Le budget d’austérité français augmente les taxes sur les travailleurs

Le projet de budget français préparé par le gouvernement PS-Verts du Président François Hollande est une attaque massive contre la classe ouvrière. Il prévoit de réduire le déficit public français de 4,1 à 3,6 pour cent du Produit intérieur brut (PIB), essentiellement en réduisant les dépenses de l'Etat de 15 milliards d'euros, et de faire peser les augmentations des taxes sur les travailleurs.

Les coupes envisagées portent sur la fonction publique d'Etat (plus de 2000 départs à la retraite non remplacés, gel des salaires pour la quatrième année consécutive), sur la diminution des subventions aux collectivités locales qui réduira de nombreux services publics, et sur la restriction des dépenses de fonctionnement.

Sur ces 15 milliards, 6 visent des coupes dans les dépenses des organismes sociaux, dont 2,9 pour l'assurance-maladie. Ces derniers seront notamment réalisés par des « gains de productivité » dans le secteur hospitalier, alors que les exemples du manque de moyens et de personnels dans ce secteur font régulièrement la une des journaux.

Trois milliards de recettes supplémentaires sont également prévus par des taxes qui frapperont d'abord les ménages et, très marginalement, les grandes entreprises.

De plus, une augmentation de la TVA est également prévue au 1er janvier prochain, elle n'est pas comptée dans ces 3 milliards annoncés, en partie parce qu'elle a été décidée en dehors de ce projet de budget, mais aussi parce que les 5 milliards qui en sont attendus vont alimenter un « Crédit d'impôt compétitivité emploi » (CICE) qui permettra d'exonérer les entreprises de l'essentiel des nouvelles taxes.

Ce cadeau aux entreprises se monte à 10 milliards d'euros et sera également financé par des augmentations d'impôts sur les revenus des travailleurs et des retraités. Le ministre des Finances, Pierre Moscovici a justifié cela en reprenant le lieu commun de toutes les politiques libérales depuis 30 ans : « Nous voulons réformer la fiscalité des entreprises, qui étouffe les facteurs de production. »

La communication du gouvernement sur une prétendue « pause fiscale » est une tromperie dont les ficelles sont énormes : au total, 12 milliards d'euros vont être essentiellement pris en taxes sur les travailleurs, et presque autant seront offerts en cadeau aux entreprises, et notamment les plus grosses d'entre elles.

L'objectif affirmé pour 2015 sera de ramener la France dans la limite des 3 pour cent de déficit fixée par l'UE, soit des restrictions encore plus importantes que celles qui sont prévues pour 2014. Et il est déjà prévu que le CICE accordera à nouveau 10 milliards d'exonérations aux entreprises en 2015.

Le gouvernement tente de présenter ce budget comme étant « pour la croissance » et avec des priorités pour « l'emploi et le pouvoir d'achat ». En fait, des coupes d'une telle ampleur, ajoutées à la prochaine réforme des retraites et intervenant après déjà cinq ans de politiques de rigueur, ne peuvent qu'aggraver la situation économique en faisant encore baisser la consommation des ménages.

Le budget français pour 2014 est dans la droite ligne des recommandations faites dans son rapport économique de l'hiver dernier par la Commission européenne pour une attaque de grande ampleur contre la classe ouvrière. Les discussions d'alors qualifiaient la France d'« enfant à problème » parce qu'elle n'appliquait pas une politique d'austérité aussi drastique que les autres Etats. [lire : En prévision d'une récession et d'un chômage plus forts, l'UE demande davantage d'austérité]

Comme l'avait déclaré en février dernier un haut fonctionnaire du ministère des Finances autrichien, « il pourrait y avoir de bons arguments macro-économiques [pour moins de rigueur], mais je pense que ce serait hautement dommageable pour notre crédibilité. Nous courons le risque d'être considérés comme des mous encore une fois. » C'est-à-dire que les Etats privilégient systématiquement leur lien avec la haute finance internationale – y compris avec la petite couche de leur bourgeoisie nationale qui y est liée – même si cela doit porter atteinte à l'économie du pays dans son ensemble.

Le budget de Hollande n'en fait pas encore assez pour les parasites financiers : si le gouvernement insiste sur la réduction des dépenses publiques, expliquant, comme titre Le Monde que « plus de 80% de l'effort de rigueur portera sur la baisse des dépenses publiques, » le New York Times exprimant la pensée de Wall Street a immédiatement qualifié ces coupes de « modestes […] pas le changement radical dont beaucoup d'économistes disent que le pays a besoin. »

« La tendance va au moins dans la bonne direction […] mais la situation n'est pas aussi encourageante qu'elle en a l'air », écrit The Economist, se plaignant toujours que la France a le plus haut niveau de dépenses publiques de toute l'UE et une dette totale à plus de 95 pour cent du PIB.

S'il ne va pas tout à fait aussi loin que le voudrait Wall Street dans ses attaques sociales, c'est essentiellement parce que Hollande craint une explosion politique dans la classe ouvrière dirigée contre son gouvernement.

Le président est à un taux d'opinion favorable historiquement bas (23 pour cent) seulement un an après son élection, et la population française était en grande majorité hostile à son projet pour une guerre en Syrie. Le tapage médiatique organisé le mois dernier sur la baisse de 50.000 du nombre de chômeurs s'est révélé creux, cette baisse s'expliquant principalement par le fait que les chômeurs en fin de droit n'ont pas renouvelé leur inscription.

Des attaques plus directes risqueraient de déclencher un mouvement de masse. Si Hollande parvient encore à manœuvrer, c'est en grande partie parce qu'aucun des partis de « gauche » qui prétendent le critiquer n'ose faire quoi que ce soit qui risquerait de le mettre en difficulté.

Dans son article du 2 octobre « Budget 2014 : prendre aux classes populaires pour donner aux entreprises, », l'Hebdo Anticapitaliste, journal du NPA, après avoir bien décrit cette « politique de classe » ne peut proposer que de « s'y opposer clairement, dans l'unité, en n'ayant pas peur de l'affrontement. [Notre italique] ».

Pour ce parti, « dans l'unité » signifie qu'il faut rechercher l'alliance du Front de gauche qui réunit des ex-membres du PS et le PCF stalinien—un parti qui, comme le NPA, a ouvertement appelé à voter Hollande au second tour des élections et qui a promis qu'il « ne votera jamais » de motion de censure contre le gouvernement.

« Ne pas avoir peur de l'affrontement » ne peut faire référence pour eux qu'aux actions « symboliques » comme ils en recommandaient lors de la grève des raffineries en 2010. Et « clairement » signifie seulement qu'ils ne renoncent pas à un certain vocabulaire militant tant qu'il ne les oblige à rien de plus.

 

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