Perspectives

La classe ouvrière et le musée de Detroit

La lutte contre la vente des œuvres d’art du grand musée de Detroit (Detroit Institute of Arts ou DIA) est de la plus haute importance pour les travailleurs et les jeunes de la région de Detroit, de tout le pays et du monde entier.

Dans l’assaut contre l’art et contre l’accès de la classe ouvrière à la culture, les entreprises et les banques, ainsi que leurs représentants politiques, révèlent, dans une forme particulièrement toxique, leur hostilité à tout ce qui est important dans le développement de la pensée et de la culture humaine. Et la grande tâche historique de la classe ouvrière apparaît de la manière la plus claire dans sa lutte pour défendre l’art et la culture.

Ce qui est en jeu est l’avenir de l’une des plus importantes institutions culturelles dans le monde. Un «gestionnaire d’urgence» non-élu, Kevyn Orr, a été installé à Detroit avec la tâche d’aller chercher tout ce qu’il peut de la ville afin de rembourser les banques et les porteurs d’obligations. Orr, avec l’appui de l’establishment politique, incluant l’administration Obama, a mis la ville en faillite, cherchant ainsi à utiliser les tribunaux pour couper dans les retraites et les soins de santé et vendre les actifs de la ville. Une petite section du centre-ville sera «revitalisée» sur la base d’un plan concocté par les multimilliardaires de la région.

Dans le cadre de ce processus, Orr a embauché Christie’s, une société de vente aux enchères, afin de mettre un prix sur les œuvres d’art du musée de Detroit. Une fois terminée l’estimation de la valeur monétaire des sculptures africaines, des peintures des impressionnistes et vieux maîtres européens, ainsi que des fameuses murales de Diego Rivera et des paysages américains, «toutes les options sont sur la table», a insisté Orr. Le directeur du musée a dit que la vente de n’importe laquelle des œuvres d’art menacerait le financement du musée et le forcerait à fermer.

La possibilité que le musée de Detroit ferme ses portes ou soit fondamentalement transformée en n’étant plus accessible aux masses, représente un danger clair et immédiat. L’élite économique et financière qui dicte la politique à Detroit est complètement hostile à la conception démocratique que l’art devrait être accessible à tous. Cette même classe dirigeante américaine a détruit, en Irak, des musées et des sites archéologiques d’une des civilisations les plus anciennes du monde, dans le cadre d’une guerre qui a causé la mort de plus d’un million de personnes. Et c’est la même classe dirigeante qui insiste que les travailleurs doivent abandonner leurs pensions, leurs soins de santé et leurs salaires afin de financer la richesse croissante d’une très petite section de la société.

Ce qui se passe maintenant à Detroit peut être compris seulement dans son contexte historique. La «ville de l’automobile» fut un centre de la production américaine. Elle fut le cœur d’énormes luttes de classe dans les années 1930, menées par des travailleurs d’allégeance socialiste. Les pouvoirs en place ont été effrayés par le spectre de soulèvements sociaux et même d’une révolution sociale. Detroit avait le revenu per capita le plus haut de toutes les villes américaines lors de la période d’après-guerre.

L’expansion du musée de Detroit (DIA) a fait partie de ce processus. William Valentiner, un des premiers directeurs du musée et un émigré allemand influencé par les idées socialistes, sentait fortement que la population toute entière devait avoir accès au musée. Ce fut Valentiner qui commanda les grandes murales industrielles peintes par le socialiste mexicain Diego Rivera, qui occupent le centre du musée et placent la classe ouvrière au centre de la vie sociale moderne.

Durant les quatre dernières décennies, la ville de Detroit a souffert d’un déclin sans relâche aux mains de l’aristocratie financière. Elle a été transformée en la plus pauvre des grandes villes américaines, parsemée d’usines abandonnées. La classe dirigeante élimine l’éducation publique, ferme des bibliothèques et prive les institutions culturelles de fonds.

Un processus similaire prend place à travers le pays et partout dans le monde. Il y a une tentative concertée et consciente de faire reculer dans le temps non seulement les salaires et avantages sociaux des travailleurs, mais aussi leur accès à la culture et au savoir, qui a toujours posé une menace à la classe dirigeante. L’objectif visé est de détruire tout ce qui ne contribue pas directement au profit, de réduire la classe ouvrière à rien de plus que de la matière première pour l’exploitation.

Ce n’est pas surprenant que les syndicats, qui ont joué un rôle clé dans la suppression de de la lutte des classes pendant des décennies, ont soutenu l’attaque contre le musée. Un responsable syndical de haut rang à Detroit a résumé le mépris ressenti pour les travailleurs par la couche sociale privilégiée qui contrôle les syndicats lorsqu’il a défendu son hostilité au musée en déclarant: «On ne peut pas manger l’art».

Si les syndicats accueillent la vente aux enchères de ces œuvres d’art qui n’ont pas de prix, ce n’est pas parce que les fonds récoltés vont aller aux retraites ou aux soins de santé. En fait, les syndicats ont collaboré dans les attaques contre les fonds de pension et les soins de santé pendant des décennies. Plutôt, les responsables syndicaux espèrent qu’au moins une petite partie des récoltes de cette vente se retrouvera dans leurs propres poches.

L’art ne peut pas se sauver lui-même. L’art et les artistes doivent tirer leur inspiration de la classe ouvrière, la classe qui défend tout ce qui est progressiste dans l’histoire humaine, et de la perspective socialiste. Les objectifs de la classe dirigeante ne peuvent être combattus que par une lutte de masse contre les représentants politiques des banques et tout le système social qu’ils défendent.

C’est sur cette base que le Parti de l’égalité socialiste (PES) a organisé une campagne pour défendre le musée de Detroit, incluant une manifestation le 4 octobre.

Il y a un large appui pour cette lutte. Les sondages montrent que 78 pour cent de la population est opposée à la vente de toute pièce d’art. Le PES a trouvé un large appui parmi les travailleurs et les jeunes pour le musée ainsi qu’une énorme colère face à la possibilité de sa destruction. Le musée est «l’âme de Detroit», a dit un étudiant. «C’est notre culture», a déclaré un jeune travailleur de l’automobile. Il y a un sentiment répandu que l’art et la culture sont des droits sociaux, au même titre que les emplois et le logement, et que la fréquentation de l’art peut changer les vies.

Dans sa campagne pour défendre le musée de Detroit, le PES donne une voix à ces sentiments et leur apporte une perspective politique. Le PES a lancé sa campagne en comprenant que la radicalisation de la classe ouvrière ne doit pas, et ne va pas, prendre place seulement autour des questions économiques, mais aussi autour de toutes les grandes questions auxquelles est confrontée la société humaine. «Le socialisme n’est pas un problème de pain et de beurre», écrivait Rosa Luxembourg, «mais un mouvement culturel, une idéologie mondiale grande et fière».

Face à une classe dirigeante qui tire sans relâche la société vers le bas, c’est la classe ouvrière qui doit fournir la voie de l’avant. Cependant, pour accomplir cela, les travailleurs doivent être organisés politiquement et armés de la compréhension que leurs droits et intérêts sont incompatibles avec le système capitaliste, avec la subordination de la société aux intérêts d’une petite élite financière et économique.

La défense du musée de Detroit concerne tout le monde. Ce qui est en jeu est non seulement l’avenir du musée et de Detroit, mais tous les droits de la classe ouvrière. Nous appelons les travailleurs et les jeunes à travers le pays et à l’échelle internationale à appuyer cette lutte.

Visitez defendthedia.org pour vous impliquer, faites connaître la campagne et envoyez-nous des lettres de soutien.

 

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