France: Protestations de masse de lycéens contre la déportation d’une collégienne rom en France

La mobilisation partout en France de milliers de lycéens contre la déportation d’une collégienne rom de 15 ans, Leonarda Dibrani, et de sa famille vers le Kosovo a déstabilisé le gouvernement PS (Parti socialiste) du président François Hollande.

La brutalité de l’arrestation de Leonarda, interpellée devant ses camarades alors qu’elle se trouvait dans le car qui l’emmenait pour une sortie scolaire, a provoqué un profond écoeurement au sein de la population. Poursuivant une politique d’austérité réactionnaire, Hollande et son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, recourent encore plus ouvertement à la politique raciste du Front National en faisant des immigrés les boucs émissaires de la crise sociale. La colère sociale face à cette politique vient maintenant d’éclater.

La vague d’indignation a contraint Hollande à intervenir samedi à la télévision pour s’adresser à la population. Mais, au lieu d’apaiser la colère des lycéens, il a encore aggravé la situation. Ne voulant pas désavouer Valls, il a défendu la mesure prise par les autorités contre Leonarda. Il a ensuite fait un geste de « générosité » envers la jeune fille rom en l’invitant à revenir en France, à la condition toutefois de laisser sa famille derrière.

« Si elle le demande, un accueil lui sera réservé, à elle seule, » a dit Hollande. Dans la réponse donnée depuis Mitrovica au Kosovo, Leonarda a rejeté l’offre cynique. « Je n’irai pas seule en France, je n’abandonnerai pas ma famille, Je ne suis pas la seule à devoir aller à l’école, il y a aussi mes frères et mes sœurs, » a-t-elle précisé.

Son père, qui a fait l’objet d’une campagne de dénigrement de la part des médias et de l'ensemble de la classe politique, dont une attaque scandaleuse faite dimanche au micro de France Culture par Alain Krivine du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de pseudo-gauche, se trouvait à côté de sa fille et a demandé à Hollande s’il accepterait d’imposer une telle séparation à l’une de ses propres filles.

Les médias ont en général décrit le discours de Hollande et la réaction qu’il a suscitée comme étant une catastrophe. Le site Internet du Nouvel Observateur s’est demandé si le gouvernement sera en mesure de se maintenir au pouvoir. En qualifiant l’affaire Leonarda de « cocktail explosif », il écrit : « des désaccords sur le fond à propos de la politique migratoire menée par le ministre de l’Intérieur, une peur panique de voir la jeunesse s’enflammer, et un amateurisme étonnant en terme de communication. Le bilan pour un François Hollande déjà au plus bas dans les enquêtes d’opinion : une parole présidentielle contestée, ridiculisée en direct sur toutes les ondes par une adolescente. Effet désastreux garanti sur l’image du président, interrogations relancées sur son manque d’autorité. »

Le journal Sud-Ouest a écrit: « A vouloir contenter tout le monde, François Hollande n’a satisfait personne… C’est enfin parce qu’elle [cette affaire] a fait apparaître, dans un climat hystérique presque effrayant, l’état de déliquescence dans lequel se trouve la majorité. »

Les deux semaines de vacances scolaires qui ont commencé samedi mettront temporairement un frein à la mobilisation des lycéens qui s’est développée la semaine passée mais ces derniers ont promis de continuer après les vacances.

Vendredi, lors de la manifestation de quelque 10.000 lycéens à Paris, les partisans du WSWS ont parlé aux manifestants qui exprimaient leur colère face à l’injustice faite à Leonarda et à d’autres lycéens expulsés.

La plupart des lycéens étaient sceptiques vis-à-vis de toutes les organisations politiques et refusaient ou jetaient les autocollants du Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon qui cherche à canaliser les protestations vers une campagne consistant à faire pression sur le PS. Certains portaient le signe égal inscrit sur le visage pour exprimer la revendication de l'égalité de traitement.

Théo

Théo a dit au WSWS: « Ce n’est pas normal d’expulser les gens comme ça, ils sont comme nous et ils ont le droit à la scolarisation et à l’éducation comme nous. Cela fait quatre ans que Leonarda va à l'école et suit l’éducation, et là, soudain elle est renvoyée dans son pays, ce n’est pas normal tout ça ! Nous pouvons arrêter ce genre d’expulsions par les manifestations, il n’y a pas d’autre solution. Manuel Valls est de gauche mais il est contre l’éducation, je ne comprends pas pourquoi il fait tout ça, ça ne sert à rien, il faut régulariser tous les sans-papiers scolarisés. Avoir une éducation, c’est leur droit. Normalement les partis de gauche sont révolutionnaires mais eux, ils ne le sont pas. Le parti socialiste et la droite c'est pareil. Ici, nous essayons de sensibiliser beaucoup de gens pour que ce genre d’expulsions ne recommence pas. C’est inhumain et il faut régulariser tous les sans-papiers qui sont scolarisés… »

« Pour obtenir gain de cause, il faut se battre, nous voulons faire pression sur le gouvernement afin qu’il propose des solutions satisfaisantes. Nous ne faisons partie d’aucun groupe politique. C’est un mouvement de solidarité. »

Alison, une autre lycéenne a dit : « L’éducation est indispensable de nos jours, et les priver de ce droit me met en colère. C’est la répression dans leur pays et ici ils sont enfin libres... Nous envoyons un message de solidarité pour ces personnes victimes d’expulsion. Je souhaite que le président Hollande soit plus présent auprès du peuple et fasse preuve d’autorité envers le ministre Manuel Valls qui a pris cette décision. »

Jean-Claude, lycéen membre de l’organisation des Jeunesses du Parti communiste stalinien a dit : « Les partis de gauche (Parti socialiste, Front de gauche, Parti communiste) se sont, dans un premier temps, rassemblés pour faire obstacle à la droite notamment contre la réélection de [l’ancien président Nicolas] Sarkozy. Nous pensions qu’avec Hollande les solutions seraient moins radicales et que le dialogue serait plus facile. Mais nous nous sommes trompés. Nous ne pensions pas qu’il irait jusque là. »

(Article original paru le 22 octobre 2013)

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