseil des ministres, il avait dit : « La France compte bien prendre sa part de responsabilités. »

L’intervention française en RCA consisterait en une opération militaire visant à s’emparer de Bangui et de sa banlieue ainsi que de villes situées au nord-est du pays dans le but de s’assurer un accès aux routes stratégiques qui relient la RCA au Cameroun et au Tchad.

La France compte actuellement quelque 410 soldats en RCA pour sécuriser l’aéroport dans la capitale centrafricaine Bangui. Hier, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a dit que « la France appuiera cette mission africaine de l’ordre d’un millier de soldats » en plus des 410 troupes françaises déjà sur place, et ce pour une période d’au moins six mois.

La France insiste sur une intervention militaire en RCA, cherchant à obtenir un mandat de l’ONU. Elle est en train de planifier un vote au Conseil de sécurité de l’ONU début décembre sur une motion permettant aux pays voisins, l’Union africaine (UA) et la France d’intervenir en RCA. Les 6 et 7 décembre, Paris organisera un sommet réunissant quelque 40 responsables d’Etats africains afin d’étoffer les forces de l’UA en RCA.

L’intervention militaire française pourrait toutefois avoir lieu avant le sommet à Paris. Le Nouvel Observateur a cité un responsable français ayant déclaré : « Nous nous préparons à intervenir en Centrafrique, probablement juste après le sommet de l’Elysée sur la sécurité en Afrique qui doit se dérouler les 6 et 7 décembre, voire avant si nécessaire. »

A l’approche du lancement de son intervention, Paris a intensifié ses pourparlers avec les chefs régionaux qui opèrent comme des intermédiaires de l’impérialisme français. Une force de maintien de la paix forte de 2.500 hommes, connue sous le nom de Misma, est actuellement déployée dans le pays. Le 18 novembre, le dirigeant de l’ONU, Ban Ki-Moon, a réclamé l’envoi de 6.000 soldats internationaux de plus.

Tout en se préparant à intervenir militairement en RCA, Paris est en train de minimiser l’ampleur de l’opération en affirmant qu’elle serait effectuée en un court laps de temps et que les troupes seraient ensuite retirées.

La RCA a sombré dans la violence sectaire et une crise humanitaire qui ne cessent de s’aggraver depuis que la milice musulmane de la Seleka (signifiant « alliance » dans la langue nationale Sango), appuyée par la France, a fait tomber le président François Bozizé en mars. Le dirigeant de la Seleka, Michel Djotodia, un musulman, s’était auto-proclamé président à l’issue du coup d’Etat.

Depuis le coup d’Etat, il y a eu une multiplication des affrontements sectaires entre les forces rebelles de la Seleka et les milices mises en place dans les communautés chrétiennes qui constituent près de 80 pour cent de la population.

Le carnage sectaire en cours qui a été déclenché par le coup d’Etat organisé par la Seleka souligne le caractère réactionnaire de l’appui initial de Paris en faveur de ce coup d'Etat et de sa menace d’intensifier son intervention en RCA. Paris profite actuellement de la violence qui résulte de ce coup d’Etat soutenu par la France pour justifier le renforcement de son intervention en RCA. Il s'agit d'une intervention qui est dirigée contre la population de la RCA et contre la classe ouvrière en France.

La France cherche à assujettir son ancienne colonie, l’un des pays les plus pauvres du monde, et qui possède des ressources naturelles non exploitées dont des diamants, de l’or, de l’uranium, du bois et du pétrole. Elle vise aussi sur le plan national à détourner l’attention de la politique d’austérité profondément impopulaire de Hollande et qui provoque une colère populaire grandissante contre le gouvernement et les efforts faits par celui-ci pour présenter Hollande comme un chef de guerre déterminé (Voir : « La France profite du meurtre des journalistes de RFI pour intensifier sa guerre au Mali »).

Une intervention française en RCA ne servirait qu’à accentuer la spirale descendante du conflit et du bain de sang ethno-sectaire qui a maintes fois dévasté les pays de la région.

L’agence d’information IRIN a rapporté que « les indicateurs humanitaires et de développement étaient mauvais avant le coup d’Etat, mais maintenant, sur fond de violence exercée par des groupes armés et entre les communautés et les croyances religieuses, ils sont encore pires. »

Selon l’IRIN, « près de l’ensemble de la population de 4,5 millions d’habitants a été affecté ; 1,1 million de personnes en dehors de la capitale, Bangui, sont considérés comme étant gravement ou modérément en situation de précarité alimentaire ; et il existe près de 400.000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, le double d’il y a à peine quelques mois. » L’agence estime qu’environ 65.000 personnes ont fui vers des pays voisins, notamment le Cameroun.

La chef du Bureau de l’Office des Nations unies pour la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA) en RCA, Mme Amy Martin, a dit : « La RCA était un Etat en déliquescence avant. A présent, c’est pire… Nous estimons que plus d’un million et demi de personnes ont besoin d’aide dans divers secteurs, celui de la santé, de l’alimentation, des abris et de la protection. »

Les affrontements sectaires se sont produits début septembre à Bossangoa, ville du nord-ouest de la Centrafrique. Ils se sont propagés depuis à travers toute la province. Partout dans la province les villages ont été vidés de leurs habitants et plusieurs ont été entièrement rasés par des groupes armés.

L’IRIN a cité Prophete Ngay-bola, un père de huit enfants : « Nous sommes ici parce que la Seleka, qui est arrivé dans notre village, a pillé, a saccagé et a tué. »

Il a ajouté, « Nous avons perdu nos maisons, nos champs, nos biens. Les maisons ont été détruites avec tout ce que nous possédions. Nous sommes… je ne sais même pas comment nous appeler. Nous n’avons plus rien. Je ne peux même pas aller à ma maison ou dans mes champs. S’ils me voient là-bas, ils me tuent »

Le conflit a contraint quelque 70 pour cent des enfants du pays à quitter l’école. L’on dit que quelque 3,500 personnes ont été recrutées par les forces rebelles et on ne sait combien ont été recrutés par les anti-balaka, un nouveau groupe rebelle à majorité chrétienne, créé par les sympathisants de Bozizé.

(Article original paru le 27 novembre 2013)

Loading